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BIBLIOTHFQUE DES ECOLES FRANÇAISES D'ATHENES ET DE HOME
PL'BLIÉE
SOUS LES AUSPICES DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
FASCICULE CENT TREIZIEME
STPATHrOE rnATOS
ÉTUDE SUR LA TRADUCTION EN GREC
DU TITRE CONSULAIRE
PAR
MAURICE HOLLEAUX
PARIS
E. DE BOGCARD, ÉDITEUR
ANCIENNE LIBRAIRIE FONTEMOING ET C'«
i , RUE DE MÉDIGIS, 1
1918
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BIBLIOTHÈQUE
ÉCOLES FRANÇAISES D'ATHÈNES ET DE ROME
FASCICULE CENT TREIZIÈME
STPATHrOS rOATOS
Par Maurice HOLLEAUX
MAr.O>, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS
ETPATHrOS YnATOS
BIBLIOTHÈQUE DES ÉCOLES FRANÇAISES D'ATHENES ET DE ROME
PUBLIÉE
SOUS LES AUSPICES DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
FASCICULE CENT TREIZIEME
ZTPATHrOS rnATOZ
ÉTUDE SUR LA TRADUCTION EN GREC
DU TITRE CONSULAIRE
PAR
MAURICE HOLLEAUX
PARIS
E. DE BOGCARD, ÉDITEUR
ANCIENNE LIBRAIRIE FONTEMOING ET O»
1, RUE DE MÉDICIS, 1
1918
EDMOND POTTIER
AVANT-PROPOS
Lorsqu'on lit les plus anciennes inscriptions grecques où
mention soit faite de consuls, ou qu'on parcourt les Histoires
de Polybe, le premier écrivain grec qui ait traduit les titres
des magistratures romaines, on s'aperçoit que le titre de con-
sul y est exprimé de trois manières. Il est rendu ou bien
par l'expression composée (7zpa-r,Yoç uxaioç, ou bien par le titre
de G-px-r,'(ôz, ou bien par celui d'j-aTOç. C'est ce dernier titre,
comme on sait, qui, dès le courant du i^'' siècle avant notre
ère, demeura seul en usage pour désigner les consuls.
Cette variété de dénominations est propre à causer quelque
embarras. Une question se pose naturellement et s'est depuis
longtemps posée aux critiques : Des trois appellations
grecques ci-dessus énumérées, quelle fut l'appellation publique,
officielle ou, comme disaient les Romains, « solennelle et
légale » des consuls — appellatio sollemnis et légitima'! La
question a été souvent agitée et par des érudits considérables ^ ;
ils y ont fait des réponses diverses et contradictoires. Dans le
1. Ceux à moi connus, qui ont traité le sujet, sont les suivants (l'astérisque
signale les travaux les plus importants) :
Perizo>-ius, Animadversiones historicae (Amstelaedami, 1685), cap. 1, p. 35-
37.
J. ScHWEiGHAEUSER, Lexikon Polybianiim (1795), p. 566-567.
E. Q. ViscoTi, Journal des Savants, 1816, p. 24.
A. BoECKH, Corpus Inscriptionuni Graecarum, I, comment, du n. 1325,
p. 649; comment, du n. 1770, p. 862; II, comment, du n. 3800, p. 979.
W. H. Waddington, Inscriptions d'Asie mineure [Explication des inscrip-
tions), III, n. 588, p. 197.
*Th. Mom.msen, Gesammelte Schriften, VIII (1913), p. 259-264 (= Ephemeris
epigraphica, I (1872), p. 223-226) : S-upa-riyo; uTtato?. — Cf. Rômisches
Staatsrecht, IP, p. 75-76; 194,1, etc.
*Fr. Hultsch. Polyhii historiae, éd. altéra, vol. II (1892), praef. p. xii-xv.
*Th. Bùttxer-Wodst, A'eize Jahrbûcher fur Philologie und Paedagogik,
t. 145-146 (1892), p. 166-169 (S-:pa-7]io; j-axo;).
M. Mentz, De Magistratuum Romanorum Graecis appellalionibus (diss.
lena, 1894\ p. 6-20.
*P. FoucART, Revue de Philologie, XXIII ^1899), p. 254-260 (StpairiYÔç
■j~aTo;, a-paTr|YO; àvÔ'j-aTo;) .
VIII
présent mémoire, j'en ai repris l'examen et me suis efforcé de
la résoudre .
Si l'on veut conduire cette recherche avec méthode, certaines
précautions, comme on l'a justement remarqué, sont indispen-
sables i. Il est clair qu'il importe d'abord de rang-er les textes
dans l'ordre chronologique, comme aussi de les classer
d'après leur nature et leur provenance. Non seulement les
documents d'un caractère public (qui nous sont parvenus
sous forme d'inscriptions) ^ doivent être mis à part des écrits
littéraires (lesquels ne sont ici représentés que par le seul
ouvrage de Polybe), mais, de plus, il convient de dis-
tinguer, entre les documents publics, ceux qui sont d'origine
romaine ou d'origine grecque ; enfin, parmi les documents
d'origine romaine, il y a lieu d'étudier séparément ceux qui
eurent pour auteurs des consuls et ceux qui sont sortis des
délibérations du Sénat.
Mais, si nécessaire que soit cette distribution des textes par
époques et par catégories, elle ne saurait sullîre à nous éclai-
rer ; et c'est à tort qu'on a pensé que, les documents une fois
rigoureusement classés, la solution cherchée devait apparaître
aussitôt.
Ce qui importe avant toute chose, c'est, en consultant les
différents documents, de les soumettre à une analyse critique.
Lorsqu'on rencontre dans un texte grec le titre consulaire, ce
qu'il faut toujours vériiier, c'est si ce titre, en raison de la
nature du document où il se trouve et en raison aussi de la
place qu'il y occupe, est 1' « appellation solennelle » du con-
sul ou n'en peut pas être l'appellation courante et simplifiée.
Car, en tout temps, en tout pays, un fonctionnaire a pu être
désigné (si son titre était susceptible de simplification), soit
par ce titre exprimé de façon complète et conformément au
D. Magie, De Romanoruin iuris publici sacrique vocabulis sollemnibus in
Graecorum sermonem conversis (diss. Leipzig', 1905), p. 6-8, 74-76.
A'^. B. J'ai d'ordinaire cité les études de Hultsch, Bûttner-Wobst, Mentz et
Magie par le seul numéro de la page, sans reproduire le titre de l'ouvrage ou
du mémoire.
1. Cf. P. Foucart, Rev. Fhilol. 1899, 255.
2. A la vérité, quelques inscriptions sont d'origine privée; mais le nombre
en est assez restreint. Au reste, je n'ai pas manqué d'en signaler le caractère
particulier et de les distinguer des autres.
IX
formulaire officiel, soit par le même titre, abrégé et réduit à
ce qu'en la circonstance on jug^eait suffisant. Pour avoir
né.^lij^é une observation si simple, on a commis parfois, dans
le cas spécial qui nous intéresse, d'étranges erreurs d'inter-
prétation.
J'en ai, quant à moi, tenu compte, aussi exactement que j'ai
pu, dans les deux premières parties de ce mémoire : — dans
la première, où j'ai examiné les documents d'origine consu-
laire (lettres et actes divers des consuls ; inscriptions placées
par des consuls sur des monuments d'utilité publique ; dédi-
caces composées par des consuls) ; les documents provenant
des Italiens de Délos ; les documents d'origme grecque (décrets
et dédicaces des villes grecques) ; enfin l'ouvrage historique
de Polybe ; — dans la seconde, où je me suis particulièrement
attaché à l'examen des actes du Sénat '.
Les résultats concordants de cette double étude m'ont paru
justifier l'opinion où je me suis arrêté : c'est, à savoir, que
<!Tpxxr,yoq \j-aT:oq fut, dès une époque reculée, le titre officiel
des consuls, et qu'JTuars; n'est que l'une des deux simplifica-
tions de ce titre ancien, l'autre, moins durable, ayant été
Cette opinion ne saurait prétendre et ne prétend pas à la
nouvi-auté. Elle n'est, pour le principal, qu'un retour à la
doctrine jadis communément acceptée qui se recommandait
de l'autorité de Mommsen ; mais, par là, elle se trouve précisé-
ment contredire de la manière la plus directe celle qui s'est
produite en ces dernières années et qui est maintenant en
passe de devenir classique"-. Je pense avoir montré que cette
doctrine nouvelle, qui n admet à toute époque, pour les con-
1. A peine ai-je besoin d'avertir que j'ai employé, par commodité, l'expres-
sion « actes du Sénat » dans son sens moderne et français. Il ne s'aj^it nulle-
ment ici des aeln senulus (procès-verbaux des séances du Sénat), mais des
actes publics (sénatus-consultes et lettres missives) où sont consij,'nées les
décisions du Sénat
2. Cette 0))inion nouvelle est celle de P Foucart, Rev. Philol. 1!*99, 254 et
suiv. Il st rei^-^rctlable que D. Md>;ie (De /îomaior. turts pubLici sacrique vncab.
solleinn'hiis eqs.i n'ait pas connu le travail de P. Foucart. A son tour, P. Fou-
cart a ifjnoré l'important mémoire publié par Th. Biittner-Wobst [Jahrb.
1892, 166-169)
suis d'autre titre officiel que celui d'iJTua-oç, tombe devant
l'observation critique des textes.
Dans la troisième partie de mon travail, je me suis appliqué
à chercher comment s'est formée l'appellation cTpa-tiyoç ÛTraxoç,
quelle en fut la signification première, et d'où elle a tiré son
origine. On verra (jue là, sur un point capital, je me suis
séparé de Mommsen, et que j'adopte en partie, mais en partie
seulement, une explication récemment proposée. Comme son
auteur, je suis d'avis que « stratège » fut le premier nom que
les Grecs donnèrent spontanément aux consuls ; mais, à l'en-
contre de ce qu'il a pensé, je ne doute pas que l'appellation
double ffTpaTYjYo; u-aicç ne soit aussi d'origine tout hellénique.
Un document épigraphique, qui semble avoir peu retenu
l'attention, m'a paru fournir en ce sens un indice instructif.
Ma conviction, fondée sur des arguments qu'appréciera le
lecteur, est que l'antique titre grec des consuls n'est en rien
l'ouvrage des Romains, qui l'ont reçu des Grecs tout formé.
La première et la plus grande difficulté de ma tâche consis-
tait à réunir toutes les inscriptions grecques où sont mention-
nés des consuls. En pareille matière il est malaisé d'être com-
plet et je n'oserais me flatter d'y avoir réussi. J'espère, tou-
tefois, que, parmi les inscriptions publiées jusqu'au mois de
juillet 1914 — époque où les deux premières parties de ce
mémoire étaient entièrement rédigées — , aucune ne m'a
échappé qui eût quelque importance. Quant à celles qui ont
pu être éJitées depuis trois ans, on me jugera sans doute
excusable de les avoir ou mal connues ou même complète-
ment ignorées'. 30 avril 1917.
1. Les citations de Polybe sont toujours faites d'après l'édition de Th.
BiUlner-VVobst (Leipzig, Teubner, 1882-1904).
L'impression de ce nnémoire, commencée à l'automne rie 1917, s'est
pou suivie, à travers des difficultés trop explicables, jusqu'en décembre
191S. Ces lenteurs, que j'ai souvent regrettées, ont eu pourtant leur
avantage. Durant l'année 1918, J'ai reçu communication d'inscriptions
inédites dont Tiiitérêt documentaire est considérable ; elles ont pu
trouver place, avec les remarques, en partie rectificalives, quelles
mont paru moliver, dans les Additions et Corrections, que je recom-
mande très spécialement à l'attention du lecleur
CHAPITRE PREMIER
La traduction grecque du titre consulaire : I dans les docu-
ments PROVENANT DES CONSULS; II DANS LES INSCRIPTIONS
dédicatoires provenant des Italiens de Délos ; — III dans
LES documents d'oRIGINE GRECQUE (DÉCRETS ET DÉDICACEs) ; —
IV DANS l'ouvrage DE jPOLYBE.
I. — Documents provenant des consuls.
§ 1. Lettres et rescrits des consuls.
Nous nous proposons de rechercher comment fut traduit
en langue grecque le terme latin consul. 11 importe avant
tout de savoir comment les consuls exprimaient leur titre
lorsqu'ils faisaient usage de cette langue. Les premiers docu-
ments que nous devions examiner sont donc ceux qui pro-
viennent des consuls eux-mêmes. Parmi ces documents,
nous donnerons la première place aux lettres ou rescrits
adressés par des consuls, en charge ou prorogés, à des cités
ou corporations de la Grèce d'Europe ou d'Asie.
Nous connaissons, en original ou par des résumés, quelques
lettres de cette sorte*. La plus ancienne fut écrite entre 196 et
194. Chacune débute par une suscription ou, plus exactement,
par une formule de salutation établie surun modèle invariable.
Cette formule comprend : le nom du consul (ou proconsul ~)
1. Dans la liste qui va suivre on ne trouvera pas la lettre, faussement attri-
buée à Cn. Manlius Volso (cf. l'Appendice, à la fin de cette étude), qui fut
adressée aux Hérakléotes-du-Latmos par l'un des consuls de 188 ; c'est qu'en
effet, cette lettre ayant pour auteur véritable le Sénat, sa place normale est
parmi les actes du Sénat; cf. ci-après, p. 97 et suiv.
2. Il est presque superflu de rappeler qu'il n'a point d'abord existé de titres
spéciauxpour distinguer les promagistrats des magistrats, et que les dénomi-
nations de oxpaT/iyo; uraio? (puis uTiaio;) et de CTTTpaTïiYo; ont été attribuées
également bien aux consuls et aux proconsuls, aux préteurs et aux propré-
HoLLEAUX. — STpatrjYo; uTzaTo?. 1
â ClIAPlTllE PREMIËK
auteur de Técrit, au nominatif; son titre, toujours placé à la
suite du nom ; le nom, au datif, des destinataires; le verbe
ya.içis.V).
Ces lettres sont, au premier chef, des actes publics •. Des
cinq que je vais d'abord mentionner, deux (1, 4) sont des
décisions administratives ayant forme d'épîtres, et c'est avec
raison que Mommsen qualifie l'une d'elles de decretum'^. Deux
autres (3, 5) ont été rédigées sur l'ordre du Sénat par les con-
suls qui l'avaient présidé '^, et la dernière (5) a pour objet
de notifier aux intéressés un sénatus-consulte dont elle accom-
pag^ne le texte^. Lorsqu'ils écrivaient ces lettres, les consuls
leurs: voir Mommsen, Ges. Schriflen, VIII, 262-2G3, et suHoul Slaalsrecht, 11^,
2i0, 5 s./". ; cf. Meutz, Demar/istr. Roman, appellat. 15-16. Il est exact, comme
l'indique Mentz, que chez Polybe on ne trouve pas encore de tilulature pré-
cise pour les promagistrats, et que le proconsul y porte souvent le même
titre que le consul (cf. ci-après, p. 47, note 7, mes propres remarques). Un
te.xte qui a indirectement rapport à cette question et qui n'est pas dénué
d'intérêt, bien qu'on n'y ait guère prêté attention, se rencontre chez Plu-
tarque (MarceUiis, 30. 61. Plularque reproduit, d'après Poseidonios {FHG, III,
272, fragm. 46), l'épigramme placée, dans le sanctuaire d'Athéna Lindia,
au-dessous de la st,atue de M. Claudius Marcellus (consul en 208 pour la
5* fois) : o'Jtoç TOI 'Poiar); ô [xiyxi, Çsvc, "arpioo; aaTrJp, [ JNIapzsÀXoç zXstvoJv
KXa-jôio; y. TiaTïpojv, [ i-tâz'. xàv O-aTav «p"/àv èv "Aprii çjXâÇaç, | zaï ttoXjv
àvTî-âXwv ly/.aTcysue odvov — ; puis il ajoute : Tr,v yàp avOû-aTOV àpyrl'j, r^v ot;
y]p^^, taï; Tzbjii zpoaxaTY)p!0;jLrj3£v ÔTraTsiat? 6 x6 ÈTïtypajmx -0'.7;aaî. L'auteur
de l'épigramme, en ne distinguant pas les deux proconsulats de Marcellus de
ses cinq consulats, n'avait fait que suivre l'usage de son temps ; c'est cet usage
qu'ignorait Plutarque.
1. On ne voit pas bien pourquoi P. Foucart {Rev. Philol. 1S99, 255 sqq.)
leur refuse le caractère d' «actes officiels ».
2. Mommsen, Ges. Schriften., VIII, 549: « Ipse T. Flamininus gentilicio
utitur — in ipsius décréta Graece scripto (il s'agit de la lettre aux Chyrétiens)».
Noter à la fin de cette lettre, l'emploi fait du verbe xpi'vw (1. 17). Il est certain
que la lettre (ci-après, u. 4) de L. Mummius aux Technites dionysiaques d'Io-
nie, dont la suscription subsiste seule, notifiait à ces Technites quelque déci-
sion prise en leur faveur : cela résulte du fait qu'au-dessus de cette lettre en
est gravée une autre (/G, VII, 2413) qui confère ou maintient aux Technites
de l'Isthme une série de privilèges.
3. Cf. ci-après, p. 92 et suiv.
4. On ne sait trop quel était le caractère de la lettre (mentionnée ci-après,
n. 2) écrite par L. Scipio aux Hérakléotes-du-Pont. D'après Memnon (fiîG,
III, 539, fragm. 26. 2) résumé par Photius, le consul y aurait exprimé sa
bienveillance pour la ville d'Héraklce et fait connaître le désir des Romains
de s'accommoder avec Antiochos : èv toûtï) Tr|v -£ r.pô: aùtoù? siîvoiav èki^i-
l^aitov, y.al w; StaXjaaivto 'Poj|j.atot tïjv tz^oç 'AvTÎo-y(^ov jj.àyr|V. Mais ce résumé
est obscur et suspect.
bOCtJMEÎJtS DORIGINË CONsLlAIRË 3
agissaient donc en tant que magistrats et ne faisaient qu'exer-
cer leur fonction . C'est pourquoi il n'y a point à douter que
le titre joint à leur nom, dans la suscription ou formule de
salutation, soit leur titre officiel, leur appellation « solen-
nelle ».
Or, ce titre est toujours a-pOLrr^'foq uraToç Fcojj.xiwv ou GTpa-
Tr;YOç tiitaxoç pour l'époque la plus ancienne, de 196-194 à 139
ou 133. On notera que l'ethnique 'P(ojj.x'.wv ne se trouve
régulièrement que dans les lettres écrites en pays grec ; il
manque le plus souvent dans les lettres écrites de Rome, et
cette observation vaut, non seulement pour celles des consuls,
mais aussi pour celles des autres magistrats romains ' .
1. Le proconsul T. Quinctius (Flamininus), écrivant en 196,
193 ou 194, k la ville de Chyretiai, commence ainsi sa lettre :
Tix2ç Kct'vy.Ticç, ffTpxTrjvbç j-a-cç Poi);j.auiJv,XjpcT'.£Ojv -^ tcîç txvcTc
1. Voir la suscription de la lettre écrite, en 193. par le préteur M. Valerius
(Messalla\les tribuns et le Sénat à la ville de Téos fViereck, II = Dittenber-
gcr, Sylloye-. 279] : Màczoç QùaXap'.oç Mâpzoj ^Tça-riyô; ■/.%[ 5r|;j.as/0'. za-. /;
TJvy.ÀriTo; Tr^lwj Trj'. ^ouXfj'. /.ai -(oi or^ij.'-)'. -/a-'oE-v. Comp. l'intitulé, restitué
avec certitude, de la lettre écrite aux Mylaséens par le préteur M. Aemilius
(Dittenberger, Sylloge -, 928, 1. 35-36). — Waddin{,4on a le premier fait
remarquer Jnscr. d'Asie mineure, III, n. 588, p. 197) que « l'addition du mot
'P'oaai'ov n'aurait pas de raison dètre dans un document rédigé à Rome » et
que l'absence de l'ethnique est normale en pareil cas. Toutefois, il y a des
exceptions. Comme a bien voulu me l'apprendre Ém. Bourçuet. on a retrouvé
à Delphes un nouveau fragment de la lettre de Sp. Postumius (Albinus) au\
Delphiens (Viereck, X,, fragment qui donne à Postumius (pr. 189) le titre de
CTpaTriyô; 'Pojaaîwv. De même, le consul nommé en tête de la lettre aux
Hérakléotes-du-Latmos est dit <J^:o%-r^^ôi j-aTo; 'Pojaaîojv. bien que celle
lettre ait été expédiée de Rome (cf. ci-après, chap. II, p. 99 suiv., et Appen-
dice). L'explication la plus probable de ces exceptions, c'est que l'ethnique a
été ajouté en Grèce aux documents originaux par ceux qui en firent établir lu
copie lapidaire.
2. XjsïT'.i'ov selon Arvanitopoullos. Apy. 'Ez-r^a. 19J3, 145.
3. IG, IX. 2, 338 — Viereck, I = Ditlenberger, Sylloge 2. 278 = Ap/. 'Eç;r,;j..
1913, 145. — Toute indication fait défaut pour choisir entre les trois années
196-194. Niese (Gesch. der. gr. iind mak. Slaaien, II, 666) est d'avis, si je l'en-
tends bien, que la lettre de Titus fut écrite au printemps de 194, lorsque le
proconsul visita la Thessalie et qu'il en organi.sa le régime intérieur (Liv. (P.)
34. 51. 4-6); cela est possible, mais n'a rien de nécessaire. On a pris l'habitude
(Viereck, Dittenberger, Kern) de répéter, à la suite de Boeckh (C/G, 1770,
que Titus put écrire aux Chyrétiens pendant l'hiver de 196/105, tandis qu'il
4 CHAPITRE PREMIER
2. C'est le même titre, sans aucun doute, qui faisait suite
au nom du consul L. Cornélius Scipio dans la suscription,
conservée par Memnon, de la lettre qu'il écrivit en 190 aux
Hérakléotes-du-Pont*. La mauvaise leçon axpocvqybq àvOjxaTOç
ne peut provenir, en effet, que d'une erreur, imputable soit à
Memnon lui-même, soit à Photius qui l'aurait introduite dans
le texte de Memnon ; l'adresse de la lettre devait porter :
As'jxtoç KopvT^Atoç Zv.txiwv (?), o-TpaTT^voç <C3:vO>u7i:aTûç [ P(0-
[xaio)v], lipaxXcWTWv -f,t. j^ouA-^i v.al tw'. o-qiJM'. yylpevf '~.
résidait « à Athènes » ; je dois faire observer qu'il n'a jamais hiverne à
Athènes ; on ne voit même pas qu'il y ait fait séjour pendant la guerre de
Macédoine. C'est à Élatée qu'il passa les trois hivers de 197/] 96 (Liv. (P.) 33.
27, 5), 196/195 (Liv. (P.) 34. 25. 1 ; cf. Niese, II, 657), et 195/194 (Liv. (P.) 34.
48. 2).
1. Memnon (dans Photius, Bibt. 229 b, 13), FHG, III, 539, fragm. 26. 2 :
ô 8è KopV7)Âioç SxtTCÎtov avTSTiiaTïX/.wv rot; 'Hpay.Xswta'.ç, i^typàcpei oûxojç.
S/.t7i(wv, crxpaxriYÔ; àvÔÛTiaxo; 'Pwij.attov, 'Hpax.XswTwv Trj pouXT) /.al xm otj'jxw
yatpEiv. La correction nécessaire — j-axo; au lieu d' avOjj:axo; — a été faite
par Wilamowitz (Ind. schol. Gotling. sem. aest. 1884, 15 ; cf. Viereck, 70, 3).
Mais je ne sais s'il faut, avec Wilamowitz et Viereck, rendre Photius respon-
sable de la confusion des deux titres. On remarquera qu'une erreur identique
se rencontre dans un décret de Priène, dont il sera reparlé plus loin {Inschr.
von Priene, 109, 1. 93); il n'est pas impossible que Memnon ait, comme le
rédacteur de ce décret, écrit par még:arde avOj-axo; au lieu d" J^raxoç. — La
lettre aux Hérakléotes est attribuée par Photius à P. Scipio {FHG,ibid.!l6. 1) :
•jŒxeoov §£ y.al rpô; Kopvr^Àiov Sxtxt'wva xôv xr)v AiSjtjv 'Pfoijiatotç zxYiaajxEvov
8taTC£u.7iouai (Heracleotae) TïpsaSsîav, xrjv wjj.o)vOY-^(jL£vr]v cpiXt'av iTïtX'jpoîUvxcç,
(2) jA£xà xaû'xa oè TcâXtv ~pô; aùxôv ^i7.T:pîi[ieùo'Jxa.i, O'.aÀXoéxxs'.v x:poç 'Pa)[jiatouç
à?touvx£; xôv PaaiXia 'Avxto)(^ov" xai ii75çptŒ[i.a Tïpô; aùxov sypa-^av, Tcapatvouvxsç
aùxôv xT)v nprjç 'Po}[j.a''ou; oiaXûaaoôai 'r/ 6pav. ô SI KopvT)Xtoç xxX. Mais, comme
l'ont bien vu Wilamowitz et Viereck, Photius se contredit un peu plus loin :
xà aùxà 0£ Ac'jxuo HoTkX'.o; KopvrîXioç Sxitzîcov ô àosXcpô; xat axpaxTjyôi; xou vau-
xixoU xoïç 'HpaxXetiixatç 0'.a::p£(j|5£uaa[jL£voi; avx£ypa'|£. De ce passage il résulte
que l'auteur de la première lettre fut bien le consul Lucius. — Les conclu-
sions, relatives à la situation légale de P. Scipio pendant l'expédition d'Asie,
que Niese (II, 721, 1) a pensé tirer du texte de Memnon, sont chimériques,
Niese n'ayant pas reconnu l'erreur de Photius.
2. Le surnom SxtTîtwv doit être une addition de Memnon. Jamais le co^nomen
n'est indiqué dans les actes publics à une époque si ancienne icf. Mommsen,
Rom. Forsch. I, 47 ; Ges. Schrlf'len, VUI, 286; P. Foucart, Mém. Acad. Inscr.
XXXVII, 11,319-320) ; on ne le trouve que dans les décrets rendus parles villes
grecques et dans les dédicaces (cf. pour P. Scipio, IG, XI, 4, 712 ; pour
L. Scipio, Sylloge -, 588, 1. 90-91, 100-101, et ci-après, p. 21, note 3). En
revanche, il paraît indispensable d'ajouter 'Pa)[j.atwv au titre consulaire;
cf. ci-dessus, p. 3. Peut-être, au lieu de Asûxto; KopvrjXto;, lisait-on dans la
DOCUMENTS D ORIGINE CONSULAIRE i)
3. Josèphe a reproduit une lettre *, évidemment authen-
tique, écrite par le consul C. Fannius (Strabo) (cos. 161) aux
magistrats de Kos, pour leur recommander, ainsi que l'avait
prescrit le Sénat, les ambassadeurs juifs qui s'en retournaient
de Rome en Judée. Dans la suscription de cette lettre, (jTpaTv;-
Yoç jxaTc; est le titre donné à C. Fannius : Fiioç <ï>âvvioç Faicu
u'.ôç, G':pO(.Tri-{Qç uTCaio;, Ko')0)v ap-/oua'. -/aipsiv.
4. Pareillement, le consul ou proconsul — selon toute vrai-
semblance, L. Mummius (Achaicus) (cos. 146 ; pro cos. 145) — ■
qm répond à une requête des Technites dionysiaques de l'Io-
nie et de l'Hellespont -, s'intitule T-paTr^vcç ■jr.cc-o: P(o;j.auov.
suscription : Asixio; Ilo'Xtou uio; KopvrjÀîo; ; toutefois, la lettre de T. Quinc-
tius aux Chyrétiens ne porte que Tl'toç KoÎv/.t'.oç, et, dans les dédicaces
faites à Délos par L. Scipio, il ne semble pas que son père fût nommé (Dit-
tenberger, Sylloge^, 588, 1. 90-91, 100 ; cf. ci-après, p. 21, note 3).
1. Joseph. Antiq. Jud. XIV. 10. 15, 233 Niese : Tdioç <ï)âvvtoç Faîou uio'ç,
aTpaTYJYo; G-ato;, KoSwv àp-/^ouai yat'peiv (SoûXoixat 0;j.a; sîoÉvai, oTt -péajBci;
'louôatwv [xoi TTpoarjXOov aÇtouvicÇ Xa^siv xà auy/.XrlTOv 00Y[j.aTa Ta -îpl aùnov
ysyovoTa. u7:oT£TaxTa'. 8È xà Ssôoyp.Éva. u[;.aç oùv ôsÀw çoovTÎaat zai rpovorjaa'.
TtSv àvÔpojTiwv Y.OL'à. TO t9î; auyzXrjTou Soyfia, o-coç O'.à -fj; uixsvépa; yiôçaç, ctç
rv^ o'.z£''av àa^aXto; àvazouLiaôioaiv. — Il est superflu de revenir sur les inter
minables discussions auxquelles a donné lieu la suscription de ce document,
à l'époque où l'on croyait qu'il avait pour auteur G. Fannius, préteur et gou-
verneur de l'Asie en 49 : cf. les résumés de Hôlzl, Fasti prael. 63-64 ; Viereck
70-71, cf. 115 ; Miinzer, P-W, VI, 1991, s. v. Fannius, 9. Niese a établi de façon
décisive qu'il s'agit de C. Fannius C. f. (Strabo), consul en 161 : Oriental. Stu-
dien Th. Nôldeke gewidmet (1906), 11,818 sqq. [Eine Urkunde aus der Makka-
bâerzeit). — L'ambassade juive venue à Rome en 161, après la victoire de
Juda Makkabi sur Nikanor, est mentionnée dans I Macc. 8, 17 sqq. ; cf. II
Macc. 4, 11; Joseph. Ant. Jud. XII. 10. 6, 415-416; Bell. Jud. I. 4,38;
Justin. XXXVI. 3. 9. Les ambassadeurs étaient Eupolémos et Jason ; cf.
Niese, thid. 823; Gesch. der gr. und mak. Staat. III, 254; Kritik der Makka-
bàerb. [Hermès, 1900), 501-502 : Schiirer, Gesch. des jiid. Volkes, H, 218. C'est
cette ambassade qui aurait obtenu du Sénat le traité d'alliance, dont le texte
(gravement altéré) est donné par I Macc. 8. 23 sqq. (Joseph. Ant. Jud. XII.
10. 6, 417 sqq.). Sur l'authenticité possible de ce traité, voir, en dernier lieu,
Taubler, Imp. Romannm, I, 242 sqq.
2. IG, VII, 2414 = KlafTenbach, Symholae ad histor. collegiorum arli/icum
Bacchioruni (diss, Berlin, 1914', 26-27. — L'attribution à L. Mummius a été
proposée par P. Foucart {Rev. Philol. 1899, 257), Colin BCH, 1906, 279, 1),
Poland (Gesch. des griech. Verein.swes. 137). Klaffenbach {ibid. 25-28) me
paraît avoir démontré qu'il est bien, en effet, l'auteur de cette lettre, comme
aussi de la précédente (IG, VII, 2413), adressée aux Technites de l'Isthme et
de Némée.
6 CriXI'ITRR PREMIER
La suscription de son i-escrit a été fort habilement restituée
par G. Klafl'enbach : [Asjy-io;; Md;A;j.'.o;|, atpxTv;YÔç ij-xtoq
'P(i);j.a{[wv, Ttot y.î'.vwi xtov •^spt] tbv AiÎvjtov TsyviT[o)v twv It:'
'Iwvtaç y,at 'EaXvjïtcôJvtou xtX.
o. Gest de la même façon encore que se qualifie L. Cal-
purnius Piso (L. Calpurnius Piso, eos. 139 i, ou L. Galpur-
nius L. f. Piso (Frug-i), cos. 133), lorsqu'il invite, sur l'ordre
du Sénat, les Itaniens et les Hiérapytniens à déférer leurs
litiges à l'arbitrage des Mag-uètes-du-Méandre, et leur com-
munique le sénatus-consulte rendu à cet effet '-. La sen-
tence des arbitres magnètes reproduit en partie la suscrip-
tion de la lettre consulaire ^ Celle-ci commençait par les
J. Nous devons noter qu'il n'est pas tout à fait sûr que Calpurnius Piso, con-
sul en J39, ait eu pour prénom Liicius. Quelques soiu-ces donnent Cnaeus \
cf. Kornemann, Die neiie Livius-Epitome ans Oxi/rhyiichiis, 63, 73 et note 3.
2. Kern, Inschr. von Magnesia, 105 = Dittenberger, Sylloye -. 92'J, 1. 10-11.
dont le texte sera cité plus loin (note 3; cf. chap. II, p. 94). — Boeckh (CIG.
.idd. 2561 b) pensait que le consul ici mentionné est L. Calpurnius L. f. Piso,
qui fut en charge en 57. C'était là une erreur, comme on l'a vu depuis long-
temps ; mais il est difficile de décider entre L. Calpurnius Piso consul en
139, et L. Calpurnius L. f. Piso Frugi, consul en 133. J. Klein {Die Verivnltunc/sh.
der Pi'ovinz. I, 50) opine pour le second; Kern [ihid . p. 99' et Dittenberger
( ifti'd. not. 7) pour le premier; P. Viereck {Genethl. Golting. 1887,60 sqq.;
.Sernio Graecus, 48, note au n. XXVI) et Mûnzer (P-W, III, 1382-1383, s. v.
Calpurnius, 73 : cf. cependant P-\V, VI, 1793 , s. v. Fabius, 109) laissent, avec
plus de raison, la question ouverte. En tout cas, les deux seules dates pos-
sibles sont 139 et 133, et l'on s'étonne que Ed. Cuq, dans son commentaire
malheureux du Sénatas-consalte de l'an 166 [sic] [Mém. Acad. Inscr. XXXIX,
145, note 3, 3"), place, au jugé, " vers 140 » le sénatus-consulte d'ilani [sic],
ainsi dénommé parce que Itani, génitif d'Itanus, est le premier mot du
lemma dans les Inscr. gr. ad res roman, pertinentes, I, 1021. — On sait que
le I" livre des Macchabées contient, en l'une de ses parties les plus sus-
pectes (I Macc. 15. 16-23), une lettre adressée au « roi Ptolémée » par
« Lucius, consul romain », lequel semble ne pouvoir être que L. Calpur-
nius Piso, cos. 139. Le texte de cette lettre, tel qu'il nous est donné, n'a
aucun caractère d'authenticité (cf. Viereck, 93). Je me bornerai à faire obser-
ver que la suscription Aî'jz'.oç, ûxaxoç 'Pwjiaîcov, riToXsaatto j3aotX£Ï y a-'pîtv
n'est pas celle qu'on attendrait d'après ce qui se lit à la 1. 11 de la sentence
arbitrale des Magnètes, qu'il s'y agisse du consul de 139 ou de celui de 133.
Il faudrait aToatriyô; oTcato; ; de plus, il est impossible que le consul ait été
désigné par son seul prénom.
3. Ce fait n'a pas été observé et mérite de l'être. Voici ce qu'on lit dans la
sentence des Magnètes (I. 10-11) : [xatà xô yeyojvo; u7:o xrîç auyxXTjTou Sdyfia
zat xaxà xriv à;tO!JxaX£Î<ja[v STtiTXOÀrjv u^o A]£[ux'!oii KaXorcopvi'ou AeJuxîou
•j'.co [\2'.iuy/o; Txpaxïiyoij j-xxo'j. — Les derniers mots sont certainement
DOCUMENTS d'oRIGINE CONSULAIRE 7
mots : As'jy.io; KaXoTtôpvis; Asjx'O'j u-.b- flsCctov, (7Tp7-Y;Ybç jra-
Il est clair, d'après ce qui précède, que c'est sur le modèle
de lettres authentiques écrites par des consuls, que Denys
d'Halikarnasse a fabriqué la réponse de P. Valerius Laevinus
au roi Pyrrhos\ qu'on peut lire dans un fragment du 1. XIX
empruntés à la suscription de la lettre de L. Calpurnius Piso. Cela résulte de
plusieurs remarques : 1° C'est seulement cette suscription qui a permis aux
Magnètes de connaître et de reproduire avec tant d'exactitude le noinen legiti-
mum de L. Calpurnius L. f. Piso : rien n'y manque, et le prénom, le gentilice, le
patronymique, le surnom se suiventdans l'ordre correct où l'adresse, calquée
surun modèle latin, les énumérait;2° l'addition, contraire à l'usag-e grec, du mot
ulo; (filius) après Asj/.tou ne s'explique aussi que par la transcription d'un
texte grec, ou traduit ou imité du latin ; 3° le titre de aTpaTYîyo? 'jttxto; n'est pas
accompagné de l'ethnique 'Pwaai'tov : or l'absence de l'ethnique, comme il a
déjà été dit, est propre aux adresses des lettres écrites de Rome par les
magistrats romains ; 4° comme c'est toujours le cas dans les adresses de ces
lettres, le titre du magistrat fait suite et forme apposition à son nom, au lieu
que les Grecs ont accoutumé de le placer avant le nom (voir, dans la sentence
même des Magnètes, la 1. 20). Les choses étant ainsi, il faut admettre que le
titre de atpaTr,YÔ; Ojcatoç, attribué ici au consul, est bien celui que lui donnait
l'adresse de sa lettre. Comment, en effet, dans une transcription dont la
fidélité est par ailleurs si manifeste, les Magnètes n'auraient-ils altéré que le
titre de L. Piso? Au reste, la preuve du contraire se pourrait tirer du fait
que, par deux fois, dans leur sentence, ils ont abrégé ce titre en arpaTr^Yo:
(1. 20, 87) : quelle apparence qu'ils eussent employé cette abréviation, si,
dans l'écrit qu'ils avaient sous les yeux, L. Piso n'avait été appelé qu'iraroç?
— Je note ici que, dans la sentence des arbitres milésiens en faveur des Mes-
séniens (Dittenberger, Sylloge -, 314, III, 1. 42-43), on a reproduit aussi la
suscription de la lettre du préteur Q. Calpurnius, mais avec une moindre
fidélité; c'est ce qu'indique la place attribuée au titre de (JTpaTïiYoç : w; oï 6
(jTpacTifiYÔ; ['iYpatj'^î Ko'-.vtq; KaXtJiopv.o; Tatou ub'ç. '— Les deux premières
lignes du décret d'Ilion en l'honneur de Nikandros (Dittenberger, Or.
gr. inscr. 443) suggèrent une remarque semblable. On y trouve transcrite,
mais librement, l'adresse de la lettre du gouverneur d'Asie, C. Claudius Nero,
aux magistrats des rToiaavriVoî : i-Ktl tou àvOu^aTOu Faiou KXa'jStoj IIotÙJ.oj
uioij NÉpwvo; ÈTZfcaÇavTo; toi; rio'.aavrivàiv apyo'Ji'.y y.xX. Le titre d'av6jr:aTo:
(cf. ci-après, p. 16) a été, selon l'usage grec, reporté avant le nom. — Dans le
passage de leur décret où ils rappellent la lettre qu'ils ont reçue du préteur
M. Aemilius (Dittenberger, Sylloge"^, 928, 1. 3-4), les Magnètes ne se sont
nullement attachés à rendre le texte de la suscription ; ils ont écrit : ^oi-'^cL^no;
Se y.'Xi TO'j aToaTriyoij toÎj 'Pwaaîtov }ilziy/.o-j Avx'jX'.ou ~pô; x]r^v r]u.£Tipav
TîdXtv xtX. Tout ici, la simplification du nom, l'addition de l'article devant
'Pwaaîwv, la place donnée au titre du magistrat, montre qu'il n'a pas été
tenu compte du formulaire romain.
1. Dionys. Halic. Anl. Rom. XIX. 10,
8 CHAPITRE PREMIER
de V Archéologie romaine. Cette réponse n'est que le divertis-
sement d'un rhéteur qui s'amuse à faire l'iiistorien ; mais il
faut convenir que la suscription en est fort correcte : IIôttXioç
OjaXspisç Aaj^ivioç, (jxpavr^^foq UTraxo; 'Po)iJ.a'.o)v, [jacAet TTupp(.)i
•/aipîiv '.
Ainsi, depuis 196-194 jusqu'à 139 (ou 133), c'est-à-dire
durant une période qui comprend à peu près les deux premiers
tiers du ii^ siècle, l'appellation solennelle des consuls, telle
que la font connaître les suscriptions de leurs lettres, est, en
langue grecque, (jTpa-Y^Ybç j-x-oç. Dans notre première catégo-
rie de documents, il n'est jamais fait emploi, à cette époque
ancienne, d'un titre différent pour désigner le consul exerçant
sa magistrature.
Au i*^"' siècle, nous constatons un changement. Dans
les suscriptions de leurs lettres, les consuls s'intitulent
•jTTaxo'. '.
En 73, lorsque M. Terentius Varro Lucullus et C. Cassius
Longinus écrivent aux Oropiens pour leur faire part de la
décision qu'ils ont prise en leur faveur et pour leur communi-
quer le sénatus-consulte qui la confirme, ils s adressent à eux
en ces termes : [Maapxjoç TspsvTicç Maapxou u-.oç Ojappwv
A£-j/,oaXo^, Tiioq Kaatcç Asu%i[cu ulbç AovJyTvoç, uttoc-oi, 'Qpwâîtov
âpy^o'jjtv, ÎjOuX'^, 0T^]ixù\ yocipeiv ^.
On voit que l'appellation consulaire officielle est maintenant
•jTraxoç et non plus, comme auparavant, (jTpar^vbç uxaToç.
1. Remarquons seulement que le cognomen Aapîvtoç est sans cloute de trop
(cf. ci-dessus, p. 4, note 2).
2. Ch. Picard a récemment signalé [BCH, 1915, 47-48) une lettre consulaire
qu'il a découverte dans les ruines du sanctuaire d'Apollon Klarios, près
de Kolophon. Il ne subsiste de la suscription que le prénom du consul
( Aoûzio;) et les mots : — ; ujcaio; 'PwjAatwv. Mais, d'après les indications de
Ch. Picard, il est impossible de savoir si le S qui précède jTzaTo; appartenait
au mot [aTpaTïjydjç ou au gentilicium. Je n'ai pas vu la copie de l'inscription
et ne puis avoir d'opinion sur la date approximative (« i"' siècle avant Jésus-
Christ ») que Ch. Picard est tenté de lui assigner.
3. IG, VII, 413 = Viereck, .XVIII = Dittenberger, Sylloge'^, 334, 1. 1-2.
DOCUMENTS D ORIGINE CONSULAIRE 9
Désormais, c'est uTia-oç qui sera le titre régulièrement joint
au nom des consuls '.
Le changement ici signalé avait commencé de se produire
avant la fin du ii® siècle -. La substitution, rare ou fréquente,
en tout cas possible, dès 120-115 environ, du titre solennel
d'J7:aTs; à celui de Gxpoi.Tr,yhç uTzaxoq dans les suscriptions des
lettres consulaires se peut, en effet, démontrer indirectement
par l'emploi fait du titre àvOjTTocToç (au lieu de î-rpa-YJYoç àvO j-
r.xxo:) en tête d'une lettre qu'écrivit, à cette époque, un gou-
verneur de Macédoine. Mais ceci demande une brève explica-
tion.
1. On sait que Josèphe a inséré au 1. XIV de son Archéologie {Ant. Jud.
XIV. 10. 8, 213-216) une lettre écrite à la ville de Paros (et non de Parion )
par un magistrat romain dont le nom est altéré dans les manuscrits, et qu'on
a voulu, peut-être avec raison, identifier à P. Servilius Isauricus. proconsul
et gouverneur d'Asie en 46 et 45 (cf. sur cette question, le résumé de Viereck,
101). Le magistrat inconnu s'intitule ou, pour mieux parler, est censé s'inti-
tuler aTpaTYiyo; GraTo; 'Pojtxx'.oyj. Sa lettre commence ainsi : 'louXto; Fatoç
u[oao[??], atpaxriYÔç G-a-o; 'Pio[iatœv,nap{wv[nap'.avâ)v codd.Japyouat, ^ouX^,
orîu.(o yat'pEtv. On n'a pas réussi, bien qu'on s'y soit souvent efîbrcé, à éclaircir
le sens qu'aurait ici Qxoazr^fài j-aToç. En fait, cette appellation ne peut signi-
fier que consul, et, comme l'a bien vu Viereck (101 ; cf. 115, 70-71), c'est par
une faute évidente qu'elle a pris place dans la suscriptionde la lettre. Sa pré-
sence y est d'autant moins tolérable que, dans le corps même du texte,
elle est appliquée à César ;;215; : Fâioç Kaïaap b r)a£TEpo; uTça-r^-^àz <^ /.ac>
iiTiOL-oi. Peut-être, comme Ta pensé Viereck, faut-il remplacer aTpaTriyô;
•j-aioi; par aTcairiYo; avGJ-aTo;. Sans doute, l'emploi de ce titre dans l'adresse
d'une lettre écrite par un gouverneur provincial serait, à une époque si tardive,
un fait très anormal (cf. ci-après, p. 16), mais il s'accorderait bien avec l'emploi,
pareillement anormal, du titre suranné de (JTpaTf|YOç j-aTo; attribué ici au
consul. — Sur la substitution nécessaire, dans le te.xte de Josèphe, de
Ilapî'jjv à Ilapiavwv, cf. A. Plassart, iîer. Biblique, 1914, 533.
2. L'acte, remontant à 120-110 environ (cf. Dessau dans Mommsen, Ges.
Schriften, VIII, 347, 4), qu'on appelle improprement « sénatus-consulte
d'Adramyttion » (Viereck, XV = Mommsen, Ges. Schriften, Vlll, 345-346), et
qui est, en réalité, une décision arbitrale rendue par un magistrat en vertu
d'un sénatus-consulte (cf. P. Foucart, BCH, 1885, 402 ; Mém. Acad. Inscr.,
XXXVII, I, 338-339; Mommsen, Staatsrecht, III, 967, 4), débute, on le sait, par
un préambule en forme de lettre, analogue à celui qui précède le « sénatus-
consulte dOropos «). On avait autrefois pensé qu'il y était parlé d'un consul, et
l'on avait proposé de restituer, aux 1. 2-3, [aip JaT[riYVJv [y-arov] (P. Foucart,
BCH, 1885, 402); mais cette restitution a été reconnue fautive. L'auteur de la
décision était un préteur (aTpaT/,yoç) dont le nom figurait à la 1. 2. Viereck
fXV, p. 22, note) et P. Foucart Mém. Acad. Inscr. ihid.) ont vu comment
10 CHAPITRE PREMIER
A une date avancée dans le cours du ii" siècle \ probable-
jdcvaicnt être l'établies les premières lignes de la lettre: £Î ippwaOe, su av ëyor
uaïî c'.Oi'vai (3ouXd;j.eOa [nom] ["aTp]a[iïiY]ov ztX. [èJKzywy/.oztx t6[-('j.a.xi auyy.XrJ]-
Tou ztÀ. Il est possible quelle ait été écrite par les deux consuls ; c'est dans
la suscriplion, maintenant perdue, que se seraient trouvés leurs noms.
1. La meilleure preuve que le titre àv9Û7raxo; est de création récente, c'est
que Polybc le connaît à peine. Dans les parties conservées de ses Histoires, on
n'en trouve que trois exemples: XXI. 10. 11 ; XXI. ili; XXVIII. 5. 6. Encore,
de ces trois exemples faut-il probablement retrancher le premier, qui est des
plus suspects. Je ne doute guère, en elïet, que, dans la phrase (XXI. 10. 11)
ot: TCpô Toij tÔv àvôûjïatov èXOsiv, on ne doive, comme le voulait Reiske, corri-
ger àvGjTzarov en îljraTOv : dans XXI. 10. 7, où il s'agit exactement des mêmes
circonstances, on lit en effet: "w; yàp èvor/s-cat [j-yj 7:poa8£?aii.£vou; UTuaxov
/crX.et, d'autre part, T. Live écrit (37. 1!). 6) : responsumqiie Antiocho est anle
consulis ndreiifum. de pace agi non passe. — Si l'on cherche à déterminer la
signification qu'a le mot àvGjTïa-oç chez Polybe, c'est à XXVIII. 5. 6 qu'il
faudra uniquement s'attacher, car, dans le court extrait XXI. 45, les mots
MaXio; (Cn. Manlius Volso) ô ày^ÙTzazoç sont dus à Vexcerptor. Examinant
XXVIII. 5. fi, ce qu'on remarque d'abord, c'est qu'A. Hostilius (cos. 170),
appelé là àvO'j;:axoç, est, un peu plus haut (XXVIII. 3. 1), qualifié d'ivitarpà-
Tïiyoî : ainsi la terminologie do l'olybe est encore singulièrement incertaine ;
il hésite entre àvÔûriaxo; et àvTiTTpâTïiyo; qu'il regarde comme synonymes.
Ce qu'on observe ensuite, c'est que, dans les circonstances dont il s'agit, à la
lin de l'hiver 170/169, A. Hostilius n'était pas proprement proconsul (bien que
T. Live, traduisant Polybe, lui donne ce titre (43. 17. 9) : en effet, ses pou-
voirs consulaires n'avaient pas été prorogés ; il faisait simplement, le temps
de sa charge expiré, fonctions de consul en attendant qu'arrivât son succes-
seur, Q.Marcius Philippus : il remplaçait le consul absent. Il semble donc que,
chez Polybe, àv9j::aT0i; signifie, non pas consul prorogé, mais « vice-consul «,
« suppléant du consul », celui qui exerce par intérim les pouvoirs consulaires.
Ce qui tend à confirmer cette interprétation, c'est, d'une part, que, plusieurs
fois, comme l'a remarqué Mentz (16), Polybe, pour désigner le consul pro-
rogé, le proconsul véritable, fait simplement usage de la même dénomination
(jTpaxTiYd?) qu'il emploie pour le consul en charge (cf. ci-après, p. 47,
note 7) ; et c'est, d'autre part, que le titre d'àvTia-pàxrjyo;, qui peut être
chez lui, comme nojs l'avons vu, l'équivalent d'avOÛTiaxo;, lui sert à désigner
le légat consulaire (XV. 4. 1) ou le commandant en sous-ordre, suppléant éven-
tuel du consul (III. 106. 2). Il est vraisemblable que c'est dans la même accep-
tion, assez différente de celle qu'a d'ordinaire le terme latin proconsul, que le
mot àv9u;:axo; fut d'abord pris en Grèce, d'où il est certainement originaire.
On peut remarquer qu'à Rome même on ne s'en servit qu'assez tard
au sens exact de consul prorogé. Dans le sénatus-consulte dit de Nar-
thakion (Dittenberger, Si/iiogre 2, 307), T. Quinctius est encore appelé uTîaxo?
(1. 52, 64) — à la vérité, peut-être par erreur, — bien qu'il fût proconsul à
l'époque dont il s'agit. Le premier sénatus-consulte où «vOj-axo; soit employé
dans son acception définitive est celui pour Lacédémone et Messène (Ditten-
berger, Sylloge-, 314, 1. 54, 64), qui est un peu postérieur à l'an 140. L. Mum-
mius (Achaicus'in'a jamais, comme je l'indique plus loin, fait usage de ce titre
DOCUMENTS d'oRIGINE CONSULAIRE 11
ment à partir de la guerre d'Andriskos ', les Grecs mirent
en usage, pour désigner les magistrats romains, autres
que les consuls, chargés de grands commandements mili-
taires ~ ou préposés au gouvernement des provinces, l'ex-
pression nouvelle de !7-px-r,Y'^ç âvôû-aT^r. C'est ce que nous
ont appris depuis quelque trente ans les documents épigra-
phiques.
Ces magistrats étaient, soit des proconsuls, soit des pré-
teurs (ou propréteurs), ceux-ci souvent investis du consu-
II semble d'ailleurs que les consuls prorogés aient longtemps éprouvé quelque
répugnance à employer comme qualificatif le terme latin proconsul : voir
ci-après ce qui est dit au sujet des miliaires de M'. Aquillius.
1. La plus ancienne inscription où se rencontre le titre <J~p'x~r\'(6^ av6j-
"axo; est la dédicace de Thessalonique (citée ci-après) en l'honneur de
Q. Caecilius Melellus (Macédoniens), laquelle date de 14.S, 147 ou 146. Mais
on n'a pas la preuve que ce titre n'ait pas été déjà eu usage à une époque un
peu antérieure. Poui-quoi, par exemple, le préteur P. Juventius, qui fut le
premier général on\ oyé contre Andriskos. n'aurait-il point été appelé TToaTr,-
yo; àv6'j-aToç ?
2. On répète volontiers, mais à tort, que le titre de a-cpotTrjyo; àvOj;:aTo;
a été porté exclusivement par les gouverneurs de provinces. Nous connais-
sons au moins deux personnages qualifiés de la sorte qu'on ne saurait sans
erreur ranger dans celte catégorie : ce sont Q. Caecilius Metellus et M. Anto-
nius. Il est bien vrai qu'après la défaite d'Andriskos, Q. Metellus, probable-
ment assisté d'une commission sénatoriale, organisa la province nouvelle de
Macédoine, et il est vrai aussi qu'après avoir réduit les pirates ciliciens,
M. Antonius établit l'autorité de Rome sur les territoires qui formèrent le
noyau de la future province de Gilicie. Mais l'objet propre de la tâché assi-
gnée à Q. Metellus était de réprimer l'insurrection du Pseudophilippe, et
M. Antonius eut d'abord pour mission de mettre fin à la piraterie asiatique.
Tous deux étaient des chefs de guerre ; chacun, pour parler la langue en
usage à Rome, reçut comme provincia la direction d'une expédition militaire.
Ni Metellus en Macédoine, ni Antoine en Asie n'eurent charge d'administrer
un pays sujet du Peuple romain, puisque les provinces de Macédoine et de
Cilicie ne commencèrent d'exister qu'à la suite de leurs victoires. S'ils furent,
l'un et l'autre, appelés par les Grecs TToaT/iyo; àvÔjrato;, ce ne put être en
tant que gouverneurs provinciaux. On remarquera d'ailleurs que la dédicace
gravée à Rhodes (cf. ci-après, p. 32), où M. Antonius est qualifié de OTpaTTJYÔ?
avO'j;i:ato:, a été composée en l'honneur d'un olFicier de la marine rhodienne
qui avait pris part en 102 à la campagne contre les pirates. Manifestement,
dans la pensée du dédicant, le titre de aipaTriyo; àvÔû-aroç s'appliquait au
général sous lequel avait servi cet officier, au commandant des forces
romaines et alliées, et non point du tout au fondateur de la province de
Cilicie.
12 CHAPITRE PREMIER
lare imperium '. Ils reçurent tous, et quel que fût leur rang,
le titre de aTpar^Yo; âv6j7ra-oç '. Telle fut leur appellation
solennelle, visiblement imitée de celle des consuls. Il y eut
ainsi, dans la seconde moitié du ii® siècle, des (jTpar/;YCt àv6tj-
•îraToi comme il y avait auparavant des aipair^Yol uTraiot. On
observera que le mot àv6jT:aTo; n avait point en ce temps-là,
chez les Grecs, le sens précis de proconsul, c'est-à-dire de
consul prorogé ; il signifiait plutôt « celui qui fait office de
consul, qui tient la place de consul, qui exerce des pouvoirs
1. Sur la cumulation de la préture et du consulare imperium par les g:ou-
verneurs provinciaux — d'abord ceux des Espagnes, puis ceux des provinces
orientales, — il suffit de renvoyer à l'exposé classique de Mommsen (Slaats-
recht, II 3, 647-650) appuyé de quantité d'exemples (647, 2 ; 648, 1 et 2 ; 650,
2; cf, aussi Zumpt, Comment, epigr. II, 169). Mommsen a très clairement
montré que les préteurs (ou propréteurs) délégués au gouvernement des pro-
vinces pouvaient s'intituler et s'intitulaient ordinairement « proconsuls »,
d'où l'expression composée praetor pro consnle, usitée dans les cz/rsizs hono-
rum {ibid. 650, 2). Son erreur, maintes fois reproduite, est d'avoir voulu
retrouver dans le titre grec a-upatriyô; àvSjraxo; le calque fidèle du titre latin
praelor pro consule, dans aTpa-ur]yo'; la traduction de praetor et dans
àvOJ-aTo; celle de proconsul. Celle interprétation est inexacte, comme l'a fait
voir P. Foucart [Bev. Philol. 1890, 261, 262, 269), se fondant principalement
sur les inscriptions dHalikarnasse(S/7=«n3sAer. Wien. Akad. t. 132 (1894 , II,
29, 1) et de Rhodes (Dittenberger, Sylloge-, 332), où Sulla est qualifie de
(rTfairiyo; àv6'j-aTo;. Mais P. Foucart s'est lui-même gravement mépris en
affirmant que le titre d'av6u7:a-oç ne pouvait cire porté que par un promagis-
trat, proconsul ou propréteur. La phrase, tant de fois commentée, du séna-
tus-consulte de 112 (Dittenberger, Sylloge ~,9S0,l.b9-60 : Ir.l rvaîoj KofVTjXîou
SiCTEvva aTpaTY)Y0î3 -q àvÔu-âiou i/.sï ovto;) n'a pas le sens qu'on lui a attribué
et ne fournit ici aucun argument, comme je pense l'avoir montré dans la
Rev. Et. anc. 1917, 157 sqq. Le titre d' àv6u7:aTo; n'est devenu propre aux
magistrats prorogés qu'après l'entrée en vigueur de la lex Cornelia de pror/re-
ciis.
2. L'opinion exprimée dans ces lignes résulte de mes propres recherches.
Elle concorde pour tout l'essentiel avec celle qu'ont soutenue, en ces derniers
temps, Mïmzer (P-"W, IV, 1377-1378, s. v. Cornélius, 208 a-b), et surtout
H. Gabier, dans son mémoire sur la numismatique de la province de Macédoine
[Zeitschr. fiir Numismatik,XXUl, 172). Je crois devoir citer ici la conclusion
de Gabier : « Da sowohl Caesar [L. Julius Caesar, pr. c. 93-92], der sich selbst
pr(aetor) auf seinen Mïmzen nennt, als auch der Propraetor [?] Q. Caecilius
Metellus (Macédoniens) und der Proconsul Sulla in den... Inschriften
a-paTr]yà; àv6j7:aTo; tituliert Averden, ist vielmehr der Schluss zu ziehen,
dass die Griechen seit dem J. 148 [?] mit diesem Titel im allgemeinen den
rômischen Provinzialstatthalter bezeichneten ohne Rûcksicht auf seinen Rang
und ohne genauere Unterscheidung von Magistratur und Promagistratur. »
DOCUMENTS d'oRIGINE CONSULAIRE 13
analogues à ceux du consul ' ». C'est, en effet, sous cet aspect,
comme successeurs et remplaçants des consuls du temps de la
conquête, qu'apparurent aux Grecs, depuis le milieu du
11^ siècle, les proconsuls et les magistrats de rang prétorien
que Rome envoyait parmi eux.
J'ai dit que le titre de a-zpy-r{-foq àvGjTiaToç pouvait être
appliqué à des chefs d'armées -, mais nous le voyons le plus
souvent donné à des gouverneurs de provinces. Les inscrip-
tions nous font connaître une vingtaine de a-^0L-^^^'(z\ âvOu-am •' :
il est sûr qu'une dizaine de ces fonctionnaires étaient des gou-
verneurs ^, et tel fut probablement le cas de la plupart des
autres. Après la création de la province d'Asie, le titre de
jTparr,Yb; àv0 j-a-roc, régulièrement attribué aux magistrats qui
l'administraient, devint d'un usage si courant que les Grecs du
pays en firent parfois un emploi abusif. Dans un décret de
Priène -^ rendu vers l'an 120, on l'a par inadvertance donné à
M. Perperna (cos. 130), oubliant qu'il était venu en Asie, non
comme gouverneur de la province romaine, laquelle en 130
n'était pas encore constituée, mais en qualité de consul, pour
combattre Ainstonikos.
1. Cf. ci-dessus p. 10, note 1.
2. Tel est le cas pour Q. Gaecilius Metellus et M. Antonius (ci-dessus,
p. 11, note 2).
3. La dernière liste publiée est celle de P. Foucart [Rev. Philol. 1899, 260
et suiv.); elle présente plusieurs lacunes. J'en ai dressé une nouvelle, que
je crois complète et qui donne un total de 18 ou 19 inscriptions.
4. Ce sont les suivants : Q. Minucius Rufus (cos. 110), proconsul et gouver-
neur de Macédoine de 109 à 107. — Le aTpaTTjyo; àv6j-ai:oç, gouverneur de
Macédoine en IIS et peut-être identique à Cn. Cornélius Sisenna, mentionné
dans Fouilles de Delphes, III (2), 273, n. 248 a, 1. 1: cf. Rev. Et. anc.
1917, 80, et ci-après, ,§ 2. — Cn. Cornélius Sisenna, gouverneur de Macé-
doine {ihid. III (2), 83, n. 70 b, 1. 3, où la restitution [aTpaTr,Ywt] àvOj-âxojt
rvat'wi KoovYiXîwi Sî7£vva'. est nécessaire ; cf. Rev. Et. anc. 1917, 159). — Le
sTpa-riyo; av8j-aTo:, gouverneur de Macédoine, mentionné dans Fouilles de
Delphes, III (2), 85, n. 70 i ; cf. Rev. Et. anc. 1917, 81, et ci-après, § 2. — Le
aToxiriyô; av6j-a-o;, gouverneur de Macédoine, mentionné dans BCH, 1903,
168, 1. 1. — L. Julius Caesar, gouverneur de Macédoine. — Q. Mucius Scae-
vola, gouverneur d'Asie. — L. Cornélius Sulla, gouverneur d'Asie. —
Q. Ancharius, gouverneur de Macédoine. — L. Coelius Tamphilus (?), gouver-
neur de Cypre ou de Cypre et de Cilicie. — L. Calpurnius Piso, gouverneur
d'Asie. — Toutes les inscriptions relatives à ces personnages seront citées ou
mentionnées ci-après.
5. Inschr. von Priene, 109, 1. 92-93; le te.\te sera cité plus loin.
14 CHAPITRE PREMIER
Il est particulièrement intéressant de trouver les deux titres
cTpazTiyhq àvOÛTca-oç et (j-pa-rfcbç jTcaTCç portés, à des dates
très voisines, par un même personnage. Le cas se présente
pour Q. Gaecilius Metellus (Macédoniens) K II vint en 148,
comme préteur, en Macédoine, afin d'y réprimer l'insurrection
d Andriskos ; en 147 et 146, il fut prorogé dans sa préture et
organisa la province nouvelle; en 143, il fut élu consul. Une
inscription honorifique ~, qui date de 143 ou d'une des années
suivantes, le nomme Kiivxcç Kaiy.sXioç Kcivtcu MétsaXoç, a-pa-cv;-
ybç uTratoç Pwf^-aiwv, ce qui est l'appellation solennelle des
consuls. Dans une autre inscription de même nature, mais
plus ancienne et qui appartient k l'époque de sa préture ou de
sa propréture (148-146), il est ainsi désigné : Kôtvto; KatxéXioç
Ko'/ncu MstsaXoç, axpar/jYbc àvôÙTcaroç 'P(0|Jiatu)v ■^. Voilà qui
montre que, peu après le milieu du ii® siècle, on disait uzpazr,-
70; àvôûzaToç tout de même que a-pocvq-foq uTïa-oç, et que ces
deux dénominations étaient simultanément usitées.
Si nous possédions quelque lettre ou rescrit émanant d'un
gouverneur de Macédoine — proconsul, préteur ou propréteur
— ■ et remontant aux premiers temps de la province, la
suscription en serait certainement celle-ci : [Nom] aTpa--/;Ybç
àv0ii7;a-oç l*o)[j,aû.)v [nom au datif] yoâpivi. On se rappelle que
c'est en cette forme qu'est libellée chez Memnon, à la vérité
par Feiret d'une méprise, l'adresse de la lettre écrite par
L. Scipio aux Hérakléotes-du-Pont ''.
Le plus ancien rescrit ayant pour auteur un gouverneur de
1. Même cas, à une époque beaucoup plus avancée, pour M. Antonius ; cf.
ci-aprés, même chapitre, p. 30, 32.
2. Inschr. von Olyhipia,Z^'^-=^ Dittenbcrger, Syllocfe", 312.
3. Mordlniann, Ath. Mitl. 1898, 165 -= P. Foucart, Bev. l'hilol. 1899, 263
(avec des restitutions plus complètes) : Ko'tvTOv Kar/.e[X!OV Koi'vtouMétsXXov],
aTpaTïiyôv à[v9'JT:«Tov 'Poj^aattov], tov auxfj; ato[x-^pa v.aX xxtaxYiv] t\ Ti[ok\^\.
P. Foucart attribue l'inscription à Tannée 146 (cf. ihid. 269), mais sans
preuve. Elle peut dater tout aussi bien de 147 ou 148. VEpilome de T. Livc
découvert à Oxyrhynchos a montré, en effet, qu'Andriskos fut vaincu
et pris dès 148 (Kornemann, Die neue Lii^ius-Epifome aus Oxyrhynchus, 23,
25; cf. 91-92; 113-114).
4. Ci-dessus, p. 4. Cf. ce qui a été dit plus haut (p. 9, note 1) de la restitu-
tion possible du titre de axpaxrjyô; àv6j7i:axoç en tête de la lettre reproduite
par Josèphe, Ant. Jud. XIV. 10. 8, 213.
bOCL'.MÈNtS d'oRIGIKË CONSULAIRE lo
Macédoine, qui nous ait été conservé, est celui de Q. Fabius Q.
f. Maximus (Eburnus) aux habitants de Dymai ; il débute par
ces mots : Kitvxj; ^i^ioq Mâ;t|i.oç, àv6ÛT:a-or 'Po^jj.auov, Aj[j.a(ojv
-oiç dpyo'JGi y.oi.\ cuvéopotç '/.ai t^'. irÔAst yjxiçtv.v '. On voit que, dans
la suscription de cet acte, très probablement un peu antérieur
ou postérieur à 116,1e titre d"àvf)J'::a-oç P(o[^.aia)v a remplacé celui
de aTpx-r,Yb; âvOÛTra-rcç 'Pw|j.aîcov. Vers 120-115, certains au
moins des gouverneurs provinciaux avaient donc commencé de
modifier, dans le formulaire de leurs lettres, leur appellation
solennelle, il paraît hors de doute que, vers le même temps,
les consuls en usaient ou pouvaient user de même sorte :
ils pouvaient, dans leur correspondance publique, se dire, non
plus (r:pon.zT,-(o\ uTua-c ('Pw.aatwv), mais jua-ci ('P(otJi.ata)v).
1. Viereck, IV := Dittenberger, Sylloç/e-, 316, 1. 3-4. A première vue, Tau-
teur du rescrit peut être, comme l'a noté Boeckh [CIG, 1543), soit Q. Fabius
Maximus Aemilianus (cos. 145), soit Q. Fabius Maximus Servilianus (cos. 142),
soit Q. Fabius Maximus Allobrogicus (cos. 121), soit Q. Fabius Maximus
Eburnus (cos. 116). W. Zumpt, dans ses recherches sur les gouverneurs de
Macédoine {Comment, epigr. II, 167-172) a pensé qu'il s'agissait de Q. Ebur-
nus, et son argumentation, qui pèche par quelques détails, a dans l'ensemble
gardé sa valeur. Il est suivi par H. Gabier, le dernier érudit qui se soit
occupé de la question (Zeitschr. fur Niimism. XXIII. 167); je ne sais seule-
ment pourquoi Gabier prétend que Q. Eburnus fut défait par les Skordistes.
T. W. Beasley, qui a donné il y a quelques années {Class. Review, 1900, 162-
163), une édition nouvelle du rescrit, le veut attribuer à Q. Fabius Servilianus,
mais ses raisons, d'une extrême faiblesse, ne méritent pas la discussion. C'est
à Q. Fabius Aemilianus que songe Miinzer (P-W, VI, 1793-179 5, s. v. Fabius,
109). Il croit que Q. Aemilianus fut le chef de cette ambassade romaine,
envoyée en Crète vers 140, dont il est parlé dans la sentence arbitrale des
Magnètes-du-Méandre (Ditlenberger, Sylloge -, 929, I. 74 ; remarquer qu'à
la ligne 101, la lecture [*î>]â3'.ov est impossible : cf. HoUeaux, Hermès, 1904,
80) ; qu'à l'occasion de celle mission, il fit séjour en Grèce ; et que, durant ce
séjour, il réprima, comme il est dit dans le rescrit, le mouvement insurrection-
nel qui avait éclaté à Dymai. Je ne saurais admettre ces dernières hypothèses.
Ce Fabius — peut-être réellement identique à Q. Aemilianus, — qui vint en
Crète vers 140, n'était, à l'époque, qu'un legatus {Sylloge -, 929, 1. 74 : twv
ÈÀT,À'j6dTwv v.i Kpr[Tr,v 7:[p] sa Peutwv tiov -sol Ko'tvTOV «^aliiov) : dès lors,
comment, dans l'intitulé du rescrit adressé au.x Dymaiens, sappellerait-il
avOuTTato;? Manifestement, cet acte émane d'un gouverneur de Macédoine,
lequel est même assisté de son consilium (1. 11 : suvjîouXîou) ; et telle ne
pouvait être la qualité de l'ambassadeur mentionné dans la sentence des
Magnètes. Il n'y a nul rapport à établir entre la mission de ce Fabius en Crète
et la répression des troubles de Dymai. Ajoutons que, comme l'a montré
Zumpt [ihid. 168-169), il ne semble pas y avoir place, dans la carrière de Q.
16 CHAPlTRIi PREMIER
Remarquons, en elFet, qu'à partir du i"" siècle •,rappellation
àv6'j7:aTo; Pwixaiwv prévaut décidément dans les intitulés des
lettres et rescrits expédiés par les gouverneurs. C'est celle
qu'adopte Q. Mucius Scaevola écrivant, en 98, aux Ephésiens
et aux Sardianiens - ; c'est celle aussi dont se sert, en 80, G.
Glaudius Nero sadressant aux nci[;.av/jvoi de Mysie 3. Ceci cor-
respond parfaitement à la substitution constatée, vers la même
époque, d' -j-oc-oq à arpa-r^Ybc jTuaTOç dans les suscriptions des
lettres consulaires. Nous avons ainsi la preuve qu'il est
tout à fait légitime de faire usage, pour éclaircir l'histoire de
la titulature des consuls, des renseignements fournis par la
Aemilianus, pour le gouvernement de la Macédoine, et que la même oljjec-
tion doit aussi faire écarter Q. Fabius Servilianus et Q. Fabius Allobrogi-
cus (Zumpt, ihid. 168). — Zumpt et Gabier croient que Q. Eburnus vint en
Macédoine en qualité de consul, par conséquent en l'an 116, et qu'il y demeura
comme proconsul jusqu'en 114. On ne saurait opposer à cette opinion que la
Macédoine était gouvernée en 116 par Cn. Cornélius Sisenna (KlafTenbach,
Symbolae ad histor. colleg. artif. Bacch. 44) ; car, ainsi que je l'ai montré
récemment {Bev. Et. anc. 1917, 83), la date assignée par Klaflenbach au gou-
vernement de Sisenna n'est rien moins que certaine. D'autre part, le titre de
(aipaTïjyôç) àv9\j::aio; pouvant convenir à un propréteur, rien n'empêcherait,
ce semble, que Q. Eburnus fût venu en Macédoine entre 119 (année de sa pré-
ture) et 116; notons, en effet, qu'il n'est point exact, comme l'ont cru Zumpt
(166) et Gabier (165-166), que L. Gaecilius Metellus Delmatlcus ait gouverné
la Macédoine, d'abord en qualité de consul, puis de proconsul, de 119 à 117
(cf. Rev. Et. anc. 1917, 82). Il se peut enfin que Q. Eburnus ne soit venu en
Macédoine qu'en 115, auquel cas le titre de proconsul lui aurait réellement
appartenu.
1. Signalons ici la lettre insérée par Josèphe au 1. XIV de V Archéologie
(Ant.Jud. XIV. 10. 21, 244-246), qui commence parles mots : Ilo'rrXto; Sspouî-
Xio; IIo^Xîou uiô; râXjîa; (?), àv6'j;raTo; ['Pwaa;'wv ?], Mt).r]CTiojv àp/oust, jBouÀ^,
oir]'[j.o) -/ai'pstv. On a longtemps voulu qu'elle appartînt à l'époque de César (cf.
Waddington, Fastes, n. 42 ; Viereck, 108, 1 ; Haussoullier, Milet, 258), et l'on
a pensé reconnaître dans le Servilius qui en fut l'auteur, soit P. Scrvilius
Vatia (Isauricus), soit P. Servilius Casca. Mais Ad. Wilhelm a montré par
d'excellents arguments ( Wien. Jahresh. 1905, 242) qu'elle est probablement
antérieure au i""^ siècle. L'exemple qu'elle présente du titre avOJTiaToç dans une
suscription pourrait, en conséquence, prendre place à côté de celui qui nous
est offert par le rescrit de Q. Fabius Maximus (Eburnus).
2. Inschr. von Pergamon, 268, A-B = Dittenberger, Or.gr. inscr. 437,1 et II,
1. 1-2, 25-26.
3. Dittenberger, Or.gr. inscr. 443, 1. 1-2 (décret d'Ilion) ; cf. ci-dessus,
p. 6, note 3. On ne saurait s'étonner que le mot 'Pwuai'oiv manque, après
av6J;:aTo;, dans la reproduction sommaire que firent les Iliens de l'intitulé de
cette lettre.
DOCmiEIStS d'origine COi>SLLAIl!l:: 17
titulature des gouverneurs. Les changements, comme il était
naturel, ont été simultanés de part et d'autre.
§ 2. Autres actes publics des consuls.
A côté des lettres ou rescrits adressés par les consuls ou pro-
consuls à des nations, cités ou corporations de la Grèce, il con-
viendrait d'examiner leurs autres actes administratifs, édits,
ordonnances, jugements, etc., composés ou traduits en langue
grecque. Il est évident que, dans les praescripta et les for-
mules de ces actes, on trouverait leur appellation solennelle.
Malheureusement, il ne nous est point parvenu, pour l'époque
ancienne qui nous intéresse, de document de cette catégorie.
Mais deux découvertes faites à Delphes nous apportent ici
un renseignement qui, pour être indirect, n'en est pas moins
instructif. Il s'agit de deux courts fragments d'inscriptions dont
nous devons la connaissance à G. Colin. Chacun appartenait
au début d'un acte qui avait pour auteur un gouverneur de
Macédoine, ou qui, en tout cas, avait été publié avec son assen-
timent et sous sa surveillance. Or, l'un ' commence par cette
indication éponymique : [stiI — — [nom] — — j-pa-
r^jvoîi àvOuTraTCJ P[a)[A3:îo)Vj — . Dans l'autre^, à la première ligne,
1. Colin, Fouilles de Delphes, III (2), 273, n. 248 a : [ — £7:1 i^om) —
aTpaTriJyoy àvôuTiàtou 'Prw;jLai'wv, | — — — îtou;, èyq Maxsodvsç ajyouatv,
Tp[t]a-/.oc;TO-:, [XTi'jôi 'YT.sç,[-i[sps\^ciio-j ]o'. r.ipl tt)? auvepyaata;
'j7r[o| ■ dujvooou r.pôi to [ 'AyaÔozXsou? 'A0r,va|
[t'ou??] Asux.i'ou 'jî[ou ]. _ Sur ce fragment, certainement
relatif à la querelle bien connue des Techniles dionysiaques, et sur l'identité
possible du gouverneur de Macédoine ici nommé et de Cn. Cornélius Sisenna,
cf. les observations que j'ai présentées dans la Rev. Et. anc. 1917, 80 sqq. —
G. Colin a publié un autre fragment d'inscription, très analogue à celui-ci,
dans lequel la restitution des mots aTpaxï]yôç àvOÛTuaxo; semble nécessaire :
{Fouilles de Delphes, lll {2), 85, n. 70 i =BCH, 1S99, 55, n. 969) : [ £7:1 (nom
àpyojvxo?, Mat[i.[ay.TYiptGvoç (?) | kizl {nom) aTpa-yjyoij âv]6u7:à-
Tou [Twaaicov — | £'':o]u;, oj; Ma-/.[£86vc; ayouŒtv, ]. On notera
que, selon G. Colin {BCH, ibid. 50), ce fragment pourrait appartenir au début
de la convention conclue à Pella par les délégués des deux collèges de Tech-
nites; en ce cas, le axpaTviyo; àvÔj7:aT0? serait Cn. Cornélius Sisenna (cf. Rev.
Et. anc. 1917, 81).
2. Colin, BCH, 1903, 168-169. 1. 1 : [(A'om) ]ç aipaTTiyo; àvO[Û7:aToç]
— — — ]d6ïiaav 'A[j.[^f/.Tuo — — — xtX.
HOLLEAUX. — ilTpaTYiyôç unoLzoç . 2
iiS CttAPlTHE PtlÈMlEft
par conséquent, semble-t-il, dans une formule d'intitulé, le
gouverneur se désignait ou était désigné encore par le titre
de G-px-r,Yoi àvÔJ-a-cç ('Po)[j.awov).
De là on est autorisé à conclure que l'appellation solennelle
employée par les consuls dans le formulaire de tous leurs
actes administratifs était aipaT-r^vôç ij-aioç, c'est-à-dire la
même, comme il s'y fallait attendre, qu'ils employaient aussi
dans les suscriptions de leurs lettres et rescrits.
L'acte d'où provient le premier des deux fragments recueil-
lis à Delphes est attribué, non sans réserve, par le très dili-
gent éditeur à l'an 106. Mais cet acte porte sa date en lui-
même ; l'intitulé contient les mots : ['ézcuç, wç Maxeciveç
aJYCUffiv, Tp['-]a/,ca-ou, y-ryoç 'Yizzp'^lzpz'aio'j] '. L'ère étant l'ère
macédonienne^, qui commence en Dios 148, le mois Hyper-
bérétaios de la 30® année correspond à août-septembre H 8
avant l'ère chrétienne. Et quant à l'acte d'où provient le
second fragment, il appartient certainement à une année fort
voisine ^. Gomme le titre de (jxpaTYjvbç uiratcç a pu demeurer
aussi longtemps dans l'usage officiel que le titre similaire de
ffTpaxr^Yb; xvOÛTîaToç, on doit croire que, peu après l'an 120, il est
encore arrivé aux consuls de se qualifier publiquement de
ffTpar^Yoi uTraxct. Il faut donc se garder de tirer une conclusion
trop générale et trop rigoureuse de la présence du titre àv6j-
Traxoç dans la suscription de la lettre écrite, vers 116, par Q.
Fabius Maximus au peuple de Dymai. Aux environs des années
120-Ho, il semble que l'appellation consulaire pût avoir
deux formes, l'une plus développée — c'était la forme primi-
tive — , l'autre plus brève — c'était la forme nouvelle.
1. Cf. Rev. Et. anc. 1917, 81.
2. Sur cette ère, cf. Ad. ^^'^lhelm, Beilr. zur (jriech. Inschriflenk. 114;
Rev. Et. anc. 1917, 81.
3. Cf. Colin, BCH, 1903, 167-171. L'acte paraît se rattacher aux décisions des
Amphiktions relatives au recouvrement des biens dus à Apollon et à la
reconstitution de la fortune du dieu (cf. Colin, ibid. 104 sqq. : inscription pla-
cée, à Delphes, au-dessus du monument bilingue) ; il serait donc un peu plus
récent que Tarchontat delphique d'Kukleidas ((i/d. 171). Cet arcliontat avait
été jusqu'ici daté de 117/116 : j'ai l'ait voir [Bev. Et. anc. 1917, 80j que cette
date est arbitraire ; mais il est sûr que Terreur, si erreur il y a, est peu con-
sidérable.
Documents d'origine consl-lairè 19
§ 3. Inscriptions placées par les consuls sur des monuments
d'utilité publique.
Dans les inscriptions qu'ont fait graver les consuls séjour-
nant en pays grec sur les monuments d'utilité publique élevés
par leurs soins, le titre joint à leur nom a dû être nécessaire-
ment l'appellation solennelle.
Nous ne possédons pas d'inscriptions de cette sorte offrant
le titre Gxpy.x-qY'^ç uxaTcç ; mais il n'y aucune conclusion à tirer
de là. On observera, en elTet, que la classe de documents dont
il s'agit ici n'est pas représentée pour les soixante-dix pre-
mières années du ii*^ siècle. Les plus anciennes inscriptions,
appartenant à cette classe, que nous puissions consulter sont
celles que M'. Aquillius fit placer sur les miliaires dressés,
en Asie, le long des routes qu'il avait construites ou réparées '.
M'. Aquillius, qui organisa VAsia provincia, l'administra trois
ans de suite, en 129 en qualité de consul, en 128 et 127 en
qualité de proconsul ; c'est dans ce laps de trois ans que
furent gravées les inscriptions des miliaires.
Ces inscriptions, toutes identiques, sont bilingues et conçues
comme il suit : M'. Aquillius M. f. cos. || Mavior 'Av.ù'ÙMq
Mavîou uTraToç P(*);.>.a^ojv.
L'addition du mot 'Po);j.aîojv suffirait à montrer que nous
avons ici Tap^jellation solennelle. Ainsi, peu après l'an 130, il
s'est trouvé un consul au moins, qui s'intitulait déjà publi-
quement uTCa-cç 'Po);xaiojv au lieu de a-py.xT,'(lq 'Jr.a-cq 'Po)[j.aio)v.
Bornons-nous, pour le moment, à enregistrer le fait.
1. CIL, III, 479 (inscription complétée par Haussoullicr. /ter. Pliilol. 1899,
296), 6093 ; Suppl. 7177, 71S3. 7184, 7205, cf. 14202 *. — Sur les travau.x de voi-
rie dirigés par M'. Aquillius et sur leur durée, voir P. Foucart, Mém. AcacL
Inscr. XXXVII, I, 331. L'auteur de ce mémoire fait observer avec raison
qu'il n'est pas croyable que ces travaux aient été entièrement exécutés dans
la première année du gouvernement d'Aquillius. Si celui-ci, sur tous les
miliaires connus, prend le titre de consii/ et jamais de proconsul, la raison
en doit être que proconsul n'était pas encore, à l'époque, une appellation
régulièrement usitée pour désigner le consul prorogé par décret du peuple.
20 CHAPITRE PKE3IIER
§ 4. Inscriptions dédicntoires composées par les consuls.
Quand les consuls en mission dans les pays grecs enrichis-
saient de donations les villes et les sanctuaires, élevaient des
monuments aux dieux ou s'en élevaient à eux-mêmes, ils
agissaient moins, à l'ordinaire, en qualité de magistrats du
Peuple romain qu'en leur nom personnel.
Dans la rédaction des dédicaces jointes aux offrandes ou
aux monuments qu'ils consacraient, ils n'étaient dès lors tenus
à aucune règle. Ils s'y pouvaient désigner de la façon qui leur
agréait le mieux. Ils étaient libres ou de n'ajouter à leur
nom aucun titi^e, ou de faire usage de l'appellation solen-
nelle de leur fonction, ou de se servir, si la chose était pos-
sible, d'une appellation simplifiée. Ces trois cas se sont pré-
sentés.
T. (Quinctius Flamininus), par une recherche de simplicité
quil jugeait sans doute élégante, semble, dans ses dédicaces
aux dieux de la Grèce, n'avoir jamais voulu s'appeler que
TiTOç 'Più\).!xioç (ou Ti-oq h Alveioac). Les inscriptions jointes
aux boucliers d'argent et aux couronnes d'or, qu'il consacra
dans les sanctuaires de Délos et de Delphes, le désignaient
ainsi ^ Entre 198 et 191, le même usage fut suivi par quelques
magistrats. L. (Quinctius Flamininus) (pr. 198-194), A.
(Atilius Serranus) (pr. 192), C. Livius (Salinator) (pr. 191)
figurent comme donateurs, dans les inventaires du trésor de
1. Délos: /G, XI, 3, 442 = Dittenberger, Sylloge-, 5S1S. 1. 178 : àa-U
àpY'Jpà, TiTOu 'Ptoaatou [avâOSjaa] ; 1. 86-87 : a-éçavo; yp'jcroij;, Tîtou àvâOï;j.a
'Peojxa'ou ; 1. 89 •. axiçavo; ypuuouç, ov àvcOrj/.ev Ti'xo; 'PtufjLaïûç. Le texte des
dédicaces jointes aux offrandes consacrées à Delphes est donné par Plutarquc,
Titus, 12. Dans l'une de celles-ci, Flamininus se qualifie de Aîvtaoàv Tayo;
[xÉyaç ; personne, je pense, ne considérera cette périphrase grandiloquente
comme le titre d'une magistrature. — La suppression du gentilicium Kofvxtto;
dans toutes les inscriptions dédicatoires composées par Flamininus (cf. le
décret de Lampsaque pour Hégésias : Dittenberger, Sylloge 2, 276, 1. 68) est
aussi un fait digne de remarque, sur lequel Mommsen a justement appelé
l'attention {Ges. Schriften, VIII, 548-549) : « genlilicid Roniana abhorrent a
coiisuetudine Gniecâ ». 11 semble que le plus « philhellcne » des Romains
ait lait effort pour helléniser son nom et lui enlever son aspect étranger.
DOCUMENTS d'oRIGINE CONSULAIRfc; 21
Délos, sous les noms de Aejx'.s? 'Pw;j.aicç, AjXs; 'Pojy.xfcç,
Mais déjà, lorsqu'il consacra, en 193, une couronne dor à
Apollon Délien, P. Cornélius (Scipio Africanus), rappelant
son consulat de Tannée précédente, s'intitula aTpaxYjYÔ? j-atoç
'P(i)jj.aiwv 2. Et la couronne dor offerte au même dieu, en 189,
par son frère L. Cornélius Scipio (Asiagenus) (cos. 190) por-
tait une inscription semblable •\ Ce sont les plus anciens
exemples, à nous connus, dans des dédicaces faites par des
consuls, de cette appellation que nous avons vu être leur
appellation solennelle.
On la retrouve dans toutes les inscriptions des nombreuses
offrandes consacrées par L. Mummius (Achaicus) (cos. 146 ;
pro cos. 143) '*. Sur les piédestaux des statues et des monu-
1. iG, XI, 3, 442 = Dittenberger. Sylloge -. 588, 1. 85, 86. Noter encore la
suppression, deux fois répétée, du gentilicium ; on peut croire que L. Quinc-
tiuset A. Atilius se conformèrent à lexemple qu'avait donné T. Quinctius,
2. IG, XI, 3, 442 = Dittenberger, Sylloge 2, 588, 1. 102 : atÉçavov yçyj'jrrxj
SàçvT); à::typaçï]v è'yovTa* Y16~A'.o; tlo-Xtou KopvrJ?vto;, aTpaxYjYor uT^aTo;
'Pwaaîwv. Sur les circonstances de cette consécration, cf. mes observations
dans Hermès, 1913, 93-94. L'emploi, quelque peu abusif, qu'a fait P. Scipio
de son titre de consul après l'expiration de sa charge, n'est pas sans exemple.
L. Mummius, comme nous Talions voir, s'est qualifié de consul avec la même
liberté, dans les dédicaces des offrandes qu'il consacra en Italie.
3. /G, XI, 3, 442 = Dittenberger, Sy^ogre 2, 588,1. 100-101 : aXXo? aiÉi-avo;
ypuaou; Sfudç, àvâ6£[JLa Ahuxiou KopvïiÀ;o-j Sy.i-îwvo; aToarriyoù" 'j-d-o-j
'Poj;j.atwv. L'offrande fut déposée dans le sanctuaire de Délos par L. Scipio à
son retour d'Asie, après qu'il eut résigné ses fonctions consulaires et remis à
son successeur, Cn. Manlius Volso, le commandement de l'armée : cf. Hermès,
1913, 94. — Les deux autres couronnes d'or mentionnées dans l'inventaire
délien (ihid. l. 90-91), que L. Scipio, alors préteur (atpa-rjyo; 'Pa)[j.aîojv),
consacra ou plutôt fit consacrer par son frère, remontent à l'année 193 : cf.
Hermès, ihid. 95-96.
4. Il paraît certain que L. Mummius demeura en Grèce durant la majeure
partie de l'année 145, par conséquent en qualité de proconsul (cf. Zumpt,
Comment, epigr. Il, 164; Niese, Gesch.der gr. und maked. Staaten, III, 352-
353; Gabier, Zeitschr. fur I\'umism. XXIII, 156); cf., dans le sénatus-consulte
pour Lacédémone et Messène (Dittenberger, Sylloge^,31i, 1.54, 64), la phrase :
0T£ Aeûzio; MdjJLiiioç û-aTOç ïj av6'j-aT0; âv ây.si'vr)'. -f^i ÈTiaoysiai ÈylvETO.
Certains des monuments qu'il consacra datent évidemment de son proconsu-
lat. Cependant, sur tous sans exception, il a pris le titre de aTpaTr,YÔ; G-aro;.
Il faut conclure de là, comme nous l'avons déjà fait à propos de M'. Aquillius,
que le titre de proconsul, et à plus forte raison celui d' àvOj-aTOç, n'étaient
point encore entrés dans l'usage ordinaire.
22 CIIAPTTRF PREMIER
ments qu'il s'appropria pour en faire hommac^e à Zeus Olym-
pien (Olympie) ', a Apollon, Asklépios et Hygieia(Epidaure) -,
à Athéna Polias (Tégée) -^ « aux dieux » (Thèbes et Thespies) '\
il est dit uniformément Asjyao; Mb[j.\).ioç Asuxbj, Q-px-T,fo: j^a-
-oç, 'P(<);j.aûov. La formule est semblable sur le socle de la sta-
tue qu'il se fit ériger à Thèbes '. C'était la même encore, sans
aucun doute, qui se lisait au-dessous de la statue qu'il voulut
avoir près d'Oropos '\ dans l'enceinte de l'Amphiaraeion '' .
L'inscription par laquelle P. Cornélius Scipio Africanus
(Aemilianus) (cos. 147;procos. 146) dédia aux Himéréens de
Thermae les œuvres d'art que leur avaient jadis ravies les
Puniques, et qu'il avait recouvrées lors de la prise de Car-
thage, doit nous retenir un moment. En voici le texte, rétabli
par G. Kaibel : [nÔTr/asç] KopvY;/a[oç llo'^z/âou u'.b; ^-Ai-kù'* 'Aœpi-
y.xjvbç, uzoLzoz, k[T.x'ty.7.0[)A(Jxy.tvcç èx Kapy;^o:v]:ç toÙ; à; 'liJ.iplocq
(juAr/JsvTa; àvopiàvTaç] 'l\xepai[oiç 0£p[M-ravcîç] ^. On voit que
P. Scipio se qualifie ici d'uTratoç et non de urpat/;';":; 'jt.x-c:.
D'autre part, l'omission du déterminatif 'Po);aocîwv, qu'au
II"" siècle les magistrats romains ne manquaient jamais, à
l'étranger, de joindre à leur titre 9, mérite aussi d'être remar-
1. Inschr. von Olympia, 278 (cf. 279); 280 (cf. 281) : Aeûxio; Mou.[j.coç Aî'j-
y.lryj ufdç, apiaTTjYÔç û;:aTOç 'Pw[j.aîa>v, Ad 'OXu[Ji:n'wi.
2. IG, IV, IIS.'Î : Aeûxto; Moa[xio: Ae'jxiou, atpa-Y)YÔ; u::aTOç 'Poj-Aaîtov,
'A;i6XXti)vt, 'ApxéfxiBi, 'Tys'ai.
3. /G, V, 2, 77 : Asû/ioç Mo;xaio; Asuy.t'ou, a"cpaTY|[Yo; Gna-co; 'PwiAaiwv,
'AOïivai rioXtâSt]. Restitution de Hiller von Gartring:en.
4. IG, VII, 2 578 ; 1808: Asu/.to; Mda[J.ioç Asuxiou, atoaTriyo; Ci-aro; 'Pwaaiwv,
xoï; Oeoï?.
3. IG, VII, 2478 a : [Asûx'.jo; Moiaixio? Asuxîou, a[Tp]aTïiY6; uTraxo; Twii.ai'fjjv.
6. /G, VII, 433 : [Az-jy.i]oç Mda;j.to; A£u[xtou, ^xpaxT^yô; {iraxoç Twfxawov].
Restitution de Dittenberg^r.
7. Rappelons, à ce propos, que Mummius prend constamment le titre de
consul (une seule fois celui d'imperaior : CIL, II, 1110 = Dessau, 21 d) dans
les dédicaces des œuvres d'art consacrées par ses soins, en Italie et dans les
provinces, après la campagne d'Achaïe (Dessau, 20-21 d).
8. IG, XIV, 315 = Dittenberger, Sylloge -, 311 = Dessau, 8769. Sur les cir-
constances historiques auxquelles se rapporte cette inscription, voir Kaibel,
Hermès, 1883, 157.
9. C'est ce que montrent, pour la Grèce propre et la Grèce d'Asie, toutes
les inscriptions que nous avons passées en revue jusqu'ici. On y joindra, pour
la Grande-Grèce, le décret de Rhégion en l'honneur du préteur Cn. Aufidius
INSCRIPTIONS DÉDICATOIRRS DES ITALIENS DE DÉLOS 23
quée. Elle donne à croire que le mot JzaTo; est ici une simpli-
fication de l'appellation solennelle arpar^Y^ç Cl-aToç, plutôt
que l'appellation solennelle de forme récente — (izaTs;
'Po);j.ai(jjv, O'-xToç — , dont le premier exemple certain nous a
été fourni par les miliaires de M . Aquillius.
II. — Inscriptions dédicatoires provenant des Italiens
de Délos.
A la suite des documents provenant des consuls et qui
sont donc d'orig-ine romaine) je crois devoir ranger un petit
groupe d'inscriptions dont le caractère est unique. Ce qui leur
est spécial, c'est que, bien que composées en Grèce par des
personnes qui y avaient fixé leur domicile, 1 origine en est
italique, et que par suite les dates y sont marquées au moyen
de l'éponymie consulaire.
Ces inscriptions sont cinq dédicaces qui ont eu pour auteurs
les collegia. d'Italiens établis à Délos ^ ; chacune se termine
par la mention des consuls qui étaient en fonctions Tannée
où fut faite la dédicace. Ce sont, à ma connaissance, les plus
anciennes inscriptions découvertes en Grèce qui soient datées
de la sorte.
Voici la liste de ces cinq dédicaces (la première est bilingue,
latine et grecque ; les quatre autres ne sont rédigées qu'en
grec) :
\. Dédicace d'une statue d'Héraklès, consacrée par les
fonctionnaires religieux appelés en latin magistreis Mirquri,
Apollinis, Neptuni, et en grec 'Ep;j,ai(7Tai, ' A-z'/S/Mr/iuc-xi,
T. f. {/G, XIV, 612 = Dittenberger, Sylloge^, 323) : celui-ci est appelé à
deux reprises (1. 2-3) ô a^patayoç -wv 'P(oaa;a)v, aToaTayô; 'Pruaaiwv.
Ce décret semble d'une date avancée ;cf. la note de Mommsen à IG, XIV,
612): la dédicace de Thermae est assurément beaucoup plus ancienne, et l'ab-
sence du mot 'PwîjLaîtov ne peut dès lors s'expliquer que par une abréviation
dont P. Scipio est seul responsable.
1. Sur ces collèges, voir, en général, J. Hatzfeld, BCH. \9V2, 153 sqq.,
P. Roussel, Délos colonie athénienne, 76 sqq. ; A. E. R. Boack, Class. Philo-
logy, 1916, 25-45.
24 CHAPITRE PREMIER
ncffS'.oo)v'.a(j-:ai ', sous le consulat de Gn. Papirius (Garbo) et de
G. Gaecilius (Metellus Gaprarius), en l'an 113 * ;
2. Dédicace d une statue du même dieu, consacrée 'Hpav.Xsï
•/.al 'Itxa'./.iT; par les mêmes fonctionnaires, sous le consulat
de Gn. Gornelius Lentulus et de P. Licinius Grassus, en
l'an 97 ^ ;
3. Dédicace d'vine statue de Rome, consacrée par les délé-
gués de l'association des Gompétaliastes. sous le consulat de
G. Goelius (Galdus) et de L. Domitius (Ahenobarbus) en
l'an 94 '- ;
4. Dédicace dune statue d'Héraklès, consacrée par les
mêmes fonctionnaires, sous le consulat de G. Valerius (Flac-
cus) et de M. Herennius, en Tan 93 •';
5. Dédicace d'un monument, consacré à Apollon et aux
'lTaA',7.0'' par les Hermaïstes, les Apolloniastes et les Poseido-
niastes, sous le consulat de L. Licinius Lucullus et de
M. Aurelius Gotta, en l'an 74 ^.
On doit admettre que, comme il est de règle dans les indi-
cations éponymiques, c'est le titre officiel des consuls que
nous trouvons ici exprimé, et, déplus, que les Italiens, auteurs
de ces dédicaces, ont donné à ce titre la forme qu'on lui don-
nait, à la même époque, dans les documents d'origine romaine
1. Que les 'Epij.aia-at, 'A'oXXfovtaaTaî, noas'.oojv'.aata; mentionnés dans nos
dédicaces 1, 2 et 5 soient des fonctionnaires naturellement identiques aux
magistreis Mirquri etc.) qui exercent une charge annuelle, c'est ce que
montre à Tévidence la formule 'Ep[j.aîa-al xtX. i-svo'tJLevoi (ou oi y£vo|j.£vo'.) è-l
'jTzdzM'f 7.-1. : voir, à ce sujet, les bonnes remarques de J. Ilatzfeld, BCH,
1912, 177-178; cf. 162. Mais il ne paraît pas douteux, comme l'a indiqué
Hatzfeld, que les mêmes noms désignent aussi les associations ou collegia,
« dont les magistreis » annuels « forment en quelque sorte le comité exécu-
tif» (Hatzfeld, ihid. 17S;. C'est de la même façon qu'il faut entendre, dans
les dédicaces 3 et 4, le terme Ko;j.-£Ta)vtaaTa( : il désigne, au sens restreint,
les magislri{'^) de l'association des Gompétaliastes, et, au sens large, cette
association elle-même. L'opinion, assez dilTérente, soutenue tout récem-
ment par Boack {Class. Philol. 1916, 25-45), me semble moins plausible.
2. BCH, 1909, 493, n. 15= Explor. arch. de Dèlos, fasc. Il, 47, 3 et fig.
67 (où l'inscription est reproduite).
3. BCH, 1880, 190 = Diltenbei'gcr, Sylloge -, 321.
4. BCH, 1899, 67-68, n. 14.
5. BCH, 1899, 70-71, n. 15.
0. BC^, 1884, 145-147.
DOCUMENTS d'orIGINE GRECQUE 25
rédig-és en grec '. Il eût été, en conséquence, particulière-
ment précieux de connaître Tappellation grecque des consuls
de 113. Ont-ils reçu le titre de is-px-r,^(ol 'j~a-.ci ou celui
d'jTraTîi? Malheureusement, dans la dédicace faite sous ce
consulat, la notation éponymique n'a point été traduite du
latin en grec; on lit seulement à la fin de l'inscription : Cii.
Papeirio C. Caecilio cos. Pour les consuls de 97. 94, 93 et
74, la formule est toujours iizl û-aTOJV ~. L'appellation con-
sulaire officielle était donc, dès 97, u'iratcç et non a-poL~T,Yoç
Le fait n'a rien que de normal et s'accorde exactement avec
ce que nous savons de la transformation du titre des consuls
vers la fin du il'' siècle. 11 demeure loisible de croire qu'à
une époque plus ancienne, on faisait usage, dans les épony-
mies consulaires, de la formule kzl a-py.Tr,^(M'^ j-dtTwv (twv
OÎIV(OV) ■^.
in. — Documents d'origine grecque.
§ 1. Décrets et dédicaces en l'honneur des consuls.
Lorsque les nations ou les cités de la Grèce, rendant hom-
mage à un magistrat romain, lui conféraient quelque distinc-
tion ou lui élevaient quelque monument, il va de soi qu'elles
pouvaient, suivant l'ancienne coutume hellénique ou pour se
conformer à son désir, passer son titre sous silence dans le
décret honorifique ou dans la dédicace du monument. C'est
de quoi il y a maint exemple ^.
1. Dans la dédicace n. 4 (BCH, 1899, 70-71, n. 15), à la 1. 15, la formule
ETîl 'j::àT(ov — ['PjoSariç est évidemment en désaccord avec les règles de la
titulature officielle ; mais l'addition, surprenante à première vue, du mot
'PoSjAYiç s'explique simplement par le fait que répimélète athénien de Délos
est nommé à la 1. 16 (Èniij.£Àr,Tou oè x^ç vr(aou /.ta.) : 'Pwar,; répond et s'op-
pose à vTjao'j.
2. Mention identique {ï~l 'jTzi-or/ zt)..) des consuls de 9i dans le préambule
du traité entre Rome et les Thyrréens (Viereck, XXII ^= IG, IX, 1, 483) ; cf.
ci-après, chap. II, n. ii.
3. Cf. ce qui a été dit plus haut des formules éponymiques (îtzI toj ozhoç
aToatriyoj av9u-aT0j) qui figurent en tète des actes des gouverneurs.
4. Il suffira d'en rappeler quelques-uns. — Dédicaces du peuple de Mégare
et de la Confédération des Ainianes en l'honneur de Q. Caecilius Metellus
26 CHAPITRE PREMIER
Mais si elles lui donnaient un titre, c'était nécessairement
celui que le magistrat prenait lui-même, ou qu'en vertu d'un
ancien usage il avait droit de prendre, dans les actes officiels.
Comme la dit justement Mommsen ^ : « Neque enim video,
quo iure posuerit Waddingtonius — in titulis ei {se. Homano
magistratui) dedicatis — sufficere quodvis non proprium
vocabulum rei aptum. Immo neque Graecorum usus et multo
minus Latinorum admittit, ut regeni vel consulem vel quem-
libet denique magistratum enunties proprio honoris nominc
suppresso substitutoqiie in eius locum vocabulo alio ad arbi-
triiini electo. » Il n'était pas possible, dans un texte ayant un
caractère public, de modifier ai'bitrairement le titre du magis-
trat qu'on voulait honorer ; c'eût été lui manquer d'égards au
moment même où l'on prétendait lui être agréable ; on eût de
la sorte commis une inconvenance qui eût été une absurdité.
Dans les décrets votés en pays grec en l'honneur des con-
suls, comme aussi dans les inscriptions placées sous les statues
érigées à des consuls, toutes les fois que leur nom fut suivi
d'un titre, ce titre devait donc être leur appellation solennelle,
— soit celle qui était usitée quand le décret fut rendu ou la
(Macedonicus) ; /G, VII, 3490; IX, 2, 37. — Dédicace du peuple d'Erylhrai en
l'honneur de M. Cosconius (gouvex-neur de Macédoine c. 135-133; cf. Zumpt,
Comment, epigr.lï, 165; G'àhler, Zeitschr. fur Nnmism. XXIII, 162) : BCH^
1S80, 156. — Dédicace du peuple d'Athènes en l'honneur de Sex. Ponipeius
(gouverneur de Macédoine en 120/119) : Groebe, Alh. Mitt. 1909, 403 sqq. —
Dédicace du peuple d'Athènes en l'honneur de Cn. Ponipeius Sex. f. (Strabo)
(cos. 89) : Groebe, Ath. Mitt. 1908, 135 sqq. — Dédicaces du peuple d'Oropos
et du peuple d'Athènes en l'honneur de L. Cornélius SuUa : IG, VII, 264 (cf.
372); III, 561 a. —Dédicaces du peuple d'Athènes et du Conseil de l'Aréo-
page en l'honneur de L. Licinius Lucullus (Ponticus) (cos. 74) : IG, III, 562-
563, etc. — Dans les dédicaces trouvées à l'Amphiaraeion d'Oropos (IG, VII,
264, 372), Sulla est appelé Asuxtoç KopvTi'Xtoç AeuxtouuEo; DûXXa,- 'ETzaçpdôiTOç.
L'addition du cognomen 'Eina,<sp6^iioç, est une particularité intéressante
qu'explique, comme l'a vu Dittenberger (/G, VII, 264), le passage suivant de
Plutarque [Sulla, 34) : aùxôç oï Toiç "EXXyiœi ypàçfov xal yprj[jLaTt'Çwv éaurôv
'EraçcdSiTov àvYjydpsuE (SuXXaç) — ; cf. le sénatus-consulte dit de Stratoni-
cée (Dittenberger, Or. gr. inscr. 441, 1. 1, 34. 72, 87, 101, 122-123). On voit
là avec quel soin les Grecs, lorsqu'ils composaient une inscription en l'hon-
neur d'un grand de Rome, s'appliquaient à la rédiger de la façon qui lui agrée-
rait le mieux.
1. Mommsen, Ges. Schriften, VIII, 262.
DOCUMENTS D ORIGINE GRECQUE 2 /
statue érigée, soit celle qui avait été plus anciennement
employée : distinction justifiée par le fait que l'appellation
solennelle des consuls prit au cours du temps, comme on Va
vu, deux formes différentes. Ajoutons que la même règle qui
s'appliquait aux dédicaces publiques valait aussi pour les
dédicaces privées. Pas plus que les corps politiques, les par-
ticuliers ne devaient risquer de mécontenter, en modifiant
capricieusement leur titre, ceux à qui ils s'efforçaient de
plaire.
Nous ne possédons, je crois, pour le ii" siècle avant notre
ère, aucun décret voté en l'honneur d'un consul par un Etat
grec'. Mais il est clair que toute inscription dédicatoire placée
sur un monument élevé à un consul présuppose l'existence
d'un décret honorifique, en vertu duquel a été érigé le monu-
ment et gravée l'inscription, et que ce décret attribuait au con-
sul le même titre qui lui est donné par l'inscription dédica-
toire -. Or, il nous reste plusieurs dédicaces anciennes en
l'honneur de consuls : le titre qu'elles leur donnent est uni-
formément CTpa-YJYÔç ii-aTOç.
Nous le rencontrons d'abord dans les dédicaces des statues
qui furent élevées à T. Quinctius (Flamininus) par le peuple de
Gytheion et par le peuple de Kos : Titov Tbcj Kc'vy.-'.sv, a-px-
Tayàv J-aTOv Pa);j.auov, 6 oy.[j.oq b TuôcXTàv tov aÛTCu ff(or?;pa •^. —
1. Selon Arvanitopoullos, c'est à T. Quinctius que se rapporterait le décret
de Gonnoi récemment découvert dans les ruines de cette ville ('Apy . 'EcpTi[jL.
1912, 66, n. 92). En conséquence, il rétablit ainsi les I. 3-6 : ôiô osodfyOa'. è7:a;-
vl]<jat Te T[ÎTOv Koîv/.Ttov, arpaTriyôv u-]a-ov 'Pw[[jLaiwv, /.al aTéçavûajat
yjpjuawi aT£spa[vwi]. Mais il n'est pas besoin de dire que cette restitution est
étrangement hasardeuse. S'agit-il en réalité d'un CTpaTTiyo; uratoç ou d'un
atpaiYiYÔ; ivOjTiaTo; ? Il serait désirable que l'inscription fût soumise à une
nouvelle étude ; la plupart des suppléments que propose Arvanitopoullos
sont inacceptables ou douteux.
2. Il arrive même très souvent, comme on sait, que le décret indique expli-
citement comment sera libellée l'inscription placée sur le monument.
3. /G, V, 1, 1165 = Dittenberger, Sylloge 2, 275 = Dessau, 8766.
28 CHAPITRE PREMIER
['P(ù\).!XUù}>, àpe-oiç evsxa [-/.ai y.aXo7.a](Y)aOiaç tSç elq aù-bv [y.al
Les Delphiens, érigeant une statue à M'. Acilius (Glabrio)
(cos. 191 ; pro cos. 190), le qualifient pareillement de a-paTV)-
yoç 'jTzx-oq '. ['A] T.ÔKiç, twv AeXsûv Maviov 'Ay.Oacv Fabu u'.ôv,
ff-pa-raYov JTra-ov Pa)iJ,ai(«)v, y,TA~.
De même, Q. Marcius Philippus (cos. 169) est appelé c-pa-
Tr,yoq j-arcç 'Pwt/xuov dans la dédicace de la statue que lui
érigea la Confédération achéenne : Tb xoivbv twv 'Ayaiwv
[K]6tVT0V Maapy.tov Asuy.bu •ï>rya7î:ïov, ff-rpaïaYbv y-jra-rov 'P(i)tj.ato)v,
xtX. •^; — L.Mummius (Achaicus), dans l'inscription de la sta-
tue que lui dressèrent lesEléens : H izbkiç y; -oiv 'HÀ£to)v Asjyacv
Mo;j.y-tov Asuy.iou, cTpaTYJYbv 'j-axov 'Po)|j-atwv, y.TA. "^ ; — L. Cae-
cilius Metellus (Calvus?ou Diadematus?) (cos. 142?oull7?),
dans la dédicace jointe à la statue qui lui fut élevée à Délos
par les Athéniens : '0 ^f,[j.oq b 'A6-^vauùv A$ijy.iov Kaiy.IXtov
KoivTOU MétsXXov, ff-pa~-/)Ybv uTraTOv 'Pto[JLauov '', xtA.
Le même formulaire reparaît dans deux dédicaces privées,
celles du Thessalonikien Damon, f. de Nikanor, et du Romain
1. Paton-Hicks, /nscr. o/" Cos, 128 = Mûllensiefcn-Bcchtel, Samml. griech.
Dial. inschr. 3656.
2. Pomtow, Beitr. zur Topogr. von Delphi, 118, n. 8 (cf. pi. XIV, 42) =
Collitz-Baunack, Samml. griech. Dial. inschr. 2960.
3. Inschr. von Olympia, 318 = Dittenberger, Sylloge -, 301 = Dessau, 8767.
— Q. Marcius fut consul en 186 et en 169; mais c'est à son second consulat
(cf. Inschr. von Olympia, 318) que se rapporte la dédicace des Achéens.
4. Inschr. von Olympia, 319= Dittenberger, Sylloge -, 310 = Dessau, 8768.
5. IG, XII, 5, 270 = Dittenberger, Sylloge -, 313. Sur lorigine véritable de
l'inscription, voir la note de Wilamowitz à IG, XII, 5, 270-272. — Th.HomoUe
{BCH, 1884, 149) a supposé que le personnage ici honoré était L. Caecilius
Metellus, propréteur en Sicile en 70 et consul en 68, mais cette conjecture ne
saurait être admise. Le choix est limité à L. Caecilius Metellus Calvus et L.
Caecilius Metellus Diadematus (cf. Hiller von Gartringen dans IG, XII, 5, 270 ;
seulement il est malaisé de décider entre eux. P. Roussel a très bien fait
voir [BCH, 1908, 413, 7) qu'il n'y a aucune indication à tirer, dans un sens ni
dans l'autre, de la mention de I' « épimélète » Protimos.P.Foucart (Bev. Phi-
lol. 1899, 258), sans donner d'argument, Mûnzer (P-\^^ 111,1208, s. i'. Caeci-
lius, 83), pour des raisons peu convaincantes, pensent qu'il s'agit de L. Caeci-
lius Calvus; Kirchner (ap. Hiller) préférerait rapporter le monument à
L. Caecilius Diadematus. La question reste pendante; je me borne à faire
observer que, contrairement à l'opinion de Hiller, l'emploi du titre
<jTpaLir\frji uTiaxo; ne peut être un motif pour reculer la date de l'inscription.
bOCUMENTS D ORIGINE GRECQUE 29
L. Babullius, f. de Tiberius. Lorsqu'ils consacrèrent, le pre-
mier, à Olympie, une statue de Q.Metellus(Macedonicus) (cos.
143), le second, à Délos, une statue de P. Cornélius Scipio
Africanus (Aemilianus) (cos. 147 ou 134), ils joignirent au
nom de chacun des deux consuls le titre de a-pa-'^Yb; G-xtsç.
On lit, d'une part: Aâixwv Ni/.àvopo; Maxecwv à-b ÔsaaaAsvî'/.-/;;
Ks'.vTov Kar/.ÉXiov Kg''v-:o'j MsteXasv, ffirpar^Ybv uzaiov 'Pwjjiaiwv,
•/.tX. ^ ; — et de l'autre : [IIs-]X[icv KopvïjXiov HzizXiou S]xi-
7:'!(i)v[aJ 'A[9piy.avbv, a]-par^Y[b]v ['J':rJa[TOv 'P{i)[j.a[ia)v], Asuxto;
Ba(3ùXXtoç [T]i|3[£pio'j] 'PwiAaîoç /.-X. -. Ces exemples^ suffiraient
à nous apprendre, si nous ne le savions déjà, que, depuis le com-
mencement et jusqu'après le milieu du n^ siècle, l'appellation
solennelle des consuls fut G-:pax-qyoç u7:a-oç. Seulement, s'il
s'agit de déterminer le temps durant lequel cette appellation
fut officiellement en usage, on devra ne consulter qu'avec
prudence les inscriptions honorifiques d'origine grecque.
Il a été trouvé à Délos une dédicace en l'honneur de
M. Antonius M. f. (cos. 99; cens, 97), aïeul du triumvir,
qu'il faut certainement — bien que cette lecture ait été con-
testée — lire ainsi qu'il suit : M;zap7.ov 'Avtoiviov Maapy.oj
J. Inschr. von Olympia, 325= Diltenberger, Sylloge -, 312.
2. J. Hatzfeld, BCII, 1912, 198, n. i (rectifiant BCH, 1884, 137 et 1905, 238,
n. 98). — Il est extrêmement probable, sinon tout à fait certain, que c'est bien
P. Scipio (Aemilianus) qui est ici nommé. La restitution 'A[cpp'./'.avdv], propo-
sée par P. Roussel, se trouve justifiée par l'inscription de Thermae Hime-
raeorum précédemment citée. J. Hatzfeld {ibid. 199) penche à croire que le
monument fut élevé à Scipion à l'occasion de son second consulat (ann. 134);
il me semble qu'il peut aussi bien se reporter au premier (ann. 147).
3. Je n'ai pas réussi à reconnaître quel pouvait être le cr-paTriyôç i»7:a-:o;
mentionné dans une inscription de Délos très mutilée, dont Th. HomoUe n'a
donné qu'une copie en majuscules (BCH, 1884, 137, n. 3). Ce texte, comme a
bien voulu me l'apprendre P. Roussel, est maintenant en grande partie illi-
sible. — Dans la dédicace de la statue élevée, à Délos, à Gn. Papirius Carbo
(cos. 113) par le roi Antiochos VIII Épiphanès Philométor Kallinikos
P. Roussel et J. Hatzfeld, BCH, 1910, 395, n. 41), il est impossible de dire si
la 1. 5 contenait les mots rjxc,oi.x-f\[yo-/ {i-axov 'Pojfxat'Jwv ou (îTpaTr|[yov àv6'j~a-
tov 'P'jD;j.a;']wv. L'inscription a, d'ailleurs, dans les deux cas, la même valeur
démonstrative ; si Cn. Carbo a été qualifié de aipaTr,Y6ç àvGJTzaxo; aux envi-
rons de l'an 113, il est évident qu'il a pu être appelé a-paTr,Yoç j-aTo; cette
année-là.
30 cMAPlTtlE PtlEMlÈK
ulôv, (rrpatYJYbv uiraTov, Tti^.'/jTTfV, Ar()act tov sa-ôv -atptova^. L'in-
scription, sauf la suppression du mot 'Pojixauov, énonce le titre
consulaire dans la même forme que les précédentes ; mais elle
est beaucoup moins ancienne. Elle remonte, au plus tôt, à 97,
peut-être seulement à l'une des années suivantes -. Et par là
elle mérite une attention spéciale.
1. HomoUe, BCH, 1884,133. — Th. Homolle {ibid. 133-135), suivi par MenLz
(7, 2), P. Foucart {Rev. Philol. 1S99, 258, 6) et W. S. Ferguson {Hellen. Athens,
452, 2), ponctue ainsi : CTXcaTriydv, û;:aTov, xiiAYiirlv. Au contraire, Mommsen
{Staatsrecht, IP, 76, 1) et L. Pernier (Dizion. epigr. di Antich. rom., s. i'.
Delus, 1623), écrivent: aTpa-r,YÔv j-aTOv, -riarj-rrlv. Celte dernière lecture est la
seule possible. 11 est naturel que les « Déliens » aient rappelé les deux plus
grands honores gérés par M. Antonius ; il serait extraordinaire et par trop
singulier qu'énumérant successivement sa préture, son consulat et sa censure,
ils eussent donné à leur dédicace la forme d'une sorte de cursus honorum ;
cela ne s'est point vu en Grèce avant l'époque impériale. Ajoutons que la men-
tion du consulat avant la censure s'explique, un censeur n'étant pas nécessai-
rement un consulaire ; mais celle de la préture avant le consulat eût été tout à
fait oiseuse. Au surplus, le titre nu de aipaTYiYo'ç ne peut convenir à M. Anto-
nius, puisqu'il est dit GToaTriyo; avÔjraTo; dans l'inscription de Rhodes citée
ci-après ; si, à Délos, on avait mentionné sa préture, on l'aurait appelé de
même façon. Sur toute cette question, cf. Rev. Et. anc. 1917, 83 sqq.
2. Th. Homolle {ibid.) etW. S. Ferguson (iJbi'd.) ont pensé que le monument,
dont nous avons ici la dédicace, ne fut élevé à M. Antonius qu'après sa mort,
soit après 87. Mais c'est ce qu'il est bien difficile d'admettre. Les mots
Tov laxâSv T:âTpwva (et non tÔv Éaxwv jiàxptova y£vo'li.£vov), qu'on lit aussi dans
la dédicace des <> Déliens » en l'honneur de G. Julius G. f. Caesar, père du
dictateur (BCff, 1902, 541, n. 11), se concilient mal avec cette hypothèse. Th.
Homolle [ibid. 135) et F. Diirrbach {BCH, 1902, 541-542) estiment, il est vrai,
que l'ethnique ArjX;oi, « insolite pendant toute la période de la seconde domina-
tion athénienne » ne fut en usage que pendant « la très courte durée de la
guerre de Mithridates », en 88 et 87, lorsque Délos, amie de Rome et adver-
saire des Pontiques, se fut détachée d'Athènes. Mais, comme a l'obligeance
de me le faire observer P. Roussel, cette explication du nom de Ar,)ao'.,
qu'on suppose avoir été porté par toute la population insulaire, ne saurait être
acceptée maintenant que la liste des souscripteurs de r'IxaÀty.Y) rzaaxa; {BCH,
1907, 462) a fait connaître deux « Déliens » 1. 11, 16), parmi quantité d'autres
habitants de l'île qui portent des ethniques variés ou qui se désignent expres-
sément comme Italiens ou Romains. « Jamais, peut-on croire, la communauté
cosmopolite de Délos n'a pris dans son ensemble le nom de ATiÀtot, Le plus
probable, c'est que, dans les dédicaces à M. Antonius et à G. Julius Gaesar,
aussi bien que dans la liste de souscription, les Déliens sont les descendants
des expulsés de 166, lesquels s'étaient d'abord réfugiés en .\chaie ; il est natu-
rel que ce petit groupe d'émigrés ait eu des patrons à Rome. Au début du
I"' siècle, ils ont pu obtenir de revenir, en étrangers, dans leur patrie. L'eth-
nique, jadis prohibé, a reparu parce qu'il n'impliquait plus une protestation
Documents d'origine grecque 31
La présence, dans un texte aussi récent, de l'appellation
«7-patr,YÔç uTra-roç est propre à nous étonner, puisque nous avons
cru reconnaître qu'avant la fin du ii® siècle, le terme de la
langue officielle usité pour désigner les consuls était déjà
uTcaToç 'P(o;xa',(i)v ou JTraTcç. Mais il faut prendre garde que les
auteurs d'inscriptions honorifiques ont pu, dans une intention
de flatterie fort explicable, continuer de donner aux consuls
leur ancien titre, même après qu'il était sorti de l'usage
public. Ce titre était long, sonnait bien, avait de l'ampleur et
de la majesté, toutes qualités qui en recommandaient l'em-
ploi à ceux qui voulaient faire leur cour aux personnages con-
sulaires. Qu'ils l'aient préféré à celui, plus simple, d'uzaTiç
'P(oiJ.aiwv ou d'uTCatoç, c'est de quoi, à la réflexion, l'on ne sau-
rait être surpris.
Il y a lieu, aussi bien, de faire un rapprochement qui ne
laisse pas d'être instructif. Parmi les dédicaces qui contiennent
le titre de cjtpocTVJYè; œAi-Jr.x-zq, quelques-unes doivent être ici
particulièrement signalées. Les personnages nommés dans
ces dédicaces sont les suivants :
M. Minucius Q. f. Rufus : [Maapy.ciç MiJvj/.ioç Kcfivtou u'.b;
'PoJDçoç, (7Tp(a)[TY)Y0Ç âve-jTCaJTOç 'Pw[Aai[a)v] (dédicace d'un monu-
ment qui lui fut élevé, dans le sanctuaire pythique, par la
ville de Delphes) ^
G. Billienus G. f. : Fato; BiaXi^voç [ra]îc[u u]'.ôç, ctpaTr^viç
àvBÛTîa-rs; 'P(i),aauov (dédicace d'une statue qui lui fut consacrée,
à Délos, par Midas, f. de Zenon, d'Hérakleia -).
d'indépendance » (Note de P. Roussel; cf. Délos col. athénienne, 321-322, el
Ferguson, ibid. 452, 4). Il suit de là que rien absolument n'empêche que la
statue de M. Antonius ait été érigée à Délos entre 97 et 87 ; cf. Rev. Et. anc.
1917, 86 sqq.
1. L'édition complète et définitive de ce texte, souvent reproduit sans
exactitude, a été donnée par Ém. Bourguet, BCH, 1911, 173; cf. 171-172. C'est
évidemment à iort que les éditeurs du Corp. inscr. latin. (CIL, III, Siippl.
1420323) ont suppléé [u7:a]tov Tw[J.ai[wv] au lieu d' [àv6û;:a]T0v. — Pour la
restitution de l'inscription latine qui accompagnait la dédicace en grec, voir
Pomtow, Nachirage zu iJelphica, II (Berlin, 1909), 90, 92, 3; Ad. Reiiiach,
BCH, 1910. 306 ; Bourguet, ibid. 171,
2. CIL, 111, SuppL 7233 — Explor. arch. de Délos, fasc. V, 43-44 (fac-similé
aux Cg. 62-63). P. Roussel a restitué avec certitude le nom de 1' « ami » de
Billienus, donateur de la statue {BCH, 1909, 444). — On sait que, dans une
32 CHAPITRE PREMIER
M. Anlonius (le même dont il vient d'être parlé) : il est
appelé [Mjapxcç 'Avtwvioç, aipataYO? à^hù~a[-:oç] — 'Pwixaiwv dans
la dédicace d'une statue, élevée à un marin de Rhodes qui
avait pris part sous ses ordres à l'expédition de Cilicie K
Q. Mucius P. f. Scaevola : [Kôjivtcç [Moûyao: YIoz'/Sz'j u-.b;]
Sxa'iXaç, — [ff-par^jvb? i?:v6tjzaToç 'Po)[;.au.)v (dédicace d'une sta-
tue consacrée, à Olympie, par les «peuples » et les « nations »
de l'Asie -).
L. Julius Caesar : [Aejjy.ioç 'lo'jÀioç [KJaT^ap, [(7]Tpar/;[Ys?
à]vO[jTC]aTcç 'P(oiJ-at[fi)]v (dédicace d'une statue consacrée par la
ville de Samothrace ^).
L. Cornélius L. f. Sulla : [A]£Ûxtc[ç Kjjpvvaoç Acuxtcu u'.b[ç]
^[ûJXXaç, ffTpaTrfi'bç àv9'J7caTcç ['Plw[j-ai(i)v (dédicace d'une statue
consacrée par le peuple d'Halikarnasse) ^. — Une autre
inscription, placée sur le socle d'une statue qui avait été
érigée à un citoyen de Rhodes (?) par le Rhodien Dionysios
f. de Lysanias, contient ces mots : — [t'ov osfva ^upôaPejaavia]
•Aoà ["kOtJI Asûxtov Kopv'^Atcv Asuxbu [uîèv SuXXav], ŒTpaTaYOv
àvôÛTraTOV 'Pa)[j,a[i](i)V ^.
Q. Ancharius Q. f. : Koivxoç ['AJv^apioç Koivtou u'.6ç, aipar/;-
autre dédicace pareillement découverte à Délos, C. Billienus porte le titre de
-psdpEUXTiç T<o[Aatajv : CIG, 2285 Jb = Ch. Picard, BCH, 1910, 537, n. 1 (avec
fac-similé à la fig. 1); cf. P. Roussel, BCH, 1909, 443.
1. Th. Reinach, Rev. Et. gr. 1904, 210, n. 2; P.Foucart, Joiirn. des Savants,
1906, 576.
2. Inschr.von Olympia, 327 = P. Foucart, Rev. Philol. 1901, 86 (avec des
restitutions nouvelles) = Ditienberger, Or. gr. inscr. 439.
3. IG, XII, 8, 241 (où il faut, à la 1. 5, corriger, avec Hiller von Gartringen,
a fausse lecture ['P]w;j.atov en ['P]wu.atojv) =r P. Foucart, Rev. Philol. 1899,
265. — Dans l'inscription IG, XII, 8, 232, il s'agit peut-être du môme person-
nage ; mais le texte a été récrit à une basse époque : noter la forme arrondie
des £ et des a, l'abréviation du praenomen, le titre av6j;:aio; Mazsoovtaç
qui n'est en usage qu'à partir de l'Empire (cf. Gabier, Zeitschr. fiir Niimism.
XX1II,172, 1).
4. Hula-Szanto, Sitzungsber. der Wien. Akad. t. 132 (^894), II, 29 =
P. Foucart, Rev. Philol. 1899, 262. L'inscription est, à parler e.vactement, le
résumé d'un décret rendu en l'honneur de Sulla, plutôt qu'une dédicace.
5. IG, XII, 1, 48= Dittenberger, Sylloge-, 332 — P. Foucart, Rev. Philol.
1899, 266. Dans cette inscription, il faut certainement, comme l'ont fait Hiller
von Gartringen {Wien. Jahresh. 1898, Beiblatt, 92-93), Th. Reinach [Mithrad.
Eupator, 474, n. 22) et P. Foucart (ibid. 266-267), rétablir, à la fin de la 1. 1, le
nom de Sulla.
DOCUMENTS D ORIGINE GRECQUE 33
Yoç àvGJzaTo; 'Pwjxaiojv (dédicace d'une statue consacrée, à
Delphes, parles Amphiktions) '.
L. Caipurnius Piso : [Asjûxioç KaATripvioç Osw^wjv, oxpcc-Tf-^oc
àvO'jTTaTo; (dédicace d'une statue consacrée, àDélos, par le peuple
athénien) -.
Chacun de ces textes ', on le voit, donne au personnage
honoré le titre de (j-parr,Ybç àvGJzaTo; Pwf^.aiwv. — Or, M.
Minucius Rufus (cos. 110; pro cos. 109-107), venu en Macé-
doine comme consul pour défendre la province contre les bar-
bares, y demeura, semble-t-il, jusqu'à la fin de 107 *; C, Bil-
1. Texte inédit communiqué pai- Ém.Bourguet [= Pomtow, Klio, 1915, 126,
n. 99.]
2. P. Roussel, 5Cff. 1907, 337, n. 2.
3. A cette liste peut-être faut-il ajouter Ser. Cornélius Ser. f . Lentulus.
a-paT/,YÔ; àv6j-aTC; 'PtoaaLwv, dont la statue fut érigée à Délos par l'Athé-
nien Dionysios, f. de Nikon {BCH, 1885, 379 = P. Foucart, Rev. Philol. 1899,
263). C'est au même personnage, cette fois mentionné sans titre, que se rap-
porte, semble-t-il, une autre dédicace, qui a pour auteurs les iils de Dionysios
{BCH, 1912, 113, 3). P. Foucart {Rev. Philol. 1899, 263-264) est d'avis que
Ser. Cornélius Lentulus fut gouverneur d'Asie et l'un des proches succes-
seurs de M'. Aquillius, et telle paraît être aussi l'opinion de Miinzer (P-W,
IV, 1376-1377, s. v. Cornélius, 208 a-b). Mais P. Roussel a montré que la car-
rière publique de Dionysios correspond à la fin du ii'^ siècle, qu'il ne fut épi-
mélète de Délos qu'en 110/109, et que ses fils n'ont guère pu élever un monu-
ment à Ser. Cornélius Lentulus qu'après 106/105 {BCH, 1908,327, n. 192;
411; 1907, 455-456; 19J2, 113-114; Délos col. athénienne, 109). Dans ces condi-
tions, le gouvernement de Ser. Cornélius pourrait se placer sensiblement
plus tard qu'on ne l'a d'abord supposé. — Quant à C. Cluvius L. f., appelé
aTpaTïiyô; àv6ÛTcaTo; 'PwiAai'wv dans la dédicace de la statue que lui érigèrent
les èv Aïj'Xojt lpYaÇdii.£vot /.ai y.à-ot/.ouvit; {BCH, 1884, 119, rectifié dans BCH,
1887, 271 = P. Foucart, Rev. Philol. 1899, 260), on ne sait à quelle époque il
a géré ses fonctions ; Miinzer (P-W, IV, 119, s. v. Cluvius, 2) qui en fait,
sans donner de raisons, un gouverneur de Macédoine, le laisse flotter, d'ail-
leurs arbitrairement, entre 134 et 104.
4. Sur le séjour de M. Minucius en Macédoine, cf. PomtoAv. Philol. 1895, 232-
233, 594-595 ; Perdrizet, BCH, 1896, 481 sqq. ; Dittenberger, Sylloge-, 931 ; Gabier,
Zeitschr. fur Niimism. XXIII, 167. Il défit les barbïires de Thrace dans deux
expéditions successives, d'abord les Galates-Skordistes, puis les Besses et les
Thraces (cf. Bourguet, BCH, 1911, 174), et obtint le triomphe en 106. Les
deux inscriptions, en grec et en latin, gravées à Delphes en son honneur,
sont postérieures soit à son triomphe, soit, tout au moins, à ses victoires
(c'est-à-dire à 109-107), car celles-ci sont commémorées dans les deux textes,
et, dans le second (1. 6), le proconsul porte le titre d'imperaior. II est remar-
quable que ce titre ne figure pas dans l'inscription grecque, où l'on s'est borné
HOLLEAUX. STpaTTJYO; 'Jizcfzo;. 3
34 CHAPITRE PREMIER
lienus fut gouverneur de Macédoine ou d'Asie aux approches
de Tannée 100 '; M. Antonius fit son expédition de Cilicie en
102 ^; Q.Mucius Scaevola administra l'Asie eu 98 ^; L. Julius
Gaesar, la Macédoine vers 93 ^ ; les deux inscriptions où SuUa
est dit (7Tpx--/)Ybç àvO J-aTOç 'Po)iJ,aia)v se placent, l'une probable-
ment en 84 ■*, l'autre en 82 (avant novembre) ^ ; enfin, Q.
Ancharius n'eut le gouvernement de la Macédoine qu'en S5 ',
et L. Calpurnius Piso ne devint proconsul d'Asie que sous
à qualifier M. Minucius de arpaTi^yo? àvÔÛTiaxoç Tw[Aaiwv.On serait tenté
d'en conclure que les Grecs ne savaient encore comment rendre le mot impe-
rator. De fait, dans la dédicace rhodienne de Tan 82 (Ditlenberger, Sylloge '■*,
332) précédemment citée, on l'a simplement transcrit en lettres grecques (I. 6 :
t[jL7C£câ-:opa) comme aussi dans la dédicace de Messène (JG, V, 1. 1454)
qui appartient à la même époque. Les plus anciens documents, connus de
moi, où imperator soit traduit par auToxpârwo sont les sénatus-consultes dits
de Tabai (Ditlenberger, Or. gr. inscr. 442) et d'Oropos [Sylloge-, 334).
1. La date approximative du gouvernement de C. Billienus a été déterminée
par P. Roussel [BCH, 1909, 443-444; cf. Explor. arch. de Délos, V, 43,
1). Billienus, comme l'avait suggéré Boeckh (CIG, 2285 h), peut être identifié
avec le jurisconsulte homonyme qu'a mentionné Cicéron (/JniL 175; cf. Klebs,
P-W, m, 253, s. V. Bellienus, 3) ; il fut préteur vers 107 et probablement chargé
un peu plus tard d'administrer la Macédoine ou l'Asie. C'est à tort que P. Fou-
cart (Rev. Philol. 1899, 264) pense qu'il put, en Asie, succédera P. Rutilius;
le gouvernement de celui-ci semble être d'une date plus ancienne, 111 ou 110
("WaddingLon, Fastes, n. 5).
2. Klebs, P-W, I, 2590, s. v. Antonius, 28, rectifiant Drumann, Gesch.
Roms, I-, 44 (voir la remarque de Groebe, ibicl. note 7).
3. VVadduiglon, Fasles, n. 7; cf. Ditlenberger, Or. gr. inscr. 437, net. 3.
4. Gabier, Zeilschr. fur Numism. XXIIl, 171-J72; cf. Drumann-Groebe,
Gesch. Roms, 111 -, 116, 6.
5. C'est, en elïel, pendant le séjour de Sulla en Asie (85-84) que le peuple
d'Halikarnasse dut voter en son honneur le décret que résume l'inscription.
6. Sur les nombreuses questions qu'a soulevées l'inscription de Rhodes,
voir l'utile résumé de Mi'inzer, P-W, IV, 1369-1371, s. v. Cornélius, 194; cf.
,1. Ilatzfeld, BCH, 1912, 124-127 (sur la titulature de Sulla dans les inscriptions
de Délos). L'inscription de Rhodes, comme l'a indiqué Hiller von Giirlringcn
{Wien. Jahresh. 1898, Beiblatt, 92 ; cf. Miinzer, ibicl. 1370), est de l'année 82,
après que L. Murena eût pris le titre d'imperator (1. 6) et avant que Sulla
eût reçu celui de dictateur (nov. 82).
7. Gabier, Zeilschr. fur Numism. XXIII, 182 ; cf. Klebs, P-W, 1, 2102, s. v.
Ancharius, 3. — Noter que le prédécesseur de Q. Ancharius en Macédoine,
L. Calpurnius L. f. Piso (Caesoninus) (cos.58; pro cos. 57-55) est seulement
appelé ivQûjîaToç dans une dédicace des Herma'istes de Délos : J. Hatzfeld,
BCH, 1909 504, n. 19; 522-525.
DOCUMENTS D ORIGINE GRECQUE 35
Auguste, au début de notre ère '. Les deux litres de c^paxTi^oq
àvOjxa-rsç, cxpar^vb; \jT.x-oq 'Pa)[;,atwv ont pu demeurer en usage
aussi longtemps l'un que l'autre dans les inscriptions honori-
fiques : la preuve vient justement d'être faite pour M. Anto-
nius ~. Dès lors, rien d'étrange si, au début du i" siècle ou
même plus tard, des consuls ont encore été appelés a-:ç)'xvr,yo\
uTraxoi par certaines de ces inscriptions.
Mais le fait ne prouve rien pour l'usage public de ce titre,
non plus que, pour l'usage public du titre de cTpoc-.r^'fo;, àv9'j-
T.ocTzq, sa présence dans les dédicaces tardives que je viens
d'énumérer 3.
Effectivement, nous avons vu que Q. Mucius Scaevola,
qualifié de cTpaTr;Ybç àvôÛTraxc; 'Pw;j.aîo)v dans la dédicace jointe
à la statue qui lui fut élevée à Olympie, s'intitule lui-
même àvO Jza-o; PojiJ.aiojv dans les suscriptions des lettres qu'il
1. Pour la date de linscription de Délos, voir en dernier lieu P. Roussel,
Délos col. athénienne, 116. Apollonios, f. d'Apollonios, de Rhamnous, fut
épimélète de lîle alors que Pamménès était prêtre à vie d'Apollon (de 13 av.
J.-C. au début de notre ère ; j/)(d. 339, 2) : c'est sous sa magistrature que les
Athéniens consacrèrent la statue de L. Calpurnius Piso. Diltenberg-er Or. gr.
inscr. 467, not. 1) place le proconsulat de celui-ci vers l'an 10 ap. J-C. ; cf. Klebs,
Prosop. imp. Rom. I, 282-283, n. 233 et 234. Pendant qu'il gouvernait l'Asie, des
monuments lui furent élevés à Pergame (Inschr. von Perg. 425 ; Ath. Milt.
1899, 176, n. 23), à Stratonicée {BCH, 1881, 183, n. 5) et à .Mylilène (/G, XII, 2,
219 = Dittenberger, Or. gr. inscr. 467); on notera que, dans la dédicace
trouvée à Mytilène, il est simplement appelé àv9j~aToç (I. 4).
2. Avec cette nuance, négligeable à mon gré, que M. Antonius est appelé
a-paTT)yoç avOû-a-o; dans une inscription composée, non en son honneur,
mais en l'honneur d'un de ses officiers.
3. La liste bien connue des marins de Kyzique initiés aux Mystères de
Samothrace [IG, XII, H, 189 = Hiller von Gârtringen, Wien. Jahresh. 1898,
Reiblatt, 90) fait mention d'un [aipaj-riyo; àv6 j-aToç, en qui l'on doit probable-
ment reconnaître un gouverneur d'Asie : {b, 1. 14-16) [â~ÎTo3 ceïvoç '.T:-ap/sjw,
£-'. paa'.Xî'w? ôk £v Ha[ijLoOpatV.yi'. -ou Seivo; 7:ap?|(ja]v oî aToaTSuaàaevot [l:rl
(P. Foucart, Rev. Philol. 1899, 269) tou Ocivo: aTcaJ-riyoCi àvOursTOu — .11 s'agit,
comme on le voit, d'une indication éponymique, et ce texte diffère de tous
ceu.T que nous avons précédemment passés en revue. Mais étant donné sa
date tardive — le commencement du i" siècle selon Fredrich — je ne doute
pas que, comme dans les dédicaces, le titre complet de aTpaTTjyo; avôûrato;
n'ait été donné au magistrat romain dans une intention de flatterie et pour
lui faire honneur. — C'est évidemment de même façon qu'il faut exj liquer le
titre de aTcaTY]yôç <^/.a!> {ixTaToç donné à César dans la lettre, déjà mention-
née (ci-dessus, p. 9, note 1), qu'a reproduite Josèphe, Ant. Jud. XIV. 10. 8, 215.
36 CHAPITRE PREMIER
adresse, en 98, aux villes de Sardes et d"Éphèse '. Et l'on se
rappelle que déjà, aux environs de Tan 116, Q. Fabius Maxi-
mus (Eburnus), gouverneur de Macédoine, en usait de même
dans sa lettre aux habitants de Dymai \ Ainsi, les actes
oftîciels des gouverneurs sont ici en désaccord avec les dédi-
caces qui les concernent. Le même désaccord a dû exister,
vers le même temps, entre les dédicaces mentionnant les
consuls et les actes de ceux-ci. Du titre de Gxparrrfoq ^-x'oq
attribué, en 97 ou un peu plus tard, à M. Antonms par la
dédicace de Délos, on devra donc se garder de conclure que
telle fut encore, à cette époque, l'appellation publiquement
donnée aux consuls. Les» Déliens », clients de M. Antonms,
voulant lui faire honneur, remirent en usage un titre déjà
quelque peu suranné ^.
Au contraire, lorsque, dans une inscription honorifique, un
consul est qualifié d'5:ra-o; ^Pco'j.ai'^v ou d'u-aTOç, c'est le
signe certain qu'à l'époque où fut composée l'inscription, ce
titre était l'appellation consulaire solennelle. Seulement,
d'après ce qui vient d'être dit, on doit admettre que les
inscriptions honorifiques retardent ici sur les actes publics, si
bien que la présence, en de telles inscriptions, du titre Gra-oç
'Pa)...a-a)v ou ^TraToc ne saurait apporter d'indication précise sur
la date où il fut reçu dans l'usage officiel. Cette date peut être
sensiblement antérieure à celle des plus anciennes inscrip-
tions honorifiques où le titre se rencontre.
1 Inschr. von Pergam. 268, A-B= Dittenberger, Or. gr. ùiscr. 437,1 et II,
I. 1-2, 25-26 : KotvTO; Moixioç Ho-Xiou ui6; S/.aid).aç, ivÔûîiaTOç Pcoaa^cov x-A.
Cf. ci-dessus, p. 16.
2 Cf. ci-dessus, p. 14 et suiv.
3 On peut noter une « survivance .. analogue sur les monnaies P'-oconsu-
laires de C. Asinius C. f. Gallus (ces. 8; pro cos. Asiae, 6/5 ; cf. Klebs, P-W,
II, 1585, s. i>. Asinius, 15; Prosop. Imp. Rom. I, 161, n. 1017). Asinius
V est appelé àv8Ô7:aTo; Tcoj;.aûov, bien que l'ethnique Twaaiwv eut
cessé, dès le courant du i" siècle avant notre ère, détre joint aux titres
des magistrats romains. - Pareillement, dans l'épigramme gravée a Per-
game sur Thermes du consul {siifreclus) Attalos (ii^ ou iii" siècle de
notre ère : Hepding, Ath. MM. 1907, 362), Attalos est encore qualifie de
DOCUMENTS d'oRIGINE GRECQUE 37
Par un accident regrettable, il y a disette d'inscriptions en
l'honneur de consuls (avec titre exprimé) pour la fin du
II* siècle et les commencements du i". C'est pourquoi nous
n'avons pas, que je sache, de dédicace offrant 'JTzaxzç 'Po)îJ.aio)v
ou j^raTOç (au lieu de aipa-Yj^bç ■j-ol':oç 'Po);j.3:{wv) avant le second
quart du i*""" siècle. Le premier exemple, à moi connu, de ce
titre dans une inscription honorifique est le suivant :
Dédicace du peuple d'Oropos en l'honneur de P. Servilius
C. f. (Vatia) Isauricus (cos. 79 ; pro cos, 78 ; imperator, 73) : '0
ofi[).oq QpwTT'lwv rii-A'.cv — scc'JiA'.cv Fab'j U'.bv Içxjpi'AÔ'f, 'J-aTOV,
aÙToxpâ-rspa y.TA ^. Comme P. Servilius porte ici le titre d'/m-
perator et le surnom d'Isauricus, l'inscription, postérieure à
ses victoires de Cilicie, est au plus tôt de l'an 73, et peut
être plus récente ~ .
Pour trouver d'autres exemples de l'appellation consulaire
dans des dédicaces, il faut ensuite descendre jusqu'à l'époque
de César, où le titre 'jzx-s: règne sans partage, sauf les excep-
tions qui se pourront rencontrer isolément et qu'implique la
présence tardive de c-TpaTY)Y'sc àvOJza-::; dans la même classe
d'inscriptions.
Quant au titre àvOjTra-o: 'Pojy.aûov ou àvOj-a-::; remplaçant
7-pyL-r,';zç àvOti^a-oç 'Paj|j.ai(i)v, c'est, je crois, en 82 qu'il se pré-
sente pour la première fois. Nous le trouvons, cette année-là,
attribué, à Pihodes, à L. Cornélius L. f. Lentulus, lequel fut
peut-être gouverneur de Cilicie de 83 à 81 : \=j7,'.oq Kopv^Xisç
Dans l'inscription rhodienne ici rappelée, où sont successi-
vement nommés L. Cornélius Sulla (1. 1-2) et L. Cornélius
1. /G, VII, 241.
2. II me paraît évident que. clans cette inscription, i~aTo; signifie consul, et
non proconsul. On y rappelle donc le consulat de Servilius. bien qu"il date
d'au moins quatre ans. Le cas est tout à fait analogue à celui de M. Antonius
(ci-dessus, p. 29 et suiv.), dont les « Déliens » commémorent le consulat (ann.
99) en 97 ou même plus tard.
3. IG, XII, 1, 48 = Ditlenberger, Sylloge-, 332 (inscription déjà mention-
née et citée). 1. 3- i. Sur l'hypothèse selon laquelle Sulla, à son départ d'Asie,
aurait donné à L. Cornélius Lentulus le gouvernement de la Cilicie, cf.
P. Foucart {Rev. Philol. 1899, 267; Th. Reinach, Hermès, 1899. 159-160;
Miinzer, P-\V. IV. 1371-1372,5. v. Cornélius, 194-195).
38 CHAPITRE PREMIER
Lentulus (1. 3-4), on observera que le premier est dit, comme
nous Tavons indiqué déjà, G-:poL-r,Y^ç àvôû-axo; 'Po)[j.aiMV, et le
second, deux lig^nes plus bas, àvOjTra-roç. De cette singularité on
serait d'abord tenté d'induire que la dédicace appartient tout
juste à l'époque de transition où l'ancien titre céda la place au
nouveau. Mais il ne paraît pas douteux que, lorsqu'elle fut
composée, àvBù-a-oq était déjà le titre ordinairement donné
aux gouverneurs dans les textes de même sorte, et que c'est
seulement pour faire honneur à Sulla qu'on l'a qualifié, à la
mode ancienne, de u-par^yoç àvÔÛTca-oç '.
La substitution d'àvGuTcaTûç à cTpaxriyoç àv6'J7:a-cç dans les
inscriptions dédicatoires avait donc commencé de se faire
avant 85-80, date minima qui n'est ici qu'un terminus ante
quem ; et la même conclusion vaut aussi pour la substitution
d'uTraToç à (TTpar/]Yoç uira-oç. 11 est probable que c'est aux
approches de l'an 100 qu'on vit JTratoç et àvÔJTrato; prendre,
dans ces inscriptions^ la place du titre primitif. Mais il faut se
souvenir que, selon toute apparence, le changement s'était
accompli, dans les pièces officielles, à une époque un peu plus
ancienne. L'étude critique des dédicaces d'origine grecque
donne ainsi lieu de croire qu'u-a-roç 'Po)|j.a'!o)v, puis uxaioç,
devint l'appellation solennelle des consuls dans le courant du
dernier quart du ii^ siècle. C'est à peu près à ce même résul-
tat que nous avait conduits l'examen du formulaire employé
par les consuls dans leurs actes publics.
§ 2, Décrets mentionnant occasionnellement des consuls.
Lorsque, dans les actes publics des cités grecques, il n'était
fait qu'en passant mention de consuls, il est clair que les
rédacteurs de ces actes n'étaient nullement obligés de leur
donner leur appellation sulennelle. Aussi s'en sont-ils souvent
dispensés,
1. Comp. le titre de droar/JYÔ; il^waro; donné à César dans la lettre aux habi-
tants de Paros signalée plus haut : Joseph. Ant. Jud.yiW. 10.8, 215. Dans
l'inscription de Délos BCH, XVII, 202 = XVI, 158, Sulla est simplement
appelé àv9J:taTo? (1. -4); mais cette épigramme en vers n'a pas de valeur
documentaire.
DOCUMENTS D'ORtGlNE GRECQUE 39
Le célèbre décret des Lampsakéniens pour Hégésias, décret
qui date de 196 ou de l'année suivante, mentionne par deux
fois T. (Quinctius Flamininus) ^ Le titre officiel de a-rpa-r-rj-pç
ijr.x-oq 'Po)[;.xu.)v est d'abord joint au nom du proconsul : (1.
67-6S) [xYrf'^'ocy]tv ajTo[ù]ç r, zj^c/j.r-.zq "pbç ■rb[v -un 'Pfoij.aioiv
(TTpar^Y]^''' '^~a'cv Trov — ; mais, un peu plus loin (1. 70),
Titus n'est plus appelé que 6 aTpxf/jviç : èvsTuyev (Hegesias)
Ttoi (jTpaTrjVwt [y.al zzlq Oî'xa] — ,
Dans la sentence arbitrale qu'ils rendirent, en 139 ou 133,
en faveur de la ville dTtanos ~, les Magnètes-du-Méandre,
reproduisant la suscription d'une lettre du consul L. Galpur-
nius L. f. Piso 3, le désignent, comme nous l'avons déjà vu,
par son appellation solennelle : (1. 10-11) y.aTa --^v àzoîTaXsî-
Ta[v è~'.!7T0A'/;v 67:0 A]£[L(y,'.o'j RaXs-cpv(o'j Asjyxbu u'.oj llsiawvoç
(7-pa-r,Y0j u-XTCJ — ; mais, quelques lignes plus bas, ils se
contentent d'écrire : (1. 20) [o-.a-açavTo; S]è ^rspi tojtwv y.al tsu
ffTpar^You Asuy.bu KaXoTrc[pvt2u Aeuyio'j uJ'.oO n£t(T(i)[v]oç.
Un passage du décret que les Priéniens votèrent, vers l'an
120, en l'honneur d'Hérodès ^, citoyen de la ville, est parti-
culièrement notable; on y lit : (1. 91^93) [y.al à]-2[c-/j;j.r,(7]aç
(Herodes) Tpb; -bv aj-rbv 7TpaT[vjY0v Mâapxov HepTcspjvav Maapy.ou
(7-pa-Y3Y2v •<3;v6!>u::a-:[ov sic n£pYaiJ.cv — ]. Nous trouvons ici
appliquées au même personnage, le consul M. Perperna M. f.
(cos. 130), et l'ancienne appellation solennelle (trtpa-yiYbç
u-a-oc) et une appellation simplifiée (axpa-r,YÔç), celle-ci précé-
1. Dittenberger, Sylloge^, 276. Dans l'étude de cette inscription, il faut
tenir compte des corrections et restitutions faites par A. Wilhelm [Gôlt. gel.
Anz. 1900, 94-95) et par moi-même [Bev. Et. ane. 1916, 4 sqq.). Bûttner-Wobst
(167, 3) parait n'avoir qu'une médiocre confiance dans la restitution que
Lollinj^ et Dittenberger ont proposée pour les 1. 67-68 ; mais, après examen
du marbre, je puis déclarer qu'elle ne prête à aucune critique; celle de la
1. 70 est certaine aussi; peut-être seulement, au début de la 1. 71, la lacune
après atpaTTiYÔJi étant un peu plus grande que ne la marqué LoUing, convient-
il d'écrire [y.at auvoîxjXêyjl; ajTOÏ? ztX.
2. Dittenberger, Sylloge 2, 929.
3. Ce point a été éclaire! plus haut, p. 6, note 3.
4. Inschr. von Priene, 109. J'ai déjà mentionné ce texte (ci-dessus,
p. 13), et fait observer qu' <av6>-G7:aTov, au lieu d'ii-axov, est dû à une
méprise du rédacteur du décret ou du graveur de l'inscription.
40 CHAPITRE PREMIER
dant le nom propre, à la mode grecque, celle-là lui faisant
suite, selon Tusage romain.
Ces trois textes sont, à ma connaissance, les seuls actes
publics d'origine grecque faisant mention occasionnelle de
consuls, où se rencontre le titre consulaire officiel (en même
temps d'ailleurs que celui plus court de sTpaTr^vôç). Dans toutes
les autres inscriptions appartenant à la même catégorie, les
consuls ne sont appelés que G-:px-r,^(oi ou JraTc.
Les décrets des villes d'Asie mineure datant du dernier
quart du ii* siècle les qualifient volontiers de jToaiYJYOt *- On
lit, dans le décret bien connu des Sestiens pour Menas (peu
avant 120) " : (1. 20-22) xa; -i Trpsîi^euç k^noiixzo -po6jixwç
(Menas) "îzpb: ts tijç a-:pxTr,^(o-jz toj; xzo7-t'KK0'^.vKu: ùtco
Pu)[Aaia)v S'.; t-Jjv Ao-îav y.3.\ tûj; -z[j-c\>.v/o'j: -pza'^t'j-i:; — . Les
T.pz(j^vj-xi ici mentionnés sont les dix commissaires du Sénat,
qui, de concert avec M". Aquillius, organisèrent la province
d'Asie 3 ; par suite, les G-px-r,ysi dont il est parlé auparavant
ne peuvent être que les consuls P. Licinius Grassus Mucianus
1. Mommsen ignorait cet emploi du terme «JTpaTrjyd; dans les inscriptions;
cf. Staàlsrecht, II ^, 194, 1 : « Als voile Titulatur des Consuls kommt arpaTr;-
yo; auf Urkunden meines Wissens nicht vor... » De même, Mentz (9; 12) :
« Vocaiiiium dTpaTTjYo;, çuod apud Polyhium saepe consulem significat, in
titulis hoc sensu non adhibetur. — Neqiie vox altéra a-pa-riYo'ç hoc sensu
unquam in titulis vei-satur, quare Polybium eani non e sernione legitimo
sumpsisse xed ipsum sibi finxisse censeo... » Cette opinion est erronée,
mais Mommsen et Mentz n'avaient pu connaître ni les décrets de Priène
ni celui de Bargylia. Magie, qui a repris leur doctrine à son compte (8), est
peu excusable d'avoir ignoré le dernier document, publié deux ans avant son
mémoire, d'autant que l'emploi de aTpatrpio'ç au sens de consul y avait été
signalé par Kornemann (5er/. philol. Wochenschr. 1905, 674; cf. Zur Gesch.
der Gracchenzeit, 55).
2. Dittenberger, Or. STr. mscr. 339. — Dans le décret des Amphiktions récem-
ment publié par G. Blum [BCH, 1914, 26-27), il ne paraît pas douteux qu'aux
1. 15-16 et 25-26, le titre de aToa-riyo'' désigne les consuls. Mais il ne s'ap-
plique point exclusivement à ces magistrats : les axpaTrjYOi mentionnés dans
ces deux passages semblent être tout à la fois et les consuls et les préteurs.
3. Pour cette interprétation, contraire à celle qu'a proposée Dittenberger
{ibid. not. 11), cf. P. Foucart [Mém. Acad. Inscr. XXXVII, i, 324, 2) et surtout
G. Cardinal! {Saggi offerti a G. Beloch : La morte di Attalo III, 307, 3): « visto
che prima degii ambasciatori sono ricordati i comandanti romani, io credo
che si alluda ai dieci commissari insieme coi quali M'. Aquilio regolo defini-
tivamente la provincia d'Asia. »
DOCUMENTS d'oRIGINE GRECQUE 41
(cos. 131), M. Perperna (cos. 130), et M'. Aquillius 'cos. 129).
Le décret des Priéniens pour Moschion (ap. 129) ' rappelle
ainsi l'arrivée du consul M. Perperna en Asie : (1. 223-225)
Tsu t[z a]TpaT"(^YSu 'Po)|j.x»j)v TrapavîvYjOévTOç û: Tr,v Aaïav \).z-oi.
Buva[J.£a)v '."-r/.ûv 'i xat 7:cu'//,wv Maapy.ou IlspTuspva Maap/ôu ubu
— . Celui des Bargyliètes pour Posidonios (ap. 127), où sont
rappelées quelques circonstances de la guerre d'Aristonikos,
désig-ne de la même façon le consul M'. Aquillius ^ : (a, 1. 13-
14) Mavbu T£ Ay.'jAAb'j toj 'Pco[J.a(wv a-poc-Tf'fo'j àvaî^£'j;avTsç £~[i]
Muaiaç TYJç 7.aA0'j;x;vY]ç 'A^[^]oii-iooq — ; (/>, 1. 31) [xai
— Mav{]o'j 'Ay.jAAiou (7-paT-/;Ysî3 — • Dans ce décret, cTpat-^YÔ;
répond si bien à consul que, pour désigner le légat consulaire
Cn. Domitius (a, 1. 16), on a fait emploi, comme il est arrivé
à Polybe en pareil cas, du terme àv-wTpaTrjViç ^•
Notons que l'usage est semblable s'il s'agit de gouverneurs
provinciaux. On dit couramment <j-py.rr,yo: au lieu de Gipx-T^'foq
àvOô-aTcç, tout de même que a-px--Q^(bq au lieu de jTpa-Yjybç
uTCa-oç. L'éditeur des inscriptions de Priène a très bien
observé que, dans nombre de ces inscriptions, 7-px-T,yb^ ne
saurait se traduire par praetor : c'est un titre attribué, quel
que soit son rang, au gouverneur de YAsia provincia '. Le fait
t. Inschr. von Priene, 108. La restitution, au commencement de la 1. 223,
demeure incertaine : j'avoue ne pas bien comprendre [k~£tT]a to'j •:[£ a]-pa.-
Triyou proposé par Hiller,
2. P. Foucart, La formation de la province romaine d'Asie (Mém. Acad.
Inscr. XXXVII, i), 327-32S. Cf., pour les 1. 13-20, 23-27 de la même inscription,
Dittenberger, Or. gr. inscr. II (add.), 551. Je me propose de faire une étude
nouvelle de ce document, dont la restitution est loin d'être partout satisfai-
sante.
3. Mém. Acad. Inscr. XXXV'II, i, 328, a.l. 15-17 : à-oX'.-o'vTO? Se (M'.Aquil-
lio) èv T^[i y(i)p]a avT'.'JTpâ"riyov Evaiov Ao[i.£T!Ov Fvaîo'j xa; Ttvaç Twv O'jva-
[tjiîajv] — . P. Foucart (ibid. 329: 330,1) a traduit deu.\ fois àvttaToàTT.Yo;
par « lieutenant », une fois (330) par « propréteur ». C'est certainement la
première interprétation qui est la bonne; cf. G. Cardinali, La marie di
Allalo IH, 317. Si avT'.T-paTTiyo; signifiait ici propraetor, il est clair que le
texte devrait porter tov àvTiaTpdcTrjYov. Pour l'usage semblable fait par Polybe
du même terme, cf. ci-dessus, p. 10, note 1.
4. Hiller von Gârtringen, Inschr. von Priene, 111, note à l'inscr. n. 98 :
« aipaTriYOç hier wie sonst nicht im Sinnevon Prâtor. sondern den Prokonsul
(c'est-à-dire le gouverneur de la province d'Asie) bezeichnend »; cf. p. 112,
note au n. 117.
42 CHAPITRE PREMIER
est que, dans certains décrets des Priéniens (du début du
1*'" siècle '), nous rencontrons, alternativement appliqués à un
même gouverneur, par exemple à C. Julius G. f. Caesar (pro
COS. Asiae c. 98-90) -, les qualificatifs d'àvOû-xToç et de cxpa-
T-rjvôç, ce qui ne permet pas d'hésiter sur la signification du
second. Ces deux dénominations sont tenues pour équiva-
lentes, et l'on désigne par l'une ou l'autre, indifféremment, le
magistrat préposé à l'administration de la province. Dans la
même série de décrets, en des phrases telles que celles-ci :
ù-îzooTiiJ.ifaxç [e'iç "Eçeœov CTro; vnù'/T,i xo)'.] (j-py.xr,^(m /.ta. — ; —
'/.où y.aTaTU£ip3£Çivtwv {se. -wv 3-/;[j.oau.)voJv = publicanis) àst -koxi
TO'j[ç] elç 'Afft'av £[(7T]a[AîJ.£viuç G-.]poi[-]rt^(0'jq, èvTu[7livTwv §è 7.«l
Tw', (j-par/;Ya)i Asuy.ion A£'j[/,]tAi(oi Asuy.bu [u'.]o)[i — — — ], on
ne doutera guère que atpaTYJYÔç doive encore s'interpréter par
1. Inschr. von Priene, 111 (décret pour Kratès);117 (décret pour Héraklei-
tos). Je transcris d'abord ce qui subsiste des 1. 14-16, 21-22 du premier décret :
(1. 14-16) — — T.^ôi Patov "Io'jÀiov FaLOu uîov zal | — — — — [anoojï](j.YÎ-
aaç Eiç nspYafiov è7:oir)aa-o | — — — loixz tov àvOûica-ov èriToEfat — —
(1. 21-22) [(JTpjaTYjyou Fafou 'lo'jXîou Taiou utoij | — — [xal taûrriv "Ttiv
7:]p£ajj£tav ÈTéXEasv Scopsav — — . On voit bien clairement que, dans les deux
circonstances ici rappelées, c'est à C. Julius Caesar qu'eut afl'aire Kratès, et
qu'ainsi ce gouverneur est désigné tantôt par le titre de oxpaxifiYOç, tantôt
par celui d'àv0u7:aTo:. Les 1. 115-119 du même décret suggèrent une remarque
semblable ; je les reproduis avec les suppléments que j'ai autrefois proposés
[BCH, 1907, 387) : — [;:]apa-/.aXù)v tov àvOûnaTov toïç tj-iv 'j7:Ô twv àXwvwv Xsyo-
[j.='voi; ar] -po<s\[éyv.y, à/.Épaia 8È àçjïvjai xwt 8rI[JLtoi xà TZoi-'fu.oLxi, [J.éy_pt àv
£;:tYvtoa£v xô zpiô/jaoïisvov u-sp | [aùxwv -IkÔ xfjç auY/])>i^'xoy, ïmiaiv X£ xôv
àv6'j:iaxov zal aùxô^ à::ocpr]vaa9ai, oxt ol'sxai SsTv 8ia ] [zaxiycCjGat xoù; xo'-jouç
u'^' Yjijiwv' TïàXtv xe xwv 8-^[Aoa[(ovwv [iiiaaa[j.£Vojv "/.aji) rpocjaYayov [ [xtov zaô'
rjULÔiv iy.£X£;]av xwi axpaxrjyôji zxÀ. S'agit-il encore dans ces lignes de C. Julius
Caesar ? Nous l'ignorons, mais il importe assez peu ; ce qui est sûr, c'est qu'il
est question d'un même gouverneur d'Asie, lequel, d'abord et par deux fois,
est dit àv9j;:axoç (1. 115, 117), puis qu'on appelle ensuite axpaxr,yd; (1. 119).
Passons au décret pour Hérakleitos. On lit aux 1. 13-17 : 'HpàxXstxov xôv [aèv
axpaxriYÔv — — — | xoiv 0£ '57]aoCTttJL)v(wv) 7:apaY£V0!X£[vwv] — — — | ao-
■/_dvxwv xwXuadivxfov | .[p!]av(?) xaî xpa'j;jLaxa /.où ço'vo'j; . . c — —
— I xou àvOu~àxou y.ax' aîxt'aaiv — — . Visiblement, c'est encore à un même
fonctionnaire, c'est-à-dire au gouverneur d'Asie, que se rapportent les deux
titres axpatrjYo'ç et àv9'j::axo; ; cf. le commentaire de Hiller.
2. Il n'est pas indifTcrent d'observer que C. Julius C. f. Caesar, qualifié à
Priène de axpa-Y)Yd;, s'est toujours intitulé lui-même procousiW pendant son
gouvernement d'Asie : Mommsen, Staatsrecht, II 3, 648, 1 ; cf. C/L, I 2, p. 199,
elog. XXVIII; BCH, 1899, 73, n. 16: 1905, IS.
DOCUMENTS o'ORtGlNE GRECQUE 43
« g-ouverneur » K Pareillement, comme on le voit par la sup-
plique des Technites dionysiaques de l'Isthme insérée au séna-
tus-consulte de l'an 112, Cn. Cornélius Sisenna, gouverneur
de Macédoine, recevait des Grecs, dans le langage courant, le
titre de G-po:vr,yb:, CTpa-'/JYÔç k[). Mav.coivi'xt -, bien que son appel-
lation officielle ^ — simpliliée à Rome en àwbùr^a-oq — fût cer-
tainement Q-pavCtYoz àv6J7:a-oç ^.
Par un hasard fâcheux, il ne nous est guère resté, je crois,
d'actes publics des cités grecques datant du ii® siècle ou du
commencement du i"'', oîi. dans le corps du texte, le titre
consulaire soit rendu par ij-iza-o:. Je n'en trouve à signaler
1. Inschr. von Priene, 124, 1. 6-7; 111,1. 135-136 (cf. 1. 142, 147); voir aussi
121, 1, 21-22 (mais, dans ce dernier décret, il est fait un abus singulier du terme
CTTpaTïiYo'i;, puisqu'on le trouve, à la 1. 23, appliqué même à M. (Junius D. f . ?)
Silanus, questeur de L. Murena).
2. Colin, Fouilles de Delphes, III (2), 79, n. 70 a = Dittenberger, Sylloge -,
930, 1.32-33 : — s;cItou aTpa(TTi)yoù â[jL May.£|[8ovtat rvaiou KopvriXi'oj StaÉvva]
(restitution de Dittenberger); cf. 1. 33, 34-35,37. Pour Texplicatiôn détaillée de
ces textes, et pou i l'interprétation de la phrase — è-E rvaîoj KocvriX-'ou Sialvva
axpaTïiYo[u] rj àvOuTTocTOu h.zï ûvtoç, voir les remarques que j'ai présentées
dans Rev. El. anc. 1917, 161 sqq.
3. La comparaison avec les fragments d'actes retrouvés à Delphes et signa-
lés plus haut (Colin, Fouilles de Delphes, III (2), 273, n. 248 a, 1. 1 ; cf. aussi
BCH, 1903, 168-169, 1. 1 ; ci-dessus, p. 17, notes 1 et 2) ne permet pas, je crois,
de douter que, dans la convention conclue à Pella par l'entremise de Cn.
Cornélius Sisenna (Colin, Fouilles de Delphes, III (2), 83, n. 70 b), il ne faille à
la 1, 3, suppléer [iwt oipaTriytiJi] àvÔLinâxwt Fvaiwt KopvTiXîwt Stasvvai; cf. Rev.
Et. anc. 1917, 159.
4. On remarquera que, dans le décret de Kyzique pour M. Cosconius, gou-
verneur de Macédoine (Cichorius, Sitzungsher. Berlin. Akad. 1889, 367,
1. 9-10), et dans celui de Lété pour M. Annius, questeur du gouverneur
Sex. Pompeius (Dittenberger, SyWojre-, 318, 1.13), le titre eu. Ma/.sSovi'at CTToa-
irjYÔ? (M. Cosconius), arpaTriyo; (Sex. Pompeius) peut sans doute être traduit
fort correctement par jaraefor, mais qu'il peut tout aussi bien être pris au sens
plus large de « gouverneur ». Même remarque pour le titre de aipaTriyd;
appliqué à M. Junius D. f. Silanus, gouverneur d'Asie en 76, dans un décret
de Mylasa (Le Bas-Waddinglon, III, 409). On s'est demandé (Waddington,
Fasles, n. 18; cf. Mommsen, Slaatsrecht, 113, 648, 1; 240, 5, s. f.) si ce titre
répondait au latin propraetor ou proconsul ; le plus probable me paraît être
qu'il ne répond ni à l'un ni à l'autre : il désigne simplement, comme le titre
solennel atpaTrjyoç avÔÛTiato;, le gouverneur romain de VAsia provincia. On
peut comparer l'emploi analogue fait du terme ^Tca-r;ydç par Strabon (III. 4.
20, 166), en parlant du gouverneur de Baetique (cf. Mommsen, Slaalsr. IP,
240,5), et par Plutarque [Ciin. 2), en parlant du gouverneur de Macédoine.
44 CHAPITRE pre:\[ter
qu'un, lequel provient d'Halikarnasse et remonte à l'an 131.
C'est une liste de citoyens, qui s'étaient cotisés pour fournir
l'équipage d'un vaisseau mis par la ville à la disposition de
P. [Liciniusl Crassus Mucianus (cos. 131), lorsqu'il vint en
Asie combattre Aristonikos, Elle commence par ces mots : (1. 1-
4) èTCi '.cp£0)ç BxaCheioou, 'EXsuôsptwvoç, oÏ[oe] -apay.A-/;6£v-sç èTrvjY"
YîfAavTî owpsàv ty] r.ôXti [rJ)V z]Xrjp(i)[<j]iv zf,q vtMç [""'/?] à~ZGXzK-
Aoyivr;; irpoç riû-Àtov <C OjaA. lap. > (Aix'/nov) Kpaaacv {i-a-ov^.
Voilà le seul exemple que je puisse citer. Mais la traduction
constante de consul par ij-izoc-oq dans tous les documents grecs,
à partir du courant du i^'' siècle, suppose d'innombrables pré-
cédents. Au reste, nous venons de voir que, dans des décrets
rendus à Priène au début du même siècle, le g-ouverneur de la
province d'Asie est à diverses reprises appelé âvGÛTCaToç (en
même temps que G-pocrri'-(ôq) ~', ceci implique l'usage parallèle, à
la même époque et dans les textes de même nature, d'JTra-roç
(en même temps que de <:zpa-r,-{zç) pour désigner le consul •''.
1. CIG, 2501 = Wilhelm, Wien. Jahresh. 1908. 69, n. 6. Le texte est
ici donné avec les corrections excellentes d'Ad. Wilhelm, qui a déterminé
l'origine et la date du document. A la 1. 3, c'est par erreur, comme l'avait
déjà vu Galland,que le marbre porte IldrX'.ov OùaX. Kpàaaov : il y a eu confu-
sion entre P. Licinius Crassus et L. Valerius Flaccus,qui furent l'un et lautre
consuls en 131. — Sur les circonstances historiques auxquelles l'inscription
fait allusion, cf. G. Cardinali, La morte di Allalo III, 312-313. — Le décret
d'une ville lydienne inconnue, voté probablement en l'honneur d'Antipatros
de Derbé, (ju'ont découvert J. Keil et A. von Prenierstein {Denkschr. der
Wien. Akad. LIV (1911), Ber. ûher eine ziueite Beise in Lydien, 135, n. 248).
contient à la I. 2, les mots : — 's'aTTiasv zacdvTwv zal twv GraTtov. Mais ce
document ne paraît pas antérieur au milieu du i'"' siècle.
2. Insclir. ron Priene, 111; 117 (textes cités ci-dessus). Il n'y a rien à tirer
du décret de la Confédération des Magnètes [IG, IX, 2, 1104), où se lisent, à
la 1. 20, les mots xov àvO'J7caT[ov] ; ce texte peut appartenir à une période
avancée du i'' siècle. Même observation pour le fragment trouvé à Paphos
{Journ. Ilell. slud. 1888, 247, n. 91), qui contient, à la 1. 3, le mot [àv]0u7:aiov.
3. Il est curieux de trouver la double désignation d'un consul par arpaxiriyo;
et par uTraxo;, jusque dans un document de l'époque de César. L'acte,
qui porte dans Josophe [Ant. Jud. XIV. 10. 14, 231-232) le titre inexact de
tJ/TÎçiajxa AriXttov et qui est en réalité un y priUaitatAo; des stratèges athéniens
(cf. Plassart, Bev. Biblique, 1914, 533-534), contient ces mots: ■ — tojtoi;
'Iou8a!o'.: -oÀixat; 'Pdjaaiojv) arjosl; svo/Xt) rspî arpar^ta;, 8'.à xô tov
{iTtaTov Aojziov Kopv7]Xcov AÉvrXov ostaioatuLOvta; v/v/.a a-oî.sXuy.évat toÙç
'louûaLou; zf^ç aTpaTSt'a;" 8tô :z£i0ca6at rjp.à'i; od t«3 a-paTrjyw. On voit queles
titres u:iaTOç et aTpaxYjYdç^s'appliquent l'un et l'autre au consul L. Cornélius
Lentulus (Crus^ (cos. 49).
LE TITRE DU CONSUL CHEZ POLYBE 4S
Peut-être vaut-il la peine d'indiquer que l'habitude d'em-
ployer isolément les termes aipaTrfp? et J-aToç (ou (/.i^'jt.x-.zz)
a fini, à la longue, par faire perdre à certains lintelligence
des anciennes expressions composées ffTpa-:r,Y'o; 'J~x-oz, ^-pocrr,-
ybç àvQJza-:i;. Une preuve intéressante s'en trouve dans une
dédicace g-ravée à Kypre, dans le sanctuaire d'Aphrodite
Paphienne, en l'honneur d'un gouverneur de 1 île, L. Coelius
Tamphilus (?), du reste inconnu. On a voulu joindre au nom
de ce magistrat 1 appellation antique et complète de sa fonc-
tion, mais on n'y a que fort mal réussi. Le rédacteur de la
dédicace, trompé par l'usage courant, voyait dans les mots
cTpaiYJYbç àvOj-a-;ç, non les deux éléments d'un titre unique,
mais deux titres distincts ; c'est pourquoi, au lieu de les jux-
taposer, il les a gauchement rattachés par une copule; de plus,
il en a interverti l'ordre normal ; bref, il a abouti à cette
monstruosité : 'A(iipozi-r,i llasiai -q ttôaiç r, Raç/iojv Aejy.iov
KotAiov Tàpsivov (?), -bv àvôÛTcatov /.ai ff-par/JY^v '.
IV. — Le titre du consul chez Polybe.
Dans la recherche que nous poursuivons, nous n'avons exa-
miné jusqu'ici que des documents — actes publics ou inscrip-
1. E. A. G(ardner) — D. G. H(ogarth), youra. Hell. stud. 1888, 243, n. 68 i.
Cf. Groag, P-W, IV, 198, s. v. Coelius, 26. La correction TajxçtÀo;, proposée
par les éditeurs, l'est aussi par Groaj^. Il n'est pas tout à fait sûr que L. Coe-
lius commandât en Kypre; peut-être faut-il voir en lui un gouverneur de
Cilicie, l'inscription pouvant être antérieure à la constitution de la pro-
vince insulaire. Nous manquons du reste de toute indication sur sa date ;
la forme des lettres, telle quelle est donnée par les éditeurs, permettrait
de la rapporter au ii' siècle, auquel elle ne peut cependant point apparte-
nir. — Du titre bizarre àvGj-axo; /.al aTpaTTjydî attribué à L. Coelius, on
rapprochera celui de aTpa-Tiyô; <;y.al>> iJra-oç attribué à César dans la lettre,
déjà citée, de « Julius Caius » (?) aux Pariens (Joseph. Ant. Jud. XIV. 10. 8,
215). Le /■■xi, que Niese supprime avec raison, est dû à quelque interpolateur
qui, ne comprenant plus le titre consulaire solennel (atpaTTQyo; u;:aio;)
donné à César par l'auteur de la lettre, sera tombé dans une erreur pareille à
celle du rédacteur de l'inscription de Paphos. Il se peut d'ailleurs que l'erreur
ait été facilitée par la création, v^ers la fin de l'époque républicaine, de ces
titres grecs de promagistrats, qui comportaient deux substantifs unis par une
copule, par exemple, -ix^iaç /.ai àvTtaTpâTTjyo;, -ps-jjSsuT)",; /.al àvT'.aTpâTr,Yo;,
etc.
46 CHAPITRE PREMIER
lions honorifiques — qui nous sont parvenus sous forme lapi-
daire. Un écrivain doit maintenant retenir notre attention,
c'est Polybe.
Polybe est le plus ancien auteur g^rec, à nous connu, qui ait
traduit les titres des mag-istratures romaines. 11 est vraisem-
blable à première vue, qu'en les traduisant il s'est conformé
à l'usage ordinaire de ses contemporains. Son ouvrag-e, on le
sait, fut composé durant le second tiers du u^ siècle, c'est-à-
dire à l'époque même où l'on grava la majeure partie des
inscriptions que nous avons étudiées. Il vaut la peine de véri-
fier si, dans la traduction du titre consulaire, il y a concor-
dance entre ces inscriptions et les Histoires de Polybe.
Observons d'abord que Polybe connaît très bien l'expres-
sion composée 7-pa.-r,Yoz 'j-xioq. Seulement, il ne s'en est
presque jamais servi. Dans la partie conservée des Histoires,
on ne la rencontre qu'en deux passages ^ dont il sera reparlé
tout-à-l'heure.
Partout ailleurs, soit dans ses narrations, soit dans ses con-
sidérations politiques, Polybe donne aux consuls ou le titre de
arpar^Y^? °^ celui d'uza-co;. 11 s'exprime donc comme s'expri-
maient, en Grèce, les rédacteurs d'actes publics, lorsque,
dans ces actes, ils ne faisaient que mention occasionnelle de
consuls.
Ici se pose une question. Ces deux titres, GipoL-r,yôq, uTuaTOç,
Polybe s'en sert-il indifféremment et sans choix, ou bien fait-
il de l'un et de l'autre un usage réfléchi et attribue-t-il à cha-
cun une signification déterminée ? La seconde opinion est celle
qui prévaut aujourd'hui. Mentz, Hultsch, Bûttner-Wobst ^
sont d'avis que, pour Polybe, G-px-r,'{bq est le consul chef de
guerre, investi de Vimperium militiae, j-ats; le consul
« magistrat civil », exerçant Vimperium domi. Mentz s'ex-
1. I. 52. 5; VI. li. 2. On a dit souvent (voir, par exemple, Mommsen, Ges.
Schriflen, VIII, 260), mais à tort, que Polybe avait employé trois fois la
locution aTçaTr,YÔ; jTzaTO;. Le troisième passage allégué (XVIII. 46. 5) n'est
que la reproduction d'un document d'origine romaine : la proclamation faite
aux Isthmiques de 196.
2. Mentz, 11-13; Hultsch, préface du t. II de son édition de Polybe (1^2),
xii-xv ; Bûttner-Wobst, 167-168.
LE TITRE DU CONSUL CHEZ POLYBE 4/
prime en ces termes :«.... u-x-o'. consules appellantur a
populo creati et in Urbe versantes, <jTpa--/;YOi vero cum impe-
rio militiae ad bellum profecti i. » Cette remarque est vraie
d'une vérité générale ; mais la forme qui lui est donnée est
trop absolue. Il s'en faut que la distinction entre •Jr.y.-.o- et
Qxçy.-r^-(bz soit, chez Polybe, aussi précise que Mentz le prétend.
J'ai fait le relevé de tous les passages des Histoires où sont
mentionnés les consuls. Voici les résultats les plus importants
de cette laborieuse enquête. — Polybe désigne constamment
la magistrature consulaire (le terme jr.xxzia n'existant point
encore) par la locution uTraTs; ^p'/J,- H donne le titre d'j::aTct
aux deux premiers consuls institués après la chute de la
royauté ~. Devenir consul se dit habituellement chez lui
Xa[jL^âv£tv (-otpaAa[j,,3av£tv) rJjv uTiaxov cçiyr^i ^ \ être élu consul,
uTca-oç y.aOïaxaffOai ^ ; exercer le consulat, Tf,v 5-aTov ipyrtv
e-/£'.v •'. Il ressort de là qu'j-x-oç est l'appellation régulière du
consul *^, celle qui lui est attribuée dans les circonstances nor-
males, c'est-à-dire en temps de paix et quand il réside à
Rome. — Au contraire, le consul chef de guerre est appelé le
plus souvent irpaTr^vb; 'Po);xa'!a)v, twv P(x)[J.3:'1ojv o-poi.--Q'(zç,
ou, absolument, jxparrjYÔ^ ^. C'est pourquoi, dans un chapitre
1. Mentz, 12. Cf. Hultsch (.\ii-xin, xiv), qui s'exprime avec plus de
réserve.
2. Pol. III. 22. 1 : — Aïuxiov loûv.ov BpoyTOv /.al Map/.ov 'QpaTtov, toj5
'poiTO'jç zaTaataôivTa; 'j-àxo'j; [a-srà Tf;V xoJv pajiÀiwv /.aTOÎÀuŒtv.
3. PoL III. 40. 9; XXII. 3. 2; XVIII. 42. 1, etc.
4. PoL I. 16. 1 ; II. 31. 8: 34. 1; III. 22. 1; 75. 5; XVI. 24. 1; XVIII. 11. 1 ;
XXXV. 3. 7, etc. ; — XI. 33. 8 : tj Èv 'Pw[xr) zaTàaTaa-.j xwv u;:âxwv. On rencontre
aussi (VI. 19. 1) i-ooef/.vûva'. xoù? (j-xto-j;.
5. PoL II. 11.1; VI. 19. 5;2L4;XXI. 8. 1. On trouve aussi (III. 106. 2)
Oxap/ovxs; (7cpo'j7:ap/ovx£?) ujcaxot et (III. 116.11) yeyovdxss uîiaxoi.
6. Cf. III. 87. 7:6 oh Stxxdcxwp xajtrjv v/si xrjv otaçopàv xCJv G-âxcuv xxX. ;
VI. 11.12; 12. 1 ; 13. 8, etc. — On sait que Polybe a quelquefois appelé le consul
àpywv (I. 24. 9; 3S. 6; 39. 1 ; III. 109. 1; XXVIII. 16. 4), mais ce terme semble
n'avoir que le sens de» magistrat suprême ».
7. Notons aussi 6 'Pwaaîwv oxpa-uriyd; (XXX. 25. 1). Le nom du consul
précède ou suit le titre : par exemple, ô oxpaxiriyôç xwv 'Pwij.aîtuv nd:iXto;
KXajoto; (I. 49. 3) ; IldîîXio; — ô xtov 'I-*aj[i.aîtuv axpaxïiYo's (I, 50. 1) ; rvaïo; ô
<JxpaTr)Y6; xcov 'Pwixat'cov (XXI. 37. 1); o axpaxYiYÔ; 4>Xajj.îvto; (II. 33. 7); rvatoç
ô axpaxr,Yd? (XXI. 39. 7). 11 faut d'ailleurs prendre garde qu'il y a souvent
équivoque sur la signification de arpax/iY^ç, le terme pouvant être traduit par
48 CHAPITRE PREMIER
bien connu du 1, VI (15), le titre de (jTparr^Yi; (13. 6; 15. 8,
15. 11) remplace celui d'uTraxoç (15. 2) dès qu'il est parlé du
consul faisant campagne ; c'est pourquoi, lorsqu'il mentionne
l'envoi des consuls aux armées, Poljbe se sert volontiers de
la locution toùç (jTpaTVJYOÙç (sva xwv orpzr/jYwv vel similia) àzo-
ffxéAAs'.v, â^a-oa-iXXstv, r/.-ÉixTustv, Qiy.rA\j.T:tvi {vel similia) ' ; c'est
pourquoi l'on voit se succéder les deux termes ù~i-o'.jç et ffxpa-
-y;Y='^Ç dans la phrase suivante, dont la rédaction paraît d'abord
un peu étrang-e : (I. 16. 1) y.aTaaTYjaavTî^ ÔTtiTOJç Mavicv '0~xy.i-
/aov y.al Mâvicv Oja/.ip'.cv 'ziq xe S'jvâ[j.£',; xt.xz-jl: âçazsaxcAXîv xa\
xoùç (7xpxx'/)Ycùç àiJ.six£po'j(; elç xy]v Zi/sAïav ; c'est pourquoi,
enfin, a-p3L-r,^{îX^ signifie « être consul » quand il sag-it d'un
consul commandant d'armée ~.
Mais ce sont là de simples habitudes de langage : elles
n'ont rien de rigoureux et souffrent quantité d'exceptions. La
nomenclature de Polybe ne vise pas à une exactitude stricte
et ne connaît pas de règle fixe; les inconséquences v sont fré-
quentes. En nombre de cas, les deux appellations u-axcç et
axpaxr^Y^ç sont employées l'une pour l'autre dans la même
acception.
Il arrive, en effet, que les consuls, même résidant à Rome,
soient qualifiés de a-px-ri^oi ^. Le verbe jxpax-/;Y£^v peut être le
« général » aussi bien que par « consul ». Ajoutons que arpaTri-'d; s'applique
quelquefois, non au consul, mais au proconsul, c'est-à-dire soit au consul
prorogé, soit au particulier investi du consiilare imperium; voir notamment
1.34.8; 34. 10 et 12 (M. Atilius Regulus, cos. 256; pro cos. 255); III. 97. 2
(P. Cornélius Scipio, cos. 218; pro cos. 217); X. 17. 6; 34. 1; 40. 5 (?) (P. Cor-
nélius Scipio (Africanus) envoyé en Espagne en 211, avec les pouvoirs de pro-
consul); XXXVIII. 20. 1 ; 20. 5; 20. 7-8 (P. Cornélius Scipio (Aemilianus),
cos. 147; pro cos. 146).
1. Fol. I. 39. 8; 41. 2; 61. 8; VI. 15. 6; XXXV. 3. 6. Je dois iaire observer
que, dans la phrase souvent citée (I. 11. 3) : -po/sipuâLievot rôv âtîpov xôjv
•jTiâxwv aipaxr,Ydv, "A~7:'.ov KàsjO'.ov, â?a;:lai£tÀav — , le mot axpaxïiydç,
comme le notait déjà Schweighâuser (Lex. Polyb. 567), n'est pas un titre
de fonction, mais un nom commun, ayant le sens de « général en chef».
2. Pol. III. 114. 6; XXI. 29. 11 : Mâpzou (M. (Fulvius Nobilior), cos. 189) —
xoS xdxE axpaxTjYo^vxoî. — Dans X.XXV.4.2 : xou — Ko''vxou (Q. (Fulvius Nobi-
lior), COS. 153) — orxpaxrjyrlaavxoi; âv 'ipïjptx, le verbe axpaxrjyeiv doit se tra-
duire par« exercer le commandement ».
3. Pol. I. 7. 12 (?); 11. 2 (les mêmes consuls sont appelés Ci-axo'. aussitôt
après : 11. 3) ; cf. XXIII. 1. 8 : 2. 9 : XXX. 18. 1 ; XXXV. 4. 14 (toutefois, il y a
LE ïtTRE DÛ CONSUL CHEZ POLYBË 49
simple équivalent de ty;v u7:aTov àp^vjv ïyj.i'f '. On trouve, appli-
quées aux mêmes personnages ^, les expressions oi xpouTrapyov-
Ts; 'jTra-îi (111. 106. 2), oî tw -pixspov stsi CTTpafOYCJV-csç (114.6),
0'. Tb TîpÎTspov £To; G-a-oi YsyoviTs; (116. 11). Et si, parlant des
élections consulaires, Polybe fait volontiers usage de la locu-
tion xaOïJxava'. u-aTou;, il n'est pas rare de rencontrer dans son
texte xaôiaTcicvat (7-:py.Tr^-(oùq ^. — Inversement, le consul chef de
guerre est dit, à mainte reprise, u-a-^;; au lieu de arpat-^Y^? ^•
J'ai noté plus de trente passages qui offrent cet emploi d'uTuocTcç.
On peut observer, par exemple, que, dans les chapitres où
sont résumées les opérations de G. Atilius (Regulus) (cos.
225) en Sardaigne et en Etrurie, ce consul reçoit trois fois le
titre d'jTraTiç, une seule fois celui de Gxpa-rt^bq '•' ; que C. Ser-
vilius (cos. 217), qui fait campagne en Etrurie, est appelé
d'abord uTcaxoç et seulement ensuite a-pccz-q^bç^; et que les
deux titres sont donnés tour à tour, dans les chapitres relatifs
à leur expédition d'Afrique, aux consuls de 149, M'. Manilius
et L. Marcius Censorinus ". J'ai signalé plus haut l'usage de
quelque doute sur le sens de aTpaTïiYo; dans ces quatre derniers passages ; il
se peut qu'il y soit question de préteurs ou de préteurs et de consuls).
1. Par exemple, dans II. 21. 7, où il est parlé de M. (Aemilius) Lepidus
(cos. 232). En revanche, on ne trouve qu'un seul cas où aTpaTTiY''a remplace
ÛTzaxoq apyi^' (XXIX. 7. 5). Encore ce cas est-il douteu.\ : il se peut que axpa-
TT)Yta signifie là « prise du commandement en chef ».
2. M. (Atilius) Regulus, Cn. Servilius, coss. 217.
3. Pol. I. 17. 6; 20. 4 ; 39. 15 ; 59. 8; III. 106. 1 (atpeïaOat et y.aOtcjTavat arpa-
-rriYoû?).
4. Cf. Hultsch, xii-xin : << ... cum iisdem (consulibus) imperium mili-
tare delatum est, non desinnnt qaidem îi^aTot passim dici, sed proprie
iam CTirpaTiriYOt appellantur. »
5. Pol. II. 23. 6 ; 27. 1 ; 27. 3 ; 28. 10.
6. Pol. III. 86. 1; 88. 8.
7. Pol. XXXVI. 3.9; 5. 8; 6. 1; 6. 3; 6. 5; cf. 11. 3. — Le titre d'urarog est
aussi attribué à L. Scipio età Cn. Manlius pendant leurs campagnes d'Asie
(XXI. 10. 7 ; 24.9), à A. Hoslilius et à Q. Marcius pendant leurs campagnes de
Grèce (XXVII. 16. 2; XXVIII. 16. 3; 16. 6). — Noter, d'autre part, la phrase
(II. 11. 1) : Tôjv Ta; uTuâtouç àpyàç èydvTojv rvaïo; [j.£v «to'Xoutoj (Cn.
Fulvius (Centunialus)cos. 229) èÇsTiXet — AuÀoç 5è TloaToù^uoi; -à; T^srizà; 'éywv
Suvàjj.£[ç iÇwp;j.a (A. Postumius = [L.] Postumius (Albinus) cos. 229). On lit
au contraire (XXXVI. 3. 9) : toùç (jTpaTr,Yoùç wpji.Yiy.dTa; ^sza. tôjv ouvaaewv ,
— Dans XXVII. 16. 2, le titre ô ■jT:aTo; iwv 'PwjAai'wv donné à A. Hostilius fait
HoLLEAUx. — ilTpaiTiYÔç u;:aTO;. 4
50 CHAPITRE PREMIER
la locution -oùç aT:px-T,yoh^ àTcca-riXAsiv, £;3fn;c(7TSA).îiv, etc., lors-
qu'est mentionné l'envoi des consuls aux armées ; mais il faut
reconnaître que ï\x-o'j^O.Ki'.v {vel simile) toj; û-iToyç n'est
guère d'un emploi moins fréquent '. Remarquons enfin que,
dans la partie du 1. VI qui traite de re Romanorum militari,
le consul, représenté pourtant dans l'exercice de Vimperium
mililiae^ est, contre notre attente, appelé 'jizxzo: presque aussi
souvent que cTpaf/JYiç "• L'examen des textes n'autorise donc
ici que des conclusions réservées. Il est incontestable que
Polybe applique de préférence la dénomination de a-ç>a-T,-{bq
au consul « chef militaire », et celle d'u-axcç au consul
« magistrat civil » ; mais ce qui est certain aussi, c'est qu'en
mainte occasion il brouille les deux titres, les tient pour
synonymes et ne fait point entre eux de ditrérence. Son usage
est alors conforme à celui des chancelleries grecques qui, dans
la pratique courante et rjuand elles ne donnaient pas au consul
son titre solennel, l'appelaient indilFéremment, semble-t-il,
(j-pa-r^Yû; ou j-rraTo;. Il est évident que, bien souvent, Polybe
n'a été guidé dans son choix que par le désir de « varier son
langage », « variandi sermonis studio », comme dit Hultsch '^.
Et tout porte à croire que c'est simplement la même recherche
de variété qui, dans nombre de cas, fit écrire, en Grèce, aux
rédacteurs de décrets tantôt \J::x-ùq et tantôt cTpaTr^voç '*.
exactement pendant à ô (jTpaTTjyô; twv 'Pwaat'wv, ordinairement employé
quand il s'agit d'un consul en campaj^ne.
1. Par exemple, Pol. II. 23. 5; III. 107. 7; XVIII. 12. 1; XXV. 4. 1 (à::oaToÀ>|
TÛv ^"aiwv), etc.
2. Pol. VI. 31. 2: 31. 3; 32. 6; 32. 8 : 34. 5; 37. 7 (uTuaTOç); — 27. 1 ; 33. 12:
35. 2 ; 33. 3; 39. 2; 39. 6; 39. 9; 40. 2; 41. 2; 41. 6; 41. 7 (aTpar/iyd;) .
3. Hultsch, .\iv.
4. Cf. ci-dessus mes observations sur les décrets de Priène pour Kratès et
pour Héraklcitos, où l'on voit alterner, sans aucun motif discernable, les
termes av9J7;a-oç et arpaTïjyo'ç. Même remarque au sujet de la lettre des stra-
tèges athéniens '.Joseph. Ant. Jud. XIV. 10. 14, 232), qui donne au consul L.
Cornélius Lenlulus (Crus"! d'abord le titre d'y~aToç, puis celui de orpa-TjYo;.
— Il se peut d'ailleurs que, comme Polybe, les rédacteurs de décrets aient eu
quelque préférence pour (nriatïjY'iî quand il s'agissait d'un consul chef d'ar-
mée ; la présence de ce titre dans les décrets de Sestos pour Menas, de Priène
pour Moschion, de Bargylia pour Posidonios (cf. ci-dessus, p. 40-41) serait
favorable à cette opinion. Mais on remarquera que, dans le décret précédem-
LE TITRE DU CONSUL CHEZ POLYBE 51
Ajoutons deux remarques. — Polybe, qui emploie si fré-
quemment ■^r.ci-zq au sens de consul, ne s'est pourtant jamais
servi ni du verbe br^oL-eJeiv, ni du substantif 'j-a-dcc, ni de l'ad-
jectif u-aTiy.ôç. Il ignore ces néologismes, preuve manifeste qu'à
l'époque où il écrivait, ils n'étaient point entrés dans la
langue et que le mot 'j-azoç ne leur avait point encore donné
naissance'. Le fait n'est pas sans intérêt : la non-existence de
ces dérivés est le signe que le titre d'uTratcç, donné au consul,
n'était point lui-même fort ancien. D'un autre côté, une par-
ticularité montre combien était ordinaire, au temps de Polybe,
l'usage de cTpaT-r^viç comme équivalent de consul. Voulant
désigner clairement le préteur, appelé aussi cTpxT-/;Yi; et qu'il
lui arrive parfois de nommer de la sorte ^, il a risqué, sans
doute à 1 exemple de beaucoup d'autres 3, l'expression a-parr,-
ybc Éça-ÉXîy.'jr, souvent simplifiée en l;a-£A£/cuç^. C'est donc
que le consul était regardé comme le (jTpaTrffcç /.a-' klcyr^'^ et
que a-poi-:rj-(6ç, employé seul, signifiait naturellement consul^.
ment cilé d'Halikarnasse (ci-dessus, p. 44), P. Licinius Crassus, qui vient
combattre Arislonikos et qui est l'un des arpatriyoî du décret de Seslos, est
appelé ii-aToç. Au contraire, L. Calpurnius Piso (ces. 139 ou 133) est qualifié
de !JTf-aTr|Yo; dans la sentence des Magnètes (1. 20 ; cf. ci-dessus, p. 39), bien
qu'il réside à Rome. Je rappelle que le même titre de QXpi-r,-^oi est donné aux
consuls (et aux préteurs) présents à Rome, dans le décret amphiktionique
(BCH, 1914, 26) récemment découvert à Delphes.
1. D'après les relevés de Magie (75-76), les premiers auteurs qui en offrent
des exemples sont Diodore et Denys. Magie (9j fait observer qu en dehors du
monument d'Ancyre, le terme 'j7Z7.-doi ne se rencontre que dans les inscrip-
tions « aetalls infimae » ; mais il faut prendre garde que, dans les inscrip-
tions, on n'avait presque aucune occasion d'en faire usage.
2. Par exemple, III. 85. 8; 118. 6; Vil. 3. 1 ; XXI 10. 4; XXX. 4. 4; 22. 1 ;
XXXVI. 4. 4; 4. 6; 5. 8.
3. Mommsen a d'abord pensé que cette expression avait pu être imaginée
par Polybe (Ges. Schriflen, VIII, 261); il a plus tard admis, avec plus de
raison, qu'elle pouvait traduire une locution populaire (Staatsrechl IP,
19", 5). Il est, toutefois, douteux que Polybe ait traduit par éÇa-ÉXê/uç,
comme le suppose Mommsen, le terme latin sexfascalis, puisqu'on n'a pas
d'exemple de ce terme avant le Bas-Empire.
4. StpatTiYÔ? éÇaziXr/.y? : Pol. III. 106. 6 ; XXXIII. 1. 5 ; — â^aniXszj? : II. 23.
5; III. 40. 11 ; 56. 6. On rencontre aussi ÔT^IJ^^^' îÇa"iÀ£/.Jï : II, 24. 6; III. 40. 14 ;
É;a-ÉXcX.'j; ^y/i\ (par opposition à J-axo; àp'/Tf) : III. 40. 9. Cf. Mentz, 27-30.
5. Rappelons, à ce propos, que Polybe se sert du mot «v-tarpaTr-iyoç pour
désigner le légat consulaire ou le général subordonné au consul : XV. 4. 1 ;
III. 106. 2 ; cf. ci-dessus, p. 10, note 1.
o2 CHAPITRE PREMIER
— Ces deux remarques s'accordent bien : elles donnent à
penser que, dans la langue usuelle, le terme communément
adopté pour désigner le consul fut d'abord aTpaxYJYîç et
qu'uTuaxc; est une appellation plus récente.
Venons-en maintenant à ces deux passages des Histoires
où se trouve l'expression composée a--pa-ï;Yoç u-a-zz. Il les
faut citer l'un et l'autre.
1°) VI. 14. 1 : Ti? ojx av î'r/,s-(oç ï~lQ^-.r^'j^lt r^ziy. y.xl tiç tco-'
àffxlv -^j Tw 0ViJ.<[) xa-:aAst':ro[j.£v/; y-spiç èv tw TroXiTSÛjj.a-i, (2) t^ç |ji.£v
(juY^^^'ô"^'^ "^'^'^ "/axà [Ji.c'poç wv £'tprj7.a[jL£v xuptaç ÛTCap^cjo-'/jç, to os
jA^yw^s^j ûtc' OL'j-fiq xal tï;ç c'.o-iocu y.al t-?;ç è^iocu '/£ipuc[;.£v/;ç
âzâaïjç, TÔv c£ G--parr(Ywv ÛTcdcttov TîaXiv aÙTOxpàxopa [aèv èy^ôvTWV
S'Jvai;.iv TTEpi xàç xou TToAéfxou TCapaay.Euxç, aù-oxpaxopa âè x-/)v èv xoîç
ÛTiaiOpoi; È^ouffiav xxX. //^aec cum iVa smf, quis non çuaerat hic
meriio, quae et qualis pars rei puhlicae curanda populo sit
relicta ? [2) senatu quidem de singulis eoriim, quae diximus,
auctoritate sua decernente, et, quod maximum est, de rediti-
bus aique impensis omnibus statuente, consulibus vero et in
urbe cum summo imperio hella apparanfibus, et militiae item
cum summo imperio gerentihus cet. — Dans ces lignes,
Poljbe, résumant ce qu'il a précédemment développé, marque,
en termes brefs et forts, la part d'autorité qui, dans l'Etat,
revient soit au Sénat, soit aux consuls. A la puissance du
premier il compare et oppose l'autorité des seconds, et veut
en faire sentir toute l'étendue. Visiblement, c'est bien ici le
cas de donner aux consuls leur titre officiel et complet, celui
qui exprime pleinement l'amplitude de leur magistrature ^ Si
donc, par une dérogation à ses habitudes qui, d'abord, paraît
singulière, il les qualifie de atpax-/;YC' uTraxc, il n'y en a d'autre
raison sinon que telle est, en effet, leur plenior appellatio,
comme dit Mommsen-, leur appellation solennelle.
1. L'explication, subtile et forcée, proposée par Hultsch (xiv) et Biitt-
ner-Wobst (168), pour justifier l'emploi fait de aTpairjyol u-axoi en ce pas-
sage, me paraît tout à fait inadmissible.
2. Mommsen, Ges. Schriflen, VIII, 260. — Noter la remarque que faisait
déjà Schweighâuser {Lexic. Polybian. 566, s. v. aTpairiydç) : « In Romanarum
rerum historia, HTpairiYoç est consul, praecipue ubi junguntur duo vocab.
a-pa~r)YÔç unaxo?... »
LE TITRE DU CONSUL CHEZ POLYBE 53
2°) I. 52, 4 : o'j \>,r,v ol Y^ 'Pco[ji.afo'., -/MTizp TOtO'j-wv (sul).^^^r^-
xÔTwv, 5ià TYjv ÛTcep Twv oXcov 5iAoTi[;.{av cùSèv àicéXstTov twv èvSe-
70!J(.£vo)v, à/.X' e'.'^^ovTO TÛv iç^;; rpaYl^-axcùv " (5) Sto xat auvà'J^avTOç
TOJ y.aTà tàç àp'/aipstr'la; -/pivcu, ffxpar/JYOÙç ÛTrairsuç xaTaffr/juavTcç,
TrapauTiy.a tov £Tîp:v xjtwv s^£-£[j.7rov As'jy.isv louvicv, tx? t£
o-iTapy^taç -apay.oiJ.iÇovTa tcîc to AiX'Jpaicv xcXiopy.^uai xtÀ. Nihil
tamen Romani hac tanta clade sunt deterriti, quo minus
omnia pro viribus experirentur, ac rerum dehinc agendarum.
curara sediilo capesserent : tanto ardehant suinmae rei ohti-
nendae studio, [o) Igitur appetente comitiorum tempore, e crea-
tis consulibus alterum, L. Junium, mittunt, qui obsidentibus
Lilybaeum annonam deferret cet. — Il s'agit en cet endroit
des événements qui suivirent la bataille de Drépane. Polybe
fait voir, non sans éloquence, quelle fut la fermeté des
Romains au lendemain de leur désastre. Son récit est écrit
d'un style très soutenu, convenable à la gravité des circons-
tances relatées. Par là s'explique l'emploi de l'expression
ïTp3crr,Yoi jzaToi', qui n'est encore que l'appellation solennelle
des consuls, naturellement amenée ici par l'allure et le ton de
tout le morceau.
En somme, il résulte simplement de la lecture de Polybe
ce qui résultait de l'étude des inscriptions que nous avons
examinées en dernier lieu. Au cours du ii® siècle, les consuls
étaient officiellement désignés par le titre de a-p^x-r^■^(o\ J-aTci ;
mais, dans le langage courant, on les appelait plus brièvement
ou G~py.~r,'^oi ou \j-Oi~ci.
Selon Mommsen, c'est à l'exemple de Polybe que, seuls
parmi les écrivains grecs des temps postérieurs, Denys et
Plutarque, qui à l'ordinaire appellent les consuls jz-zto'.,
auraient fait usage, le premier une fois, le second trois fois,
1. L'emploi de cette expression à cette place est manifestement intention-
nel. Ailleurs (l. 11. 3), Polybe écrit : -po/stptaâaEvoi xôv étsoov twv u-ârwv
a-pa-YiYov, "A;:-;ov KXaûStov, £;a:;£aTE'./.av /.EXêJiavTs; xxX. ; et, dans un cha-
pitre voisin (I. 16. 1), il fait encore usajïe dun tour analogue : xarajxr^aavuc;
•jT^aTO'j; Mâvtov "OtaxîX'.ov xa'. Mâv.ov OùaXÉotov — i^a-S'JTsXXoy — toj? 3tpa-
Triyoù; aa-ioripouç v.ç trjv Sr/.^Xîav. C'est sûrement à dessein que, dans le pas-
cage transcrit ci-dessus, il s'exprime d'autre sorte et rapproche aioaTYiYOj; et
54 CHAPITRE PREMIER
de la locution arpaTr^yo; oTCaxoç '. Je doute, à vrai dire, que,
dans les quatre passag^es allégués, cette locution soit un
emprunt fait à Polybe ; mais, quoi que vaille Thypolbèse de
Mommsen, il est à propos de jeter un coup d'œil sur les textes
qui l'ont suggérée et de voir ce qu"j peut signifier arpaxiQYàç
uiraTOç.
Plutarque [Titus, la, 1) raconte comment M'. Acilius Gla-
brio fut chargé de la conduite de la guerre contre Antio-
chos III; il écrit : s- pa-i-q^fo^ \t.ïw uTCaxov tou ■noké^i.ou Màviov
'A-AïAiov y.a-É'Kcix'l/av, irp£a^£U"Y]v âè Ttxov âià toùç "EXX-/;vaç. —
Dans la Vie de Marins, au moment de rappeler la part que
Marius prit à la guerre de Jugurtha, il s'exprime ainsi : (7. 1)
ETCs'c Ss Kcxî/ao? MétsXac; k~zozi'/H'.z, £7:1 tsv xaTà 'lo'JYCjpOa
ttÔXeixov u-ÂraToç (sxpair^-foz ûz At^'J'^v k-r^-{y^(^-o r.pz(y^vj~r,^
Mapiov /.TA. Ailleurs [Apophth. reg. et imper. 197 E), rappor-
tant la belle réponse du consul P. Licinius (cos. 171) aux
envoyés de Perseus, il commence en ces termes : llÔ7:)ao?
AfAi'vioç u'TiaToç (TxpaTY) YÔç, YjTTr^ÔElç ûtcô n£p<J£toç toÏ Max£00-
vMv j3aaiA£wç xta. — A ces trois passages j'en joindrai un der-
nier, qu'il est tout naturel d'en rapprocher : [Marius, 34) —
•jcapaYaYWv (Sulpicius) Màpwv àz£S£Î/.v'j£V àvôÛTraTov ^xpaxT, ybv
£1:1 Mtôpicax'ov.
Sur ces textes il n'y a que peu à dire. Je suis tout à fait
d'avis que c-px-Tifo: j-axo; ou, comme Plutarque écrit plus
volontiers, jzaxo; (jxpaxyjYÔc y est un ressouvenir de l'antique
appellation des consuls. Mais, ce qui ne semble pas moins cer-
tain, c'est que Plutarque ne comprend plus cette appellation et
qu'il lui prête une acception dont il a seul la responsabilité.
On serait porté à croire^ sur la lecture de nos deux premières
citations, que 7-paxY]Yb;j-axo;, Jîraxo; axpaxr^Yoç, opposé chaque
fois à T:pea'^-uTrjq [lecfatus], a chez lui le sens de « généralis-
sime », « chef suprême de la guerre » ; pourtant, la quatrième
autorise une explication différente et, je crois, préférable. Il
1. Mommsen, Staalsrecht, IP, 76, 1; Ges. Schriflen, VIII, 261 : <■ Apud
auclores posLeriores eae locutiones ibi redeunt, ubi Polybium compilarunt
imilative sunt ; ita Flaminiuus aToa-riyô; ilnaioç dicitup apud Plularchum Tit.
10 ia eo ipso edicto de Graecia liberaiida eqs. » II faut remarquer que, dans
Tit. 10, Plutarque ne fait que reproduire d'après Polybe un document officiel.
LE TITRE nu CONSUL CHEZ POLYRR o5
semble bien qu'en ce dernier passage, Plutarque veuille dire
que Sulpicius nomma Marius tout ensemble « proconsul et
général » de l'armée envoyée contre Mithradates ; ainsi, ît^z-
royic j-a-::; — ou plutôt -j-x-zz jTpxTY;-.';; — signifierait pour
lui « consul et général», consul dux helli, comme traduisait
Boeckh '.
Le texte de Denys a un tout autre intérêt. Denys imagine
une correspondance entre Pyrrhos, roi d'Epire, et le consul
P. Valerius Laevinus. Pyrrhos adresse au consul une lettre
hautaine et menaçante, qui commence ainsi : BaatXey;; 'H-£i-
p(OTo)v llùppoç, jjaj-'.AÉo)? AlxvJ.ozo J'.iç, yT.pzvt risTiXia) OjaXspîo)
Tw 'Pa);j.a(wv j-i-rw -. Laevinus veut c rabaisser cette arrogance
et faire éclater la majesté de Rome » ; il réplique, et met à sa
lettre cette suscription : Yloz'/j.z: OjaXés',:; Aa,3'/nîc, G-pTt-Ti'foç
uTzcx-cç Tco;j.a'!cov, ^olgO.-'. TUppo) yaîpEiv ^. Voilà qui est parfaite-
ment clair. Denys, ou l'auteur qu'il suit, a voulu que le consul
donnât au roi une leçon de courtoisie, et l'on voit en quoi elle
a consisté. A Pyrrhos, qui ne l'appelait que ITô-a'.o;; OjoùJp<.oç
z Pcoy.x'.wv JzxTîç, cependant que lui-même se complaisait dans
lénumération de tous ses noms et titres, Laevinus répond en
abrégeant quelque peu la titulature royale, mais en complétant
son propre nom par l'addition du cognomen Aaji'-v'.î? *, et en se
qualifiant de z-.py.-r,'{zz jttxt:; 'Po);j.a'wv. Le roi avait, de cava-
lière façon, simplifié et le nom et le titre de son correspon-
dant : double inconvenance que celui-ci s'empresse de relever.
Ainsi, Denys nous apprend que, de même que tout Romain
devait être publiquement désigné par ses prénom, gentilice et
surnom, tout consul avait droit au titre officiel de (jTpa-rYjvbç
ij-arcç, — ■Jr.T.-.zz n'étant qu'une appellation courante et quasi
familière. Et, venant d'un écrivain aussi érudit, cette indica-
tion n'est pas négligeable. Elle s'accorde, au reste, avec tout
ce que nous avons observé jusqu'ici.
1. CIG, H, p. 979, Ad n. 3800; cf. I, p. 649, ad n. 1325; p. 862, ad n. 1770.
2. Dionys. Halic. Ant. Rom. XIX. 9.
3. Dionys. Halic. Anl. Rom. XIX. 10.
4. Cette addition semble, du reste, comme nous lavons déjà dit, être un
anachronisme.
56 CHAPITRE PREMIER
V. — Résumé et Conclusions.
Résumons les observations qui précèdent, et voyons ce qui
s'en dégage.
1. Un premier point est parfaitement clair. Aussi haut que
nos documents nous permettent de remonter (commencement
du II® siècle avant notre ère), l'appellation solennelle usitée, en
langue grecque, pour désigner les consuls est (7TpaT-/;Yb; uizoltcç
('Pco[;.ai(ov).
C'est elle qu'on trouve seule employée dans les formules
des actes consulaires depuis le séjour de T. Quinctius en
Grèce (198-194) jusque vers l'an 130, et, à l'exemple de ces
formules, dans les plus anciennes inscriptions d'origine
grecque (dédicaces) en l'honneur des consuls, comme aussi,
quand leur titre y est exprimé, dans les plus anciennes
inscriptions dédicatoires des consuls eux-mêmes, à la réserve
d'une exception unique qui est de l'an 147.
L'emploi régulier, jusqu'après le milieu du ii® siècle, de
(jTpa-YJYbç uTTaToç comme appellation solennelle des consuls est,
d'autre part, démontré par l'usage fait du titre similaire de
ffTpa-Yjvb; àv6û-aTo; ('Pco[;.a(o)v) pour désigner les proconsuls,
préteurs ou propréteurs, chargés de grands commandements
militaires ou commis à l'administration des provinces.
De la lecture de Poiybe et même de celle de Denys, il res-
sort aussi que les consuls, aux temps anciens, étaient dits
officiellement !7-saTY;Yci 'jzatsi.
2. Depuis le i'''' siècle, on ol:)serve que l'appellation consu-
laire s'est modifiée : ce n'est plus c!-px-r,Y-~ O-ol-oç ('Pw;j.a(Mv),
mais y-axoç (Pw'iJ.aiwv) — titre qui, même dans les documents
rédigés en terre grecque, devient iJ-aToç sans addition de
Pw[ji.ai(ov.
Cette modification est attestée : par le formulaire des actes
des consuls ; par les éponymies consulaires inscrites dans les
dédicaces des corporations italiques de Délos ; par l'emploi
du titre 'j-xizq dans les dédicaces gravées en l'honneur des
consuls; par la transformation contemporaine du titre des
RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS 57
ffTpaTYjYO' àvôÛTCatoi, lesquels se disent et sont dits maintenant
A la vérité, durant le cours du i^"" siècle et jusqu'au début
de notre ère, il est arrivé, dans les divers pays grecs, que les
rédacteurs d'inscriptions honorifiques fissent encore quelque-
fois usag-e du titre ancien de T-rpaTYjvb; 'j-yr.oz, (et de (jTpar/jvc;
àvSû-aToç) ; mais il s'agit là d'une sorte d'anachronisme, borné
à une classe spéciale de monuments i, qui s'explique par des
raisons particulières, et n'a point de signification historique.
3. C'est après l'an 130 et avant l'an 100 (dates approxima-
tives) qu'a dû s'accomplir, dans l'appellation solennelle des
consuls, la modification signalée.
Dès 129-127, le consul (et proconsul) M'. Aquillius s'inti-
tulait officiellement u~x-zz 'Pwij.aîwv ; mais il est douteux que,
dans les années qui suivirent, son exemple ait été généralement
imité. Si les Priéniens, aux environs de 120 -, qualifient M. Per-
perna de ffTpaTr,Yb; àv9û-aToç (par erreur, au lieu de a-rpa-rv^Ysç
uzaxoc), c'est, semble-t-il, qu'en ce temps-là, la primitive appel-
lation des consuls et des gouverneurs provinciaux était encore
d'un usage ordinaire. Vers 120-1 IS, la présence d'àvOJTraTo; dans
les suscriptions d'actes de gouverneurs, implique la présence
parallèle à''j-y.-z- dans les intitulés d'actes consulaires. Seule-
ment, l'emploi fait d'àvOjzaTo; n'a rien d exclusif : à la même
époque, des intitulés d'actes donnent à des gouverneurs le
titre de G'^y.-r,^{tz àv6j-a-:c;, d'où il faut conclure à l'emploi
possible, à la même époque, de jTpaTy;-;^; uraTi; dans les inti-
tulés des actes consulaires. Il est visible que nous sommes là
dans la période de transition entre l'ancien et le nouveau mode
d'appellation. Mais, dès les premières années du i*"'" siècle
(ann. 97, 94, 93), les dédicaces des collegia de Délos sont
1. Toutefois, les titres de arpaririyôç O'-aroî (et CTTpaTYJYOî àvâuraro;) peuvent
et pourront encore se rencontrer, par accident, ailleurs que dans les inscrip-
tions honorifiques : se rappeler la lettre citée par Josèphe {Ant. Jud. XIV. 10.
8, 215) où César est qualifié de aToaTT^Yo; <;xal> ÛTiaTo;.
2. Inschr. von Priene, 109, 1. 92-93; cf. ci-dessus, pp. 13, 39. A l'époque où
est rendu le décret, M. Perperna a quitté l'Asie depuis une dizaine d'années ;
ce n'est donc point par flatterie qu'on lui donne le titre de UToaTriyo;
<<xv6>>J;:aT0;.
38 CHAPIIRE PREMIER
datées par l'éponymie kT:\ jtcxtwv (twv oeîvwv) ; et, d'autre part,
peu après le commencement de ce siècle, on rencontre àvO^^zatoç
(au lieu de aTpa-YjY^? àv6j-aTcç) dans des inscriptions compo-
sées en l'honneur de gouverneurs. C'est la preuve assurée,
bien qu'indirecte, qu'jra-îç était alors, et depuis un certain
temps, le titre officiel ré<julièrement porté par les consuls.
4. Il reste à expliquer le changement dont nous venons
d'essayer de marquer l'époque probable.
C'est le sort des expressions doubles de se simplifier par la
chute de l'un des éléments qui entrent dans leur composition.
Il semble, a priori, naturel que l'expression ctpar/iYÔç 'j-Kaioq
n'ait point échappé à cette règle. Et nous avons vu effective-
ment, par quantité d'exemples, qu'elle n'y échappa point
lorsque, dans le corps d'un texte, il était fait mention inci-
dente de consuls.
A la vérité, nous ignorons comment, en pareil cas, dans les
actes consulaires d'époque ancienne, le titre du consul était
exprimé; nous ne savons s'il était simplifié ni, par conséquent,
en quelle manière il le pouvait être. Mais, dans les actes des
cités grecques, quand des consuls ne sont mentionnés que par
occasion, nous avons observé que leur titre est constamment
abrégé. Il l'est par un double procédé, par la suppression soit
du second, soit du premier élément de l'appellation solen-
nelle ; en sorte qu'ils sont dits ou bien a-py.-Tiyzi ou bien
u-a-zi. — Chez Polybe aussi, on l'a vu, même système de
simplification. L'expression a^pavriyoç iJr.a-oq lui était connue ;
mais il la constamment « démembrée » : sans cesse, dans
ses Histoires, pour désigner les consuls, il s'est servi soit de
G-:p(x--Q^ôq. soit d'jTraxoç.
S'autorisant de ces faits et raisonnant par analogie, on est
enclin à croire que le changement apporté, dans le formulaire
même des actes consulaires, à la primitive appellation solen-
nelle, autrement dit la substitution, comme titre officiel,
d'u-atsç à ffTpa-YjYoç j-axoç ne fut que l'effet d'une abréviation.
Comme les Grecs, les Romains, après avoir d'abord
qualifié publiquement le consul de aTpatr^vbç ■Jzx-oç, après
avoir, plus ou moins longtemps, employé cette dénomina-
RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS 59
tion officielle, l'auraient abrégée en uTzy.zoç. C'était proba-
blement ce qu'à Rome, dans l'usage courant, on avait com-
mencé de faire d'assez bonne heure, et cela pour deux raisons
très simples : parce que c-poc-r^Y^z j-xtoç était un titre trop long;
puis, parce que, dans ce titre double, le second ternie — li-a-
To? — était le mot utile et topique, permettant de distinguer
tout de suite le consul du préteur, appelé pareillement a-px-
rr;YÔç '. Il y avait, pour la clarté du discours, avantage à lais-
ser tomber a-pocTr^^^b: qui prêtait à équivoque, et à ne retenir
qu'uTiaTOç. Quelques consuls, comme P. Scipio Aemilianus,
auraient les premiers, vers le milieu du ii'' siècle, dans des
inscriptions qui n'avaient point un caractère officiel, joint à
leur nom l'ancien titre ainsi simplifié, et risqué la transforma-
tion de GTpy.Tr,-(oç, ii-aroç en j-a-:;; d'autres, comme M'. Aquil-
lius, auraient, quelque vingt ans plus tard, fait un emploi
public d'u-axo; et créé par là la nouvelle appellation solen-
nelle. Avant la fin du ii^ siècle, c'est cette appellation que le
gouvernement romain aurait régulièrement admise dans
l'usage officiel.
Cette explication n'a rien d'original. Comme elle est tout
de suite suggérée par l'étude des textes, comme elle se pré-
sente, pour ainsi dire, d'elle-même, il n'est pas surprenant
qu'on s'en soit promptement avisé et qu'on l'ait volontiers
adoptée. C'est ainsi qu'elle est vite devenue et qu'elle est jus-
qu'à nos jours demeurée classique. Mais, dans ces temps der-
niers, elle a été l'objet de vives critiques et d'un essai de
réfutation en règle.
Si elle est bonne, nous en devons trouver la confirmation
dans les actes du Sînat. Nous devons observer, dans ces actes,
une évolution du titre consulaire conforme à celle qui vient
d'être signalée ; nous y devons voir, pendant la plus grande
partie du ii'^ siècle, l'expression axpxvQ'(hç u-a-o; employée
comme appellation solennelle, puis remplacée par le titre plus
bref d'u-xTQç, lequel, d'abord usité en manière d'appellation
courante, serait à la longue devenu le seul titre officiel.
1. Remarquer, à ce propos, cette phrase où Polybe oppose le consul au
préteur : fVI. 53. 7; ixv JrxTo; r] TipaT/iYÔ; jj ysy^voi;. Ct". Ilultsch, xv.
CHAPITRE DEUXIÈME
La traduction grecque du titre consulaire
dans les actes du sénat.
Théorie nouvelle sur le sujet.
Or, c'est précisément là ce qui est contesté. Suivant une
théorie récente ^, à Rome, le titre grec des consuls n'aurait
jamais varié. 11 n'aurait jamais été abrégé; il n'y aurait point
eu substitution d' JzaTîç à 7-p:xxr,Yoz -J-x-o:. Ceux qui l'ont cru
seraient dupes d'une illusion, faute d'avoir fait une distinction,
nécessaire et facile, entre les « actes officiels » rédigés à
Rome et les documents rédigés en Grèce, à l'usage des Grecs
ou par des Grecs.
Dans ses actes, le gouvernement romain ~, déclare-t-on, a
1. P. Foucart, Rev. Philol. 1899, 254 sqq. — La première idée de celte théo-
rie se trouve dans Waddington {Inscr. d'Asie mineure, III, n. 588, p. 197) :
«... A Rome, il ne pouvait y avoir de a-rpatriyô; ur.axoç. » Elle a été acceptée,
d'emblée et sans examen critique, par G. Colin (BCH, 1900, lOZ, 2 \ Fouilles
de Delphes, III (2), 82-83; Dicl. des Anliq. IV, 1530, au mot stratège) et par
V. Chapot {La prov. rom. d'Asie, 5, 5). H. Dessau (dans Mommsen, Ges.
Schriflen, VIII, 260, 3) penche à l'admettre, mais non sans réserves. Th.
Reinach (flei'. Et. (jr. 1900, 123) est d'avis qu'elle « soulève des objections ».
2. Comme j"ai classé à part, pour la commodité de mon e.xposé, les actes
des magistrats (consuls), les « actes du gouvernement romain » à considérer
maintenant devraient être : d'un côté, les actes du Peuple (si je puis risquer
cette appellation), c'est-à-dire les lois; et de l'autre, les actes du Sénat, c'est'
à-dire les sénatns-consultes et les lettres du Sénat. En fait, il ne sera question,
dans les pages qui vont suivre, que des actes du Sénat (sauf une excep-
tion unique, le traité de 189 avec l'Aitolie, qui peut être considéré comme
étant à la fois un acte du Sénat et du Peuple). Ce n'est pas qu'à rencontre de ce
que pensait Mommsen (S^ia^srec/iMII, 1007 et note 1), les lois romaines, lors-
qu'elles concernaient le monde hellénique, n'aient été quelquefois traduites
en grec; mais il ne nous est parvenu, dans un état de mutilation lamentable,
qu'une traduction de celte sorte, et qui ne nous instruit en rien sur l'histoire
du tilre consulaire. Je veux parler de la traduction grecque de la loi
sur la répression de la piraterie, qui fut volée à Rome en l'année 100, sous
le consulat de C. Marius et de L. Valerius Flaccus. On sait que sept
fragments de cette traduction, provenant de l'exemplaire gravé à Delphes
sur le monument consacré par L. Aemilius Paullus, ont été découverts lors
THÉORIE NOUVELLE SUR LE SUJET 61
toujours et dès l'origine traduit le titre consulaire par le seul
mot j^aToç K C'est de quoi témoignent, paraît-il, les sénatus-
consultes traduits du latin en grec dans « les bureaux de la
questure » : dans ces documents, dont le plus ancien, à nous
parvenu, date de l'année 170, on n'a jamais rencontré qu'jTraT:;
pour signifier consul. Mais le mot JzaT;;, employé ainsi d'une
façon absolue et quelque peu « artificielle », risquait de n'être
point compris des Grecs ; aussi, pour s'en faire entendre, for-
gea-t-on l'expression composée ci-p:c-r,'foc ij-y-zz, laquelle fut
probablement imaginée par les premiers consuls qui résidèrent
en Grèce, peut-être par T. Quinctius. Dans cette expression,
le second élément — ij-x-cq — a seul une valeur officielle :
c'est la traduction, selon la règle posée par la questure, de
l'appellation consulaire ; le premier — 7-:pa-:r,YÔç — n'est
qu'une concession au « parler populaire » des Grecs, une
« addition d'un mot qui leur était familier », faite en vue de
« leur donner l'idée de la magistrature romaine ». Cette sorte
de « périphrase » n'a été usitée que dans les documents
« rédigés en Grèce par les Grecs, et dans ceux où des géné-
raux romains s'adressent directement aux Grecs, sans expri-
mer d'abord leur pensée en latin ». A Rome, on ne l'a jamais
admise dans l'usage public.
Ainsi, le titre d'j7:a-:cç, qui finit par être seul adopté dans le
formulaire des actes consulaires et, sans doute à l'exemple de
de rexploratioli française du sanctuaire delphique (cf. C.R. Acad. Inscr. 1904,
532-533; \Vilhe\m, Beilr. 286). Je dois à rextrcnie oblijjeance de mon ami Ém.
Bourguet, qui a bien voulu les transcrire à mon intention, la connaissance de
ces fragments Le mot u-aTo; s'y rencontre certainement deux fois (fragm.
3588, 1. 16; 3139, 1. 1) et peut-être quatre (fragm. 700,1. 2?; 3439, 1. 7?), mais
chaque fois dans le corps du texte, la pmescriplio ayant disparu. Au reste,
étant donné la date tardive de la loi, il n'est pas douteux que, dans la prae-
scriplio elle-même, consul ne fût traduit par 'J-aToç, sans qu'on puisse, bien
entendu, rieu induire de là pour le courant du ii° siècle. — Il faut renoncer à
discerner le caractère de l'acte bilingue, remontant probablement à 58 av.
J.-C, qu'on a récemment découvert à Mykonos, et qui conférait aux habitants
de Délos certaines immunités (cf. P. Roussel, Délos col. alhénienne, 333 et
note 5 ; 33i et notes 3-4). Le titre qu'il donne au.x consuls est unaT[o!] (partie
grecqie, 1. 2), comme il est naturel en raison de sa date.
1. Dans le résumé qui suit, j'ai reproduit, autant qu'il m'a été possible, le
langage même de l'auteur de la théorie, P. Foucart.
62 CHAPITRE DEUXIÈME
ce formulaire, dans tous les documents en langue grecqvie — et
qu'on trouve employé dès le courant du ii" siècle par P. Scipio
Aemilianus et M'. Aquillius, — ne saurait être tenu pour une
simplification du titre plus ancien de G-po^-r,'(oç 'jt:x-oç. Il ne
serait autre chose que le titre donné de tout temps, à
Rome, aux consuls, lequel — après une période transitoire oii,
dans une classe spéciale de documents, il fut allongé en ctpa-
r/jvbç j-atoç — aurait définitivement prévalu sous sa forme
originelle.
Cette doctrine est ingénieuse et plaît par son apparente sim-
plicité. Est-elle exacte et correspond-elle aux faits? C'est ce
que nous examinerons plus loin. Ce qu'on peut dire tout de
suite, c'est quelle implique bien des singularités, soulève bien
des questions qu'elle laisse sans réponse, pose bien des
éniarmes, heurte bien des vraisemblances.
I. — Objections préliminaires.
1" On a vu que jTpaTYjvbç {JTzazoq fut, à l'époque ancienne,
l'appellation solennelle des consuls. Tel aurait été aussi le cas
d"'j-a-o;. Il y aurait donc eu simultanément, en langue grecque,
deux appellations solennelles pour désigner ces magistrats :
Œxpar/jYb; j-rraTs; d'une part. uzaTo; de l'autre. Voilà qui est
paradoxal et contraire à l'idée même d' « appellation solen-
nelle ».
2° Il existerait une distinction tranchée, comportant deux
terminologies différentes, entre les actes du Sénat traduits en
grec et les communications faites, en grec, par les consuls
aux populations de la Grèce. Mais on n'aperçoit la raison
ni de cette distinction, ni de cette doable terminologie. Les
actes du Sénat traduits en grec ne s'adressaient pas moins
aux Grecs que les communications consulaires. Apparem-
ment, ce n'était pas pour son usage, mais pour celui des Grecs,
que le gouvernement romain faisait traduire en leur langue
les sénatus-consultes, et leur en remettait ou leur en expédiait
la traduction. Pourquoi, les documents de l'une et de l'autre
OBJECTIONS PRÉLIMINAIRES 63
catégorie s'adressant au même public, n'aurait-on pas, dans
toutes les deux, usé du même formulaire ?
3° Afin de l'expliquer, on insiste fortement sur ce fait que
les actes du Sénat ont été rédigés à Rome. "YiraTiç serait, k
Rome, l'unique traduction de consul; a-pa-Tf-foç j-axo? se trou-
verait seulement dans les documents rédigés en terre g-recque.
Mais, sur le dernier point, il y a erreur manifeste. C'est de
Rome que le consul C. Fannius écrivit en 161 aux magistrats
de Kos ' ; c'est de Rome que le consul L. Calpurnius Piso
écrivit en 139 ou 133 aux Ilaniens et aux Hiérapytniens "~.
Or, l'un et l'autre, en tète de leurs lettres, se sont qualifiés de
ffTpaTYjvb; j-a-co; ; l'un et lautre ont pris, à Rome, le même
titre que T. Quinctius, L. Cornélius Scipio, L. Mummius écri-
vant, en Grèce ou en Asie, à des Grecs Un consul pouvait donc
le mieux du monde être dit G-px-Tf^oq 'Jr.cn-o: dans un document
rédigé à Rome. Et, dès lors, le fait que les actes du Sénat
furent « rédigés à Rome » n'autorise aucune conclusion.
4° La forme dilférente donnée au titre officiel des consuls
dans les actes du Sénat et dans les actes consulaires se pour-
rait expliquer, à la rigueur, si les actes du Sénat, d'une part,
et ceux des consuls, de lautre, avaient été rédigés isolément
par deux pouvoirs indépendants, opérant chacun de son côté.
On concevrait, encore que la chose fût surprenante, que le
Sénat, rédigeant ses actes à sa guise, y eût désigné les con-
suls par un 'certain titre, et que les consuls, n'ayant cure des
actes du Sénat, se fussent, dans les leurs, désignés par un
autre. Mais personne n'ignore qu'il n'en allait point ainsi. On
sait que le Sénat, qui n'agissait jamais par lui-même, mais
seulement par l'entremise des magistrats •% n'intervenait pas
dans la rédaction des sénatus-consultes, qu'il s'en déchargeait
après chaque séance sur le magistrat qui l'avait présidé ^, et que
celui-ci, assisté de quelques sénateurs qui se portaient garants
de l'autuenticité du libellé ■', était l'auteur, au moins appa-
1. Cf. ci-dessus p. 5 et ci-après, p. 92 et suiv.
2. Cf. ci-dessus p. 6 et ci-après, p. 94 et suiv.
3. Cf. Mommsen, Slaatsrecht, III, 1025.
4. Cf. Mommsen, ibid. III, 1004 sqq.
5. Ce sont ceux dont il est dit scribendo adfuerunt (Ypaço[j.£V{o ::ap7;aav).
64 CHAPITRE DEUXIÈME
rent, de cette rédaction, si bien qu'on pouvait dire et qu'on
disait de lui qu'il avait « fait » tel ou tel sénatus-consulte * ;
et Ton sait aussi, sans doute, que, le plus souvent ou fort sou-
vent, le mag^istrat-président était l'un des consuls, de sorte
qu'en pareil cas c'était ce consul qui veillait à la mise par
écrit des sénatus-consultes; et, enfin, il est à peine besoin de
rappeler que, chaque fois qu'un consul avait présidé le Sénat,
son nom suivi de son titre figurait nécessairement dans la
formule introductive, dans le praescriptum, de chacun des
sénatus-consultes votés sous sa présidence : ce praescriptum
commençait alors par les mots N. consul senatum consu-
luit. 11 résulte de là que c'est aux consuls qu'incomba le
soin de déterminer, d'accord avec les scribes placés sous
leurs ordres, en quelle forme serait officiellement exprimée,
en tête des plus anciens sénatus-consultes traduits en grec,
l'appellation consulaire; ce furent eux qui firent choix du
terme grec qui, dans les praescripta de ces actes, répondit
à consul. Et ainsi la théorie aboutit à ce paradoxe : Ce sont
les consuls qui, dans les actes du Sénat, ont voulu s'appeler
officiellement j-atoi, cependant qu'eux-mêmes s'appelaient
QT:poi-r,yol o-y.-oi dans les suscriptions de leurs actes et de leurs
lettres ; ce sont eux qui ont pris soin qu'il y eût désaccord
dans l'énoncé de leur titre exprimé en grec. La théorie
attribue aux consuls un caprice bien inattendu -. En réalité,
si elle le leur attribue, c'est qu'elle part de la fausse idée que
les sénatus-consultes formaient une classe à part et sui gene-
ris ; c'est qu'elle oublie que la rédaction des actes du Sénat
ressortissait aux magistrats et, en premier lieu, aux consuls.
5° Pour justifier cette différence de terminologie qui fait le
fond de la doctrine, on suppose que la « périphrase » a-px-r,-
Yo? u~y.-oq fut imaginée parce que le terme J^aToç, employé
exclusivement, assure-t-on, dans les actes du Sénat, n'eût
1. Cf. Mommsen, Staatsrecht. III, 995, 1. où sont cilcs les te\los ; 1004.
2. C'est ici le lieu de rappeler l'objection de Mommsen à Waddington {Ges.
Sc/irj/fen, VIII, 262) : « Neque enim video, quo iure posuerit... Romanum
magistratum in senatus consiiltis qiiidem légitima appellatione designari
debuisse, at in titulis ei dedicatis ipsisque epistulis ah eo dafis sufficere
quodvis non proprium vocabulum rei aptum, »
Ofe.lP;CTiONS PRÉLÎMINAIÎIËS 68
pas été « intelligible dans la langue hellénique ». Ceci revient
à dire que, dans les traductions — destinées aux Grecs — des
actes du Sénat, on se serait servi délibérément d'un terme
que les Grecs n'eussent pu entendre. Il faut convenir que la
chose serait plus qu'étrang-e ; j'ajoute que le cas eût été unique,
aucun autre titre g-rec de magistrature romaine n'offrant rien
dont un Grec pût s'étonner •.
6° Mais, en fait, on ne peut raisonnablement douter que le
mot 'J-oL-oq, désignant le consul, ne fût très vite devenu com-
préhensible aux Grecs. Il est sûr que ce terme leur était fami-
lier dès le courant du ii^ siècle. Ce qui suffirait à le prouver,
c'est que Polybe, qui, vraisemblablement, voulait être entendu
de ses lecteurs, l'emploie, nous l'avons vu, à tout moment,
comme très souvent aussi l'expression 'jr.oL-oq xpy-q. Je rappelle
d'ailleurs qu'û-a-ca àp-/â se trouve déjà dans l'épigramme en
l'honneur de M. Claudius Marcellus -, laquelle fut gravée à
Lindos — en terre purement grecque — au-dessous de la sta-
tue du consul, sans doute peu après sa mort, c'est-à-dire peu
après 208. Et je rappelle encore que le titre d'y-ax:; sans plus
est celui que, dès 147, s'attribue P. Scipio Aemilianus dans
sa dédicace aux Himéréens de Thermae -^ Il ressort clairement
de là qu'un consul, au ii® siècle, n'avait nul besoin, pour don-
ner aux Grecs « l'idée de sa magistrature », de s'intituler
cTpaTYjvbç uTîaTo;. Pourquoi, dès lors, les consuls ^ ont-ils fait,
avec tantde fermeté et jusque bien après le milieu de ce siècle,
usage de cette dénomination dans lespraescripta de leurs actes
publics? On se l'explique si elle était la seule autorisée par le
formulaire officiel, si elle était l'unique appellatio légitima.
Mais l'explication échappe si, comme le veut la théorie,
c'était le mot j-aToç qui avait ce caractère. Ajoutons que,
1. Peut-êlre, à la vérité, le mot 8r|ixapyo?, au sens où il fut employé à
Rome, était-il fait pour surprendre les Grecs de la Grèce propre. Mais on sait
que, dans les villes ^^recques de Gampanie, le même ternie désignait la princi-
pale magistrature populaire, et l'on admet généralement que c'est de là qu'il
passa chez les Romains; cf. ci-après, p. 67, note 5.
2. Plutarch. Marcellus, 30. 6 = FIIG, III, 272, fragm. 46 (Poseidonios) ; cf.
ci-dessus, p. 1, note 2.
3. Dittenberger, Syllocje^, 311 ; cf. ci-dessus, p. 22.
4. A l'exception, peut-être, de M'. Aquillius.
HOLLEAUX. i]TfatT]YO; UTiaTOÇ. ^
66 CMAPltRE DEUXIÈMK
par surcroît, on n'entend plus rien au texte de Denys que
j'ai précédemment cité '. Nous avons vu que, chez Denys,
P, Valerius Laevinus, répondant à Pjrrhos qui, dans une
lettre, l'a simplement qualifié d'ij-a-rcç, aiîecte de se dire cr-rpa-
-Tiyhç UKa-;; Ptoy.auov. Assurément, son dessein n'est pas
de se faire mieux entendre du roi ; s'il le reprend, c'est
qu'uTCato; nétait pas, en la circonstance, le terme correct qu'il
convenait d'employer. Mais la théorie nouvelle, faisant d'ii-aTc;
le terme correct et de aTpaTr^vcç uTraTcç le terme incorrect,
rend les choses inintellig-ibles.
7** D'après la doctrine, le mot consul n'aurait jamais été
« traduit » en grec que par GraToç. Il faut, par suite, que
ffTpaTYjYOç j-a-roç soit une « périphrase » et ne soit pas une
traduction. Et l'on déclare, en conséquence, que les consuls,
lorsqu'ils ont fait emploi de ce titre, n'avaient point au préa-
able « exprimé \eur pensée en latin », car, en ce cas, il y
aurait eu « traduction ». Mais voilà qu'il est plus aisé d'affir-
mer que de prouver. Comment reconnaître si les consuls
avaient ou non commencé par « exprimer leur pensée en
latin »? Je veux bien que le '( philhellène », r« Ainéade »
Flamininus ait pu, du premier coup, écrire en grec aux gens
de Ghyretiai ; et je veux bien que L. Scipio, autre « philhel-
lène », ait renouvelé cette prouesse quand il correspondit avec
les Ilérakléotes-du-Pont. Mais s'il s'agit de C. Fannius, de
L. Piso, ou de L. Mummius, j'ai des doutes. J'ignore absolu-
ment ce que pouvaient savoir de grec ces personnages ;
j'ignore, et tout le monde ignore, si les letties en grec que
nous avons deux n'ont point été traduites d'originaux latins.
Et pour celles des deux premiers, l'une et l'autre écrites à
Rome, c'est assurément le plus probable; on peut même, sans
témérité, croire que ces deux lettres, jointes chacune à un
sénatus-consulte % furent traduites dans les « bureaux de la
questure ». En tout cas, ce qu'on ne saurait guère contester,
c'est que tous ces Romains que je viens de nommer pensaient
en latin. T. Quinctius lui-même, au moment d'écrire cTpar/;-
1. Dionys. Afi<. Rom. XIX. 10; cf. ci-destius, pp. 4, 55.
2. Cf. ci-après, p. 92 etsuiv.
OBJECTIONS PRÉLIMINAIRES 67
YÔc J^raTc;. avait consul dans l'esprit. Quoi qu'on dise, cette
expression, si longtemps employée dans les actes des consuls,
n'y put jamais être qu'une <( traduction » ^ ou, si Ion veut,
une « adaptation », plus ou moins consciente, plus ou moins
réfléchie, de leur titre romain. Et l'on cherche vainement
pourquoi la même traduction ou « adaptation » n'aurait pu
trouver place dans les actes du Sénat, décalqués du latin en
grec.
8° A la doctrine nouvelle s'opposent des difficultés d'ordre
linguistique qui méritent l'attention. — Observons d'abord
que tous les titres de magistratures romaines ont été rendus
en grec par des substantifs -. On ne voit guère pourquoi celui
du consul eiU fait seul exception et pourquoi son équivalent
grec eût été, dès l'origine, un adjectif employé substantivement.
11 faut même dire plus : qu'un adjectif ait, d'emblée, servi de
titre à un magistrat, voilà, sitôt qu'on y réfléchit, qui paraît
extraordinaire •^. Je sais qu'on fait intervenir à ce propos le
langage « artificiel » des scribes grecs de la questure, lequel,
« bien souvent, ressemblait » moins « à du grec » qu'à « un
plat mot-à-mot du latin » ^. Mais, sans compter qu'on n'a pas
démontré, qu'on ne saurait démontrer et qu'il n'y a nulle
apparence, que l'appellation grecque du consul ait été une
« création » de ces scribes •'', les artifices de leur langage ne
1. Il échappe d'ailleurs à l'auteur de la théorie décrire ces mots 'i?er. Phi-
lol. 1S99, 257) : « On voit... que Flamininus traduisait de la sorte :par
OTpaTY)Yo: ■j-ol-oi] le mot de consul. . . ».
2. Il ne viendra, je pense, à l'esprit de personne d'objecter que senfl/us a été
traduit par ajyx/.rjTo;, mot qui n'est originairement qu'un adjectif (Tjy-/.Xr,To;
Èz/.XriOÎa). SjyzÀr|To; avait, depuis bien longtemps, perdu son caractère d'ad-
jectif et pris, dans le vocabulaire politique des Grecs, rang de substantif,
quand on en fit l'équivalent grec de senatus ; et tel n'eût point assurément, été
le cas du mot j'aTo; lorsq l'on s'en serait servi pour désigner le consul.
3. Cf. ci-après, chap. 111. n. i.
4. P. Foucart, Rev. Philol. 1899, 255, 256 et note I : << . . . L'expression
[•j-aTo;] qui traduisait consul. . . est une création artificielle des scribes cher-
chant à rendre par un seul mot le titre de la magistrature romaine. »
5. On ne voit pas du tout que la terminologie grecqu2 adoptée, dès le v et
le vi' siècle de la Ville, pour les magistratures romaines doive rien aux
« bureau.x de la questure ». C'est chez les Grecs de la Grande-Grèce, spéciale-
ment chez ceux de la Gampanie. qu'il en faut suituut chercher l'oiigine,
comme l'a depuis longtemps établi Mommsen [Staatsrecht, lll, 1 15 et note 2 ;
68 CHAPITRE DEUXIÈME
sauraient ici rien expliquer. Ce lang-age où, dans Tensemble,
on retrouve simplement le grec hellénistique de l'époque tar-
dive ', est « artificiel » en ce sens et dans cette mesure que,
s'appliquant du mieux qu'ils pouvaient à reproduire dans tous
ses tours la phraséologie traditionnelle du formulaire romain,
les scribes publics ne se sont fait, pour y réussir, aucun scru-
pule de violenter, chaque fois qu'ils le jugeaient utile, le génie
646 et note 2; 1006 et note 7; C/L, X, p. 171 sqq. ; cf. pour le titre de 8r|;jLap/oç,
von Schoeller, P-W, IV, 2712, s. i'. Demarclioi, 2-3) ; ce sont ces Grecs qui ont
imaginé orî[j.apyo; pour désigner le tribunus plebis et probablement aussi
aYOpavôiAOî pour rendre aedilis, en même temps que ajyxÀrjTo; pour signifier
senatus. « Magisti-atuum Romanoruni vocabula, dit avec raison Mommsen,
credibile est mature Graecis ita innotuisse, ut in eorum lingua converterentur
non pro lubitu cuiusvis, sed consuetudine recepta et usu sollemni » {Ges.
Schriflen, VIII, 259). 11 ne faut pas amplifier démesurément le rôle des inter-
prètes de la questure ; leur lâche a consisté à rendre en grec les actes officiels,
mais le vocabulaire public, au moins dans ses parties les plus anciennes, n'est
pas leur ouvrage.
1. C'est ce qu'indiquait déjà très bien Mommsen (Staalsrecht, III, 1007) et
ce qui s'est trouvé confirmé par les études de plus en plus exactes dont la
langue hellénistique a été l'objet dans ces dernières années. Nombre de « lati-
nismes », qu'on avait cru d'abord apercevoir dans les actes rédigés à Rome
en langue grecque, se sont évanouis à l'examen. Ceux qui subsistent — et, à la
vérité, il en subsiste beaucoup et de très choquants — s'expliquent par l'obli-
gation qu'on s'imposait de reproduire mécaniquement, et dans ses moindres
détails, un formulaire immuable. Voir là-dessus les justes observations de
A. Thumb, Die griech. Sprache ini Zeilalt. des Hellenismus, 152, 153-154 :
« Sogar die Sprache der griechischen Urkunden des rômischen Staates ist in
grammatischer Bezichung vom Lateinischen nur wenig berijln-t worden : man
darfsich nicht durch den àusseren Schein irrefiihren lassen... Dass aber. . .
die Uebersetzung von Begrillen des rômischen Staatslebens rômischen Geist
atmet, ist eine so selbstverslandliche Sache, dass wiv uns wundern miissten,
wenn es anders ware.Nur sklavisches und ungeschickles L'ebersetzergriechisch
hat gelegentlich gànzlich ungrieciiische Lalinismeu ^\ie z. B. die Nachahmung
des Ablativus absolutus in AvjyJ.M Aévtàw raûo Map /.iXÀti) uTzaTotç, oder die
Wiedergabe von quo minus mit wi "s'Xaaaov hervorgerufen ... » On peut
remarquer à ce propos que les lettres des magistrats, même écrites à Rome,
et celles du Sénat i^voir ci-après, § 5) sont rédigées dans une /.otvT] fort correcte.
— On a dit que « certaines phrases ^du sénatus-consulte pour les Thisbéens)
auraient été difficilement comprises des contemporains de Déniosthènes. . . »
(P. Foucart, 3/em. Acad. Inscr.WXX II, ii,314). Ilest vrai; mais aussi nétait-
ce point aux contemporains de Démoslhènes que s'adressait le Sénat :
c'était aux contemporains de Polybe. Et les philologues, trop rares encore, qui
possèdent la langue de Polybe, savent qu'elle se rapproche singulièrement
(quelques formules « de style » une fois mises à part) de celle des sénatus-con-
sultes.
OBJECTIONS PRÉLIMINAIRES 69
de la langue grecque. C'est ainsi, par exemple, que, pour
rendre scrihendo adfuerunt, ils ont eu la hardiesse d'écrire
Ypa5sj;.£vw r,(xç%QOiv, qu'ils ont traduit ante diem par zoo rjiAîpûv,
et e re publica fideque sua par ix -rwv oy;;j.25UL)v r.zy.^;\j.7.-(<ri y.aî
-:r;ç '.c'ia; r.'.'-tMz ', etc. '< Legiiimum sermonem suum, a dit
Mommsen -, prudenter et fortiter magis quam apte et perite ei
quoque ling-uae (se. graecae) intulerunt (Romani)-^...». Mais
il ne s'ag-issait, en l'espèce, de rien de pareil, et la question
n'était pas d'habiller en grec quelque formule ou locution con-
sacrée du legitimus sermo. Les scribes de la questure, à sup-
poser — ce que je ne crois nullement — qu'on les doive mettre
en cause, n'avaient besoin, pour traduire le titre consulaire, de
recourir à aucun <( artifice » : ils n'avaient qu'à prendre dans
le vocabulaire hellénique un substantif plus ou moins conve-
nablement approprié, lequel, quoi qu'on ait dit, n'eût point été
bien difficile à découvrir^. Ce qu'on ne conçoit pas, c'est que
soit eux, soit d'autres n'aient pas procédé de façon si simple,
mais que, contrairement à l'usag'e toujours suivi en cas sem-
blable, on ait emprunté au g'reCiau lieu de substantif, un mot
qui n'était qu'un qualificatif.
1. Il est à propos de noter que Polybe n'a'point hésité à faire accueil dans
son texte à la formule w; aÙTw Soxsï Q-jiioiçiv/ Iv. tt); îSiarîiîjTcw; (XXVIII,
1.9).
2. Mommsen, Ges. Schriften, VIII, 281.
3. Le mot floma/ii, dans cette phrase, désigne en réalité les scribes grecs
aux ordres des Romains.
4. « Le titre de consul », a-t-on dit, « était difficile à rendre en grec »
(P. Foucart; Rev. Philol. 1899, 256; cf. Mommsen, ibid. 260\ Cela serait exact,
s'il s'était agi de « rendre » le « titre » lui-même, proprie, comme dit Momm-
sen, c'est-à-dire d"en exprimer la signification littérale. Il eût alors fallu, en
raison de l'étymologie généralement admise qui faisait venir consul de consa-
lere, recourir à tjuîîo'jXo; ou à "oo'PojÀoç, recommandés par Denys (IV. 76. 2),
ce qui n'eût été qu'un expédient assez malheureux. Mais le problème ne se
posait point ainsi. Comme j'aurai occasion de^le rappeler (ci-après, chap. III,
n. Il), les Grecs, à l'époque ancienne, ne s'évertuaient pas à traduire les titres
des magistrats romains : il leur suffisait de les interpréter. C'est pourquoi
un mot tel, par exemple, que aoycov, employé parfois par Polybe ;I. 24. 9;
38. 6; 39. 1, etc.; cf. Dionys. Ant. Rom. IV. 76. 2) et que Hultsch croit, à la
vérité sans preuve, avoir été d'abord joint à -j-xto; cf. ci-après, chap. IIL
n. i), eut été un équivalent passable de consul. Si le terme choisi fut, comme
nous le dirons plus loin, arpatriyd;, c'est qu'il rendait assez exactement
l'idée que les Grecs se firent d'abord de la magistrature consulaire.
70 CHAPITRE DEUXIÈME
D'autant que ce mot n'eût pas été, il s'en faut, des mieux
choisis. Que, « cherchant à traduire par une expression unique
le titre de la magistrature romaine », on ail d'abord u pré-
féré î;::aT3; » \ c'est ce qu'il est bien malaisé de croire : car ce
terme, s'il exprimait à la rigueur la situation éminente du consul
dans l'Etat 2, avait le fâcheux défaut de ne rien laisser discer-
ner des pouvoirs qu'il exerçait. Ajoutons que si vraiment,
comme on l'a pensé, « les scribes de la questure » s'étaient
tenus satisfaits de rendre, en grec, consul par « le Suprême »,
ils auraient manqué singulièrement au principe, qui leur était
cher, de modeler leur grec, au plus juste, sur le latin des for-
mules romaines. A coup sûr, la traduction de consul par Gira-
To; serait tout autre chose que du « mot-à-mot ». L'idée la
plus naturelle, n'est-ce pas que le mot utcx-oc, qui fut
vite pris substantivement et qui l'était, au moins par Poljbe,
jusque dans la locution u-.çtxvq-foq 'Jr^y.-zz, ^ ne fut pour-
tant, à l'origine, qu'un qualificatif, accompagnant un substan-
tif dont il précisait le sens et que, de bonne heure, on put sous-
entendre ^? C'est ce substantif, déterminé par uTraTsç, qui aurait
été proprement le nom grec du consul '',
9" On peut remarquer enfin que la théorie nouvelle ne tient
pas un compte suffisant du fait, cependant très notable, que
les préteurs portaient à Rome, dans la langue officielle, le
titre grec de (j-pa-iïjYOi- Ce titre ne leur convenait guère, ou,
pour mieux dire, ne leur convenait nullement, la préture (en
dépit de V éiym.o\o^\Q praelor-praeitor) étant tout autre chose,
en son principe, qu'une fonction militaire. Si les Romains
l'adoptèrent, ce ne put être, semble-t-il, qu'à l'imitation des
Grecs, lesquels, voyant parfois des préteurs exercer le com-
1. P. Foucart, /{eu. philol. 1899, 256 et noie 1 : cf. Bûttner-Wobst, 167-168.
Sur celte queslion, cf. ci-après, chap. III, n. i.
2. C'esl re.xplicalion que donne Denys (IV. 76. 2); mais on n'est point
obligé, sans doute, de l'en croire sur parole.
3. C'est ce qu'ont montré Hullsch et Biittner-Wobst : cf. ci-après, chap. III,
n. I,
4. Cette objection a été prévue, mais non point écartée, par l'auteur de la
théorie {Rev. Philol. 1899, 256, 2).
5. Cf. ci-après, chap. III, n, i.
DISCUSSION DE LA TIIÉORTF. 71
mandement militaire, les avaient qualifiés en conséquence ^
Mais, ce même nom de ç-po^rr^-^'oi que les Grecs donnèrent aux
préteurs, n'est-il pas logique de penser qu'ils l'avaient, aupa-
ravant et tout d'abord, donné aux consuls auxquels assurément
il s'appliquait beaucoup mieux? Et dès lors on se demande
pourquoi les Romains, qui suivirent l'exemple des Grecs en
qualifiant, fort improprement, les préteurs de Q-pa-r,'(ci, ne
l'auraient pas suivi encore, et plus à propos, lorsqu'il s'agis-
sait des consuls. Etablir, au moyen d'un déterminatif, la dis-
tinction nécessaire entre les stratèges-consuls et les stratèges-
préteurs n'avait sans doute rien que d'aisé. Fort naturelle-
ment on est porté à croire que le mot j-aTCç joua, en cette
occasion, le rôle de déterminatif ~.
Tant y a que la doctrine nouvellement professée n'est pas
de celles qui s'imposent, comme on dit, par leur évidence;
elle éveille plutôt de justes inquiétudes. Mais enfin on assure
qu'elle s'autorise de faits précis ; on affirme que, dans les
actes du Sénat, on n'a jamais rencontré qu' j-axo; pour signi-
fier consul. C'est ce qu'il faut vérifier.
II. — Discussion de la théorie.
Commençons par reconnaître qu'à partir des dernières
années du ii"^ siècle, dans les actes à nous connus du Sénat,
l'appellation solennelle des consuls n'est pas aipxzTi'foq y^aTc?,
mais uTcatoç.
Ceci est démontré par les praescripta de ces actes. L'indi-
cation éponymique, en particulier, ne contient que les mots
ï-kI ÙTCa-wv. C'est ce qu'on peut voir en lisant le préambule du
traité avec les Astypalaiens (ann. 105) ^ et le préambule du
1. Cf. ci-après, chap. III, n. m.
2. Cf. ci-après, chap. III, n. i et m.
.3. /G, XII, 3, 173 = Viereck, XXI, I. 15. — Le titre Cinaio;, appliqué au
consul P. Rutilius, se trouve aussi dans le texte (1. 6 et 10) du sénatus-con-
suUe qui précède le traité : mais nous ne considérons ici que la rédaction des
formules.
72 CHAPirUK DEUXIÈME
traité avec les Thjrréens (ann. 94) i, préambules qui ne sont,
l'un et l'autre, que le bref résumé d'un sénatus-consulte ~ ; le
sénatus-consulte pour Asklépiadès, Polystratos et Méniskos
(ann, 78) '■^ ; les résumés des actes du Sénat (ann. 80 et 74)
insérés dans l'acte appelé inexactement « sénatus-consulte
d'Oropos » (ann. 73) ^, etc.
Il n'y a rien là qui nous doive étonner : les autres docu-
ments examinés dans la première partie de cette étude nous
avaient montré, en effet, qu'au début du i*"'' siècle et même
avant la fin du ii^, la dénomination ofïicielle des consuls était
•jxaToç. Ce qui reste à savoir, c'est si, à Rome, dans le formu-
laire des actes publics, ils n'avaient jamais porté que ce titre,
ou si, à une époque plus ancienne, ils n'y étaient pas appelés
§ 1. Examen critique des textes allégués.
Pour établir la théorie, on se fonde : sur le sénatus-con-
sulte pour les Thisbéens (ann. 170) •', où le titre -jt.x-oç est
donné à A. Hostilius (Mancinus) (cos. 170), dans la phrase
(1. 42-43) : -Kzpl TOÛTSU Toij T^pi'-([j.!X':oq "Kpbç A'JXov ['OjatiXiov
uTuaTov Ypa;j.[;,aTa à-co-xeîÀx'. ioo^sv — ; sur le sénatus-consulte
pour les Narthakiens et les Mélitaiens (c. ann. 140) **, où le
1. IG, IX, 1, 483 = Viereck, XXII = Dittenberger, Sylloge "-, 327, 1. 1.
2. Sur ce point, cf. les explications détaillées de Tiiubler, ///ij3. liomanum,
I, 365 : « Das Wesen solcher Priiskripte besteht darin, dass sie den Inlialt
vorausgeliendei- Senatsbeschliisse wiedergeben... um ihre Ausfiihrung, soweit
sie die Aufstellung und Aushandigung betrilï't, zu bezeugen. «
3. IG, XIV, 951 = Viereck, XVII, 1. 1 (cf. 3, 5).
■l. IG, VII, 413 = Viereck, XVIII = Dittenberger, Sy«osre^ 334,1.4 (mention
résumée d'un sénatus-consulte de 74) ; 1. 53 (résumé d'un sénatus-consulte de
80); cf., dans \e praescriplumdu sénatus-consulte de 73, les I. 63-64.
5. IG, VII, 2225 = Viereck, XI = Dittenberger, Sylloge-, 300. Le te.xte le
plus correct a été donné par P. Foucarl, Mém.Acad. Inscr. XXXVII, ii, 310-312
= Bruns-Graden\vitz, Fontes iuris Rom.~ 160, n. 37 = Mommsen, Ges.Schrif'ten,
VIII, 275-279. L'acte qu'on est convenu d'appeler « sénatus-consulte pour les
Thisbéens » comprend en réalité, comme on sait, deux décisions successives
du Sénat ; c'est de la seconde qu'il s'agit ici .
6. IG, IX, 2, 89= Viereck, XII = Dittenberger, Sylloge 2, 307. C'est le
sénalus-consulte dit de Xarthakion. Pour la date, voir Kroog, De foed. Thés-
EXAMEN CRITIQUE DES TEXTES 73
même titre est attribué à T. Quinctius (Flamininus) (cos.
198; pro cos. 197-194) dans la phrase (1. 31-52; cf. 64) :
o[u]; v[ô[j,]cuç TiTc; Kci'(Y-izq ^[-jxto; ir.b -:f,ç T[àiv] osv.a Trpea-
[l^JsuTwv Yva)[^'.]r,; e5(D7.[£v] — ; sur l'extrait du sénatus-consulte
pour les Messéniens et les Lacédémoniens (c. ann. 138 ou un
peu plus tôt) inséré dans la sentence arbitrale des Milésiens
en faveur des Messéniens ', où nous voyons le même titre
porté par L. Mummius (cos. 146; pro cos. 145) dans la phrase
(1, 63-65; cf. 1. 53-55) : o-t Aeûxio; Msjj.y.io; u-aTcç r, àvOJzaTOç
[àjv £/.£tvY;t -Yji è-apysut £Y£V£-:o — ; sur le sénatus-consulte
pour les Samiens et les Priéniens (ann. 135) ~, où le même
salor. praetoribus (diss. Halle, 1908), 20. Le sénatus-consulte fut rendu sous
la stratégie de Thessalos, fils de Thrasymédès, de Plierai, et publié sous celle
de son successeur, Léon, fils d'Agésippos, de Larisa ; or, la stratégie de Thes-
salos se doit placer vers 140 (Kroog, 20; cf. 59). Kroog fait observer avec rai-
son qu'il n'y a aucune raison de poser ici comme terminus ante quem l'année
147/146, puisqu'il est maintenant démontré que la Confédération thessalienne
subsista après 146 (cf. Niese, III, 356, 8; Nachmanson, Ath. Mitt. 1907, 58
sqq.; Svvoboda, Staalsallert. 239). D'autre part, C. Hoslilius Mancinus, qui
présidait le Sénat en qualité de préteur lorsque fut voté le sénatus-consulte,
ayant été consul en 137, il n'est pas vraisemblable, quoi qu'ait pensé Ditten-
berger {Sylloge -, 307, not. 4), que sa préture ait de beaucoup précédé l'année
139. — Ed. Cuq{Mém. Acad. Inscr. XXXIX, 145, 3), ignorant tous les travau.\
récents concernant la question, fait remonter le sénatus-consulte jusque vers
150.
1. "Viereck, XXV = Dittenberger, Sylloge\ 314, III = /G, V, 1, p. xv
(testimon.). C'est le sénatus-consulte dit de Messène ; je ne sais pourquoi Ed.
Cuq [ihid. 145, 3) l'appelle « sénatus-consulte d'Olympie », nom qui n'a aucun
sens. La date approximative du document se déduit du fait que Q. Calpurnius
C. f. (Piso) — nommé aux 1. 41-42 de la sentence des Milésiens — était préteur
lorsque le Sénat rendit son décret, et devint consul en 135. En vertu de la
règle du hiennium, la préture de Q. Calpurnius tomba au plus tard en 138 ;
telle est la date minima du sénatus-consulte. Mais il est clair qu'il peut être un
peu plus ancien, (J. Calpurnius n'étant pas devenu nécessairement consul
deux ans après sa préture (cf. Mïmzer, P-W, III, 1386, s. v. Calpurnius, 86).
Niese (III, 356) et Kolbe (/G, V,l, p. xiv ; cf. 260) le placent donc avec raison
« peu après 140 ».
2. Hiller von Gârtringen, Inschr. von Priene, 41 = Viereck, XI"V = Ditten-
berger, Sylloge 2, 315. Ser. Fulvius Q. f. (Flaccus), qui présida le Sénat, est le
consul de 135; il est singulier que Ed. Cuq (ibid. 145, 3°, 4° et 5°) laisse flotter
la date du sénalus-consulte « vers 136/618 et 135/619 » : Ser. Fulvius ne peut
pourtant pas avoir été consul deux ans de suite. — C'est à dessein que j'omets
en ce moment de citer la 1. 2 du sénatus-consulte, où paraît d'abord Ser. Fulvius
qualifié de at[ jj-aTo; ; ce passage fera plus loin l'objet d'un examen
spécial (ci-après, p. 101 et suiv.).
74 CHAPITRE DEUXIÈME
titre est appliqué à Ser. Fulvius (Flaceus) dans la phrase (1. 12-
13) : TO'JTCi; te ^sviov si; éy.aijrrjv 7:p£0-,3ct3:v — [^Ép:'Ji:ç 'î^jô/v-
[o]ui;ç Kcivtoij uTîa-roç xbv Tap-'.av à-oa-etXai y,£[/,£'jjaT(o]. A ces
quatre textes on pourrait ajouter le sénatus-consulte pour les
Technites dionysiaques (ann. 112)', où le titre -j-y-zz est
encore donné à M. Livius (Drusus) et à L. Calpurnius Piso
(Caesoninus) (coss. 112) dans les deux phrases (1. 62-63 ;
64-65) : cTTwç -^0^ Maapy.îv Asi^iov ii-aTJv -po[(7J£X6(o7iv (Tech-
nitarum legati) — ô-w; xt Asr/.'.oç lva/,7::pvi;ç u-aTo; ^évia xarà
De la présence du mot 'jr.a-zç, dans ces textes, on conclut :
que « les scribes au service des Romains n ont Jamais employé
pour consul » qu' uTca-cç ; que le titre de « consul, dans les
actes officiels » du Sénat, a « toujours été traduit par le seul
mot yTratoç»; que, dans les sénatus-consultes, « on n'a Jamais
rencontré que j-aTo; '^ ».
Mais la conclusion sera, avec raison, jug;ée téméraire. — En
premier lieu, le plus ancien des documents allég^ués, le séna-
tus-consulte dit de Thisbé, ne remontant qu'à Tan 170, est de
près de soixante ans postérieur aux premiers rapports des
Romains avec les Grecs d'Europe — pour ne point parler de
ceux d'Italie et de Sicile; il ne prouve rien pour l'époque qui
l'a précédé, et ne donne donc pas droit d'affirmer qu'en tout
temps et dès l'origine, les actes du Sénat n'ont donné aux
consuls d'autre appellation qu' uraisç. — En second lieu et
surtout, il semble qu'on ait nég-ligé ici la question capitale, à
savoir si, dans les sénatus-consultes auxquels on se réfère, le
terme désignant la magistrature consulaire se trouve dans
1. Colin, Fouilles de Delphes, III (2), 78, n. 70 a = Dittenberger, Sylloge -,
930 =: G. Klaiïenbach, Symhoiae ad hislor.collegior. arlific. Bacchioruni, 29-
32 (avec quelques restiluLions nouvelles).
2. P. Foucart, Rev. Philol. 1899, 256, 259, 255. Ces conclusions de P. Foucart
sont assez nettes pour ne point laisser place à l'équivoque. Cependant,
d'après Ed. Guq (ibid. 111, 1), il en ressort que « dans les traductions grecques
des ac/e.s officiels romains,.., le consul est appelé ^TpaTriyo; oTiaTo; n, et le
savant critique renvoie à P. Foucart, fier. Philol. 1899, p. 254. Je doute qu'il
soit possible, en citant un auteur, de lui faire dire plus exactement le contraire
de ce qu'il a dit. — On s'étonne de trouver la même erreur dans les Inscr. gr.
ad res roman, pertinentes, IV, n. 179, p. 69.
EXAMEN CRITIQUE DES TEXTES 75
une formule officielle ou dans le cours d'un texte développé,
et, partant, s'il doit être nécessairement tenu pour l'appella-
tion solennelle ou s'il ne peut pas être une appellation simpli-
fiée.
Or, on s'aperçoit au premier coup d'œil que les phrases, ci-
dessus transcrites, des sénatus-consultes pourThisbé, Nartha-
kion, Messène et Priène font partie, non d'un formulaire, non
d'un intitulé ou de praescripta, mais du texte développé de
ces documents, et que c'est occasionnellement qu'y sont nom-
més des consuls. En sorte qu'il y a possibilité que, dans ces
phrases, le mot ■j-x-z: soit, non pas du tout le titre consulaire
officiel, mais la forme abrégée de ce titre. C'est une hypothèse
qui vaut au moins d être examinée.
On conviendra qu'elle n'a rien d'absurde, si l'on prend
garde que les magistrats romains dont il est parlé dans le
corps des actes du Sénat, spécialement des actes rédigés en
grec, n'y sont d'ordinaire désignés que sommairement et sans
beaucoup d'exactitude; et si l'on se rappelle aussi, d'une façon
générale, que la recherche, parfois excessive, de la brièveté
semble avoir été le souci dominant des traducteurs grecs
qu'employait la chancellerie romaine.
Considérons, pour préciser le dernier point, un seul séna-
tus-consulte, celui qui fut rendu en faveur des habitants de
Thisbé. On sait que Mommsen, dans son célèbre commen-
taire, y a relevé nombre d'abréviations arbitraires qu'a fait
subir le traducteur même aux formules solennelles '. — Et
1. Mommsen, Ges. Schriflen, Vllf, 2SI-282 : « Eo autem nomine Graeca haec
versio magnopere dilTert a senatusconsultis quae habemus Latine scripta,
quod cum haec formulas soUemnes legriLimasque suis locis accurate et plene
ponant, Graeci hominis eiiismodi sertnonis imijatienlia vel in hoc instrumento
quodammodo cernilur iniiLlis earum vel in compendiuin redactis vel praeler-
missis eqs. Ita ipsa légitima praescripdo in posleriore senalusconsalto
omissa est sola die excepta, scilicet quod reliqua verba eadem sunt atque in
priore eqs. » — Dans le sénâtus-consulte de 73 en faveur des Oropiens (Dit-
tenberger, Sylloge -, 334, 1. 60-69), la formule finale (1. 68-69) a été aussi abré-
gée à l'excès; cf. Bruns, Fontes '', 177, l. — On voit par là qu'il est excessif
d'affirmer que « la traduction » eu j?rec des sénatus-consultes est « absolu-
ment littérale », les « tournures et les expressions latines » ayant été « ren-
dues mot-à-mot » (P. Foucart, Méni. Acad. Inscr. XXXVII, ii, 314). Gela peut
être vrai de certains sénatus-consultes. par exemple, de celui pour Asklé-
76 CHAPITRE DEUXIÈME
voici, d'un autre côté, des particularités dignes de remarque !
G. Lucretius (pr. 171) est simplement appelé Vr.o; Az/.pi-
-'.c; (1. 22-23), sans que le titre de sa fonction soit donné ' ; les
ambassadeurs de Thisbé ne sont pas, contre l'ordinaire,
nommément désig-nés; des quatre particuliers dont il est parlé
dans le texte, trois sont mentionnés en termes très peu expli-
cites : deux des femmes de Thespies, Xénopithis et Mnasis
'1. 47), n'ont pas de patronymique, et (juant à l'Italien (?)
appelé Vv^'z; I1xvo:jîviç l\. oi), cette désignation trop brève
ne permet pas de démêler si Davocjîvo; est son nom ou son
ethnique '-. — Les choses étant ainsi, et lorsque nous rencon-
trons dans un seul document tant de simplifications ', sans
doute imputables pour la plupart à la négligence du traduc-
teur, est-il incroyable que le titre grec que portait le consul
A. llostilius ait été abrégé aux 1. 42-43, et qu'on y ait
appelé ce consul jzairo; au lieu de cjTpaTVJYb? u-a-sc ?
piadès, mais d'autres, comme le sénatus-consulte dit de Thisbé, ressemblent
fort, en quelques-unes au moins de leurs parties, à un abrégé ou à un résumé
de l'original.
1. Cf. 1. 52. Mais, en ce dernier passage, l'omission du titre peut s'expliquer
par le fait qu'il ne s'agit plus de C. Lucretius préteur, mais de C. Lucretius
après sa sortie de charge.
2. Cf. Mommsen, ihid. 287 ; P. Foucart, ibid. 341-342. — Même imprécision,
autant que le texte, trop mutilé, permet d'en juger, dans la désignation des
personnages thessaliens ou macédoniens que mentionne le sénatus-consulte
dit de Narthakionaux 1. 27-29; cf. Dittenberger, Si)lloge-, 307, not. 16, 18.
3. Une locution qui a été volontiers et capricieusement simplifiée, dans les
sénatus-consultes en grec, est celle qui désigne les ambassadeurs des peuples
alliés — socii et amici {cL L.E. Matthaei, Class. Quarterly, 1907, 185). La voici
dans sa forme correcte (par exemple, sénatus-consulte dit de Xarthakion, 1.
16 sqq., 39 sqq.) : av5p£; xaXo'i /.àYaOol xaî «ptXoi r^ixpa. OY;ao'j y.'xXou zayaôou
xal çpt'Xo'j CT'j;x[j.âyo'j xz f||j.£-î'pou. Mais on trouve dans le sénalus-consulle dit de
Magnésie (1. 40-11): [avSpe; zaXoi /.àya6]o'. zapà ôr|ao'j x.aXou /.a! ayaGou zaî
œfXou aua[aâ70u Tê -/jUSTEpou] — : il y a là suppression de "/.aï çÎAO'. (cf. 1. 43).
Dans le sénatus-consulte relatif à l'alliance avec Astypalaia (/G. XII, 3, 173 ^4,
1. 3-4), on lit : avopa zaXov xaE àyaôov [r.apà or^aou] xaÀou -/.aï àyaOoj xa! oîXou
:rpoaayo[péJCTat xrX.] — : il y a suppression, dune part, de xa; çiXov et, de
l'autre, de aLitj.ij.ay ou tî rjasrÉpou II est vrai que, par une altération inverse,
la même formule a été parfois indûment allongée. On trouve dans le sénatus-
consulte dit de Lagina (1. 68-69) : avSpa; xaXoù; xal àyaÔoj; xal çtXou; (j'j[j.u.â-
you; TE f,(j.£T£pou; xxX. Dans le « sénatus-consulte d'Oropos » (1. 17), Hermo-
doros,f. d'01ympichos,est appelé à tort ajvtj.ayoç au lieu de otXoç ; cf. Momm-
sen, Siaaisrec/i<, 111,652,1.
ëxamén critiqué des textes 77
Passons à d'autres sénatus-consultes en langue grecque, et
voyons de quelle manière mention y est faite des magistrats
romains nommés dans le corps du texte. Le parti pris d abré-
viation s'y marque en diverses façons. Non seulement, comme
c'est aussi le cas dans les originaux latins, le prénom du père
est régulièrement passé sous silence ', mais il arrive encore
qu'on supprime ou le prénom ou le gentilicium des magis-
trats'. — L'omission du titre est aussi très fréquente. De
même que C. Lucretius, comme on vient de voir, n'est pas
qualifié de préteur dans le sénatus-consulte pour Thisbé, de
même Cn. Manlius (cos. 189; pro cos. 188) est simplement
dit MâvX'.oç dans le premier sénatus-consulte pour Priène,
antérieur à 135 (1. 4-5)3, et Fvaîo; MavXiiç dans le second
1. 11 y a d'ailleurs des exceptions, dont la raison n'apparaît pas et qui
montrent seulement que la rédaction des sénatus-consultes en lanf,'ue grecque
ne saurait être ramenée à une rè^^e uniforme. Dans le sénatus-consulte dit de
Magnésie (Dittenberger, >ylloge-, 928), le préteur M. Aemilius est toujours
appelé (1. 47, 49, 58, 61) Mâap/.o; A'.txûXto; Maap/.oj jîoç aTpaTïiyoç. Dans le
sénatus-consulte dit de Priène, à lai. 13, on lit: [SÉpouto; (ï)]o'){o]'jio; Koîv-
TO'j uTûaTo;, avec suppression de 'J'-ô;, mot qui se trouve après Ko'.vxou à la
1. 2. Dans le sénatus-consulte dit deLagina, Sulla est appelé une fois, dans le
texte développé (1. 34), [Aeuztwt KopvïiXi'wi Ajîuztou uîwt SûXXai 'E-acppo-
5tTwt, etc.
2. Omission du prénom de Cn. Manlius, comme il est indiqué ci-après, dans
le premier sénatus-consulte pour Priène (1. 4-5), si toutefois la restitution pro-
posée par Ililler flnschr. von Priène, 40) doit être admise. — Omission
du gentilicium (Kopvvto;) de Sulla, aux 1. 20, 22, 26, 52 des actes relatifs à
l'affaire d'Oropos (Dittenberger, S(///o.qre -, 334), les deux premières fois dans le
plaidoyer d'Hermodoros, prêtre d'Amphiaraos, la troisième dans le plaidoyer
de L. Domitius Ahenobarbus pour les publicains. la dernière dans la citation
de l'intitulé dun sénatus-consulte de l'an 80, seul passage où l'on rencontre
le cognomen 'ETzaspdSiTo;. Le gentilicium est indiqué, en revanche, aux 1. 39,
42 et 55, dans la citation de la lex censqria, dans le titre du decrelum de Sulla
concernant le territoire consacré à Amphiaraos, et dans la citation du séna-
tus-consulte de 80. L'onomastique de Sulla se trouve ainsi soumise, dans
cette série de documents, aux plus capricieuses variations ; cf. Mommsen,
Hermès, 1885, 282-283. Dans le sénatus-consulte dit de Lagina, le gentilicium
KopvrJX'.o: ne manque qu'une fois (Dittenberger, Or. gr. inscr. 441, 1. 94). —
Omission du gentilicium des consuls de 73 dans le sénatus-consulte de la
même année (Sglloge -, 334, 1. 63) : tandis que ces consuls s'appellent, l'un,
Mâap-z.o; TspÉvT'.o; Oùâppwv Asj/'.oXXo;, et l'autre, Fâio; Kâaio: Aovyïvo;,
en tête de leur lettre aux Oropiens, ils ne sont appelés que Mâap/.o; AcjxoXXoç
et rotio; Kâjio; dans le pruescriptum du sénatus-consulte de 73.
3. HiUer von Gàrlringen, /fisc/ir. von Priène, 40.
78 CHAPITRE DEUXIÈME
(1. 6). Ser. Sulpicius, ambassadeur en Crète peu après 146,
ne porte pas de titre dans le fragment de sénatus-consulte,
cité par les arbitres magnètes qui jugèrent la querelle des Ita-
niens etdes Hiérapytniens '. On voit paraître comme éponyme,
dans le sénatus-consulte de H 2 relatif aux Technites diony-
siaques (1. 20-2\} ', un magistrat, P. Cornélius, dont rien
n'indi(|ue la fonction, ce qui ne laisse pas d'être embarrassant :
on a pu légitimement hésiter entre P. Cornélius (P. f. Nasica
Serapio) (cos. 138) et P. Cornélius (P. f. Scipio Africanus
Aemilianus) (cos. 134)^; en fait, il semble bien qu'il ne
s'agisse ni de l'un ni de l'autre, mais d'un troisième P. Cor-
nélius, préteur urbain après loO ^ En cinq endroits (1. 20,
22, 26, 42, oo) du document improprement appelé « sénatus-
consulte d'Oropos », Sulla, nommé tantôt Aejy.toç HôAAaç,
tantôt AîJy.icr K:pvr,/acç -jAAxr. ne porte pas le titre d'fm-
perator (a'j'::/,pâTo)p) qui devrait, semble-t-il, lui être attribué.
— Comme complément à ces remarques, il y a intérêt à com-
parer la suscription de la lettre que César adressa en 4o aux
Mytiléniens, en leur expédiant le sénatus-consulte rendu en
leur faveur, avec le passage de ce sénatus-consulte où le
même César se trouve nommé •^. En ce dernier passage, on
ne l'appelle que Vxizz Kaiszp aj-ro7.pa-:wp (1. 23 24), au lieu
qu'en tête de la lettre aux Mytiléniens, il est ainsi désigné :
[Pâte; 'loJA'.cç KaïiTxp ajT0x,p3tT](op, oiy.TâTwp T[b rpÎTCv y.-X. (1.1).
P. Viereck ^ a très bien expliqué cette divergence : « Denomi-
natio vero inus'itata (Fâtoç) KaC-ap aj-roxpâ-r^p hoc modo expli-
cari potest. In praescriptis enimsenatus consulti', cum omnes
1. Dittenberfîer, Sylloge-, 929, 1. 53.
2. Diltenberi,'ei', Si/lloge 2, 930, 1. 21. Il est vrai que ce passa^je est un extrait
du plaidoyer des Techniles dionysiaques d'Athènes ; mais le Sénat, qui fit
insérercet extrait dans le sénatus-consulte, néy;lijfea d'en compléter les indica-
tions insuffisantes.
3. Colin, Fouilles de Delphes, III (21, 81, 3 : cf. BCH, 1899, 40.
4. KlafTenbach, Symbolae etc. 34-35; cf. Pomtow, A'ito, 1914, 302-303.
5. /G, XII, 2, 33 b; cf. Mommsen, Sitzunçfsher. Berl. Akad. 1895, 893.
6. Viereck, 53, note à la 1. 10 du n. XXX.
7. Il s'agit, en réalité, de l'intitulé de la lettre de César formant introduction
au sénatus-consulte ; c'est ce qu'ignorait encore Viereck. et ce qu a fait voir la
publication plus complète du document.
EXAMEN CRITIQUE DES TEXTES 79
et p^enae Caesaris adlatae fuerint denominaiiones^ posfea in
medio senatus consulta ipso non omnes repetitae sunt, sed satis
visum est hoc allcro loco simplicem denomina/ionem xj-.zv.pi-
-(op adferre. » On peut croire qu'on procéda souvent de la
sorte. C'est dans les praescrip/a qu'avaient place, avec leur
nomen Icgitimuni, les appellations solennelles et complètes
des magistrats ; dans le corps du texte, les rédacteurs des
actes, aumoins les rédacteurs grecs, pouvaientou les supprimer
ou, s'il était loisible de les abréger, n'en retenir qu'une partie.
Dès lors y a-t-il paradoxe à supposer que, dans les passages
plus haut rapportés de quelques sénatus-consultes, le titre
consulaire stsaT-^vcç ■j-y.-.zt ait été ramené à la forme plus
brève j-a-rcç?
Peut-être cependant objectera-t-on que l'emploi, dans les
actes du Sénat, de deux appellations, 1 une complète et 1 autre
abrégée, pour signifier une même magistrature exprimée en
latin par un titre unique, eût été chose anormale, non compa-
tible avec la rigueur qui présidait — ou qui est censée avoir
présidé — au libellé de ces actes. Mais il apparaît déjà qu'on
ne doit pas se faire une trop haute idée, au moins s'il s'agit
des sénatus-consultes traduits en grec, de cette rigueur de
rédaction. Et l'on devra se souvenir que l'habitude qu'avaient
les scribes d'incorporer à ces documents, telles quelles ou à
très peu près, les requêtes soumises au Sénat par les ambas-
sades grecques • a plus d'une fois entraîné, dans la façon de
désigner les magistrats romains, dt s inconséquences qui ne
laissent pas de surprendre. G est ainsi, par exemple, que, dans le
1. Voir, à ce propos, les bonnes remarques de Viereck sur le sénatus-con-
sulte de Tabai (//er/nes, 1890, 628 sqq.) ; cf. Dittenbergrer, Or. gr. inscr. ik'i,
net. 1 s. f. Il y a lieu d'observer que l'établissement des sénatus-consultes, par
lesquels il était fait réponse aux poslulala de citoyens grecs ou d'Etats de la
Grèce, était chose un peu difl'ércnlo de ce qu'on suppose d'ordinaire. L'exem-
plaire grec n'était pas tout entier traduit du latin, puisqu'on y insérait, en leur
langue originale, les requêtes adressées au Sénat; d'autre part, celles-ci
devaient être traduites en latin pour prendre place dans l'exemplaiie en
langue latine. Chacun des deux exemplaires comportait ainsi une partie origi-
nale et une partie traduite. On donne des faits une idée inexacte lorsqu'on se
borne à dire que « l'original latin était traduit en grec ». Cf. les observations
analogues de Tàubler Imp. Roinanum, I, 356, 1) sur la tjaducLion en latin des
traités dont le texte original était en grec.
80 CtîAt'ltRÉ DEUXlÈMp;
sénatus-consulte de 112, Gn. Cornélius Sisenna est, à quatre
reprises (1. 32, 33, 34-35, 37), appelé a-py.~ri';bç, bien que le
Sénat, comme il est expressément indiqué aux 1. 59-60, lui
donnât le titre d'àvOj-aT:ç '. Pareillement, dans le sénatus-
consulte dit de Lag-ina, le gouverneur de la province d'Asie
est désigné de deux manières : une fois (1. 59), dans la requête
des députés de Stratonikée, par le titre, beaucoup trop impré-
cis,de à àsytov b sic 'Atrtav ■::op£u:;;.£vsr, une autre fois (1. 111),
dans la réponse du Sénat, par celui, officiel à cette époque,
d' àv9jT:atoç ottiç àsi 'AcCav irapyîiav Bu/aTsysi. Voilà des
variantes d'appellation - beaucoup plus singulières et moins
excusables que celle que se fussent permise les scribes en
qualifiant le consul tantôt de axpy.vr,yo^ j-raTOç, tantôt d'y^aio;.
Toutefois, nous n'en sommes encore qu'aux présomptions.
L'hypothèse selon laquelle 'Jr.xzc: aurait été, dans les séna-
tus-consultes du ii'' siècle ci-dessus mentionnés, une abrévia-
tion de cjtpaTY;';;; j-x-zç peut être, je crois, regardée comme
plausible. Mais la vérité n'en est pas établie ; et, par suite,
elle ne saurait dès maintenant être tenue pour valable.
§ 2. La traducùon du titre consulaire dans le traité de
189 avec les Aitoliens.
Pour éclaircir la question, il importe de tenir grand compte
d'un document public, auquel on n'a pas prêté jusqu'ici une
suffisante attention.
Il s'agit du traité de 189 entre Rome et les Aitoliens, traité
que Polybe a inséré au XXI'^ livre de ses Histoires •^.
1. Cf. Rev. El. une. 1917, 157 sqq.
2. Ajoutons qu'on peut se demander si, dans le st-natiis-consulte dit de
Narthakion (1. 51, 64), le titre d' 'Jr.<x-zoi, au lieu d' àv0j7:aToç, na pas été
appliqué par erreur à T. Quinctius; les premiers auteurs de l'erreur seraient
les députés de Narthakion qui, dans leur requête au Sénat (1. 35-59), auraient
à tort emploj'é ce titre.
3. Pol. XXI. 32. 2-14. Les trois premières clauses (2-3-4) présentent, comme
on sait, des lacunes chez Polybe; cf. Liv. (P) 38. 11. 2 — 9. La traduction de
T. Live, bien qaentachée de grossières inexactitudes, demeure utile parce
qu'elle a été faite sur le texte complet de Polybe, et qu'elle permet, en
quelque mesure, d'en suppléer les parties manquantes.
LE TRAITÉ DE 189 AVEC L*A1T0L1E 81
Les critiques ^, autant que je puis voir, tombent d'accord
que Polybe Ta donné dans sa teneur authentique. C'est ce
qu'on pourrait déjà conclure de l'affirmation si précise :
(XXI. 32. 1) -y. 0$ -Ly-y. [J.spîç -^v twv ffUvÔYjy.wv TajTX 2. Et c'est
ce qui semble démontré par la fréquence de l'hiatus dans
toutes les parties du texte ; par le style du document, con-
forme dans l'ensemble à celui des traités, à nous parvenus en
original, qui furent conclus entre Rome et divers Etats
grecs 3; enfin et spécialement, par le formulaire des deux
premières clauses, qu'on retrouve, très analogue, dans les
traités avec Mytilène, Astypalaia et Méthymna ^. A la vérité,
1. Viereck, 90 ; KIotz, Berl. philol. Wochenschr. 1908, 446-ii7: Schulte,
De raiione quae intercedit inter PoU/hium et tabulas puhlicas (diss. Halle,
1909), 21 (et les auteurs qu'il cite). Cf. Nissen, Krit. Unters. 20 : « — einige
Vertrâge, die von Polybios nach dem \\'ortlaut der Urkunden angefûhrt
werden » ; Tâubler, Imp. Ronianum, I, 62 sqq. ; 374 sqq. — Les objections
de Mentz (13, 1), sur lesquelles je reviendrai plus loin, sont sans valeur. Tâu-
bler (ibid. 375) est d'avis que Polybe n'a pas directement connu le texte du
traité, mais l'a reproduit d'après ses <> sources grecques », « die auf die
ôffentlich aufgestellten Vertrâge zuriickgingen... » 11 suppose {ibid. 64, 379),
mais sans en donner aucune preuve, que ce texte a pu subir quelques légères
altérations.
2. Cf. les observations de A. Schulte {ibid. 21 ; cf. 18).
3. Cf. Viereck, 90; Schulte, 21. — Je signale que des mots Tto aîv/ovri tw Iv
Kep/.jpa (32. 6) — que T. Live n'a pas compris et qu'il a traduits si sottement
par Corcyraeorum magistratibus (38. 11. 5) — on peut rapprocher ceu.\-ci :
[xwi àép]-/ovT[t TJà)! £Î; 'Ajt'av -oghuo;j.£vw., qui se lisent dans le sénatus-con-
sulte dit de Lagina (1. 59), et encoi-e ceux-ci : Toù; àpyovTa; xoù; f,a£T£pou;,
0'.'TtVc; 'Aaiav Mazeoovt'av è-aoyeta; oia/atÉ/oujiv, qu'on trouve dans le scna-
tus-consulte pour Asklépiadès (1. 29).
4. Les rapprochements faits par Tàuhler {Imp. Romanum, I, 49-51:63-65)
rendent ici les comparaisons aisées. — La première clause, ou « clause de
majesté « (32. 2), doit probablement être complétée comme il le propose
{ibid. 63) : 6 8^[j.o; 6 xwv Aitwâôjv ttjv àry/r^y xat xr^v ôuvaaTct'av toj orJ[j.O'j tou
'Pojaaîwv [Ôtao'jXaaai-rw avsu SoXou -ovr,pou]. Pas plus que Tâubler (ibid. 64-
65), je ne doute que la première clause du traité avec Mytilène (IG, XII, 2, 35
d, 1. 1-2) contînt une formule analogue; la restitution de Cichorius, citée par
Tâubler (thirf. 64), semble préférable à celle de Mommsen et de Paton, et doit
approcher beaucoup de la vérité. — Pour la seconde clause, ou « clause de
neutralité » (32. 3), comp., dans Tâubler (ièiVi. 49-51), les traités entre Rome et
Méthymna (/G, XII, 2, 510 — Dittenberger, Sylloge 2, 319), 1. 1 ; entre
Rome et Astypalaia {IG, XII, 3, 173), 1. 29 sqq. ; entre Rome et Mytilène
{IG, XII, 2, 35 d), 1. 3 sqq.. Voir aussi le traité avec Antiochos III : Pol.
XXI. 43. 2.
HoLLEAUX. — Sxpa-riyo; vi-axo;. Ô
82 CHAPITRE DEUXIÈME
P. Viereck ^ a fait observer que le traité de 189 est écrit dans
un grec plus pur que les actes de même sorte dont nous pos-
sédons des transcriptions épigraphiques ; il suppose, en con-
séquence, que Poljbe prit soin d'améliorer par quelques
retouches, d'ailleurs discrètes, le texte officiel du document.
Mais cette hypothèse, déjà contredite par la présence de nom-
breux hiatus, n'a rien du tout de nécessaire. La grécité cor-
recte du traité se peut expliquer très simplement par le fait
que la rédaction en fut principalement l'ouvrage de deux
Grecs, les plénipotentiaires aitoliens Phainéas et Damotélès,
qui conduisirent, comme on sait, toute la négociation avec le
consul M. Fulvius, et qui arrêtèrent, après entente avec lui, le
texte des accords préliminaires, presque intégralement repro-
duits dans la convention définitive ^. Il n'existe, en somme,
aucune raison de croire que Polybe ait apporté quelque chan-
gement notable à la forme originale du traité -K
1. Viereck, 90.
2. Voir Thistoire du traité de 189 dans T. Live (P.) 38. 8 —9.2, et dans
Polybe, X.\I. 29 - 30. 13; cf. Niese, II, 766-767. — Pour rétablissement du
traité préliminaire : Pol. XXI. 30. 1-6. Ce premier traité fut rédigé sous une
forme très précise, article par article — xauxa [i.£v oùv 'jjzst'j-ojÔïi totts y.scpa-
Xatojow; TTEpt Tfov otaXJaîwv (30. 6; cf. 1-5) — , en grec en même temps qu'en
latin, ou peut-être seulement en grec. Ce qui est sûr, c'est que le texte que
Damotélès porta du camp romain en Aitolie et soumit à l'ai^probation des
Confédérés était en langue grecque (30. 6-7). Et il n'est pas moins sûr que ce
texte avait eu pour auteurs Damotélès lui-même et son collègue Phainéas,
lesquels, peut-être assistés des ambassadeurs athéniens ou rhodiens (29. 9),
l'avaient élaboré au cours de leurs conférences avec M. Fulvius (30. 1 sqq.). Or,
comme on le peut voir par la comparaison de Pol. XXI. 30. 2-5 et 32. 2-1 i,
c'est le traité préliminaire, abstraction faite de quelques détails, qui forma
tout le fond du traité définitif, dont Polybe donne la teneur au chap. 32. 2-11.
Ainsi, le texte grec du traité de 189 est d'origine tout hellénique ; on ne sau-
rait s'étonner que sa rédaction en porte témoignage.
3. On peut se demander, dans le premier moment, si Polj'be n'a pas abrégé
le texte du traité. On serait tenté de croire qu'après la clause interdisant aux
Aitoliens de livrer passage sur leur territoire aux ennemis de Rome ou de les
aider en quelque manière (32. 3), et qu'après celle leur enjoignant de les com-
battre (32. 4), l'instrument authentique renfermait, chaque fois, une « clause
de réciprocité », que Polybe aurait passée sous silence. Il est vrai que ces
clauses de réciprocité, dont nous constatons ici l'absence, se trouvent dans les
traités avec Kibyra (Dittenberger, Or. gr. inscr. 762), Méthymna, Aslypalaia
et Mytilène (voir les citations assemblées par Tiiubler, Imp. lîonianum, I,
49-51 ; 55-57); mais on doit prendre garde que le traité avec les Aitoliens ne
LE TRAITÉ DE 480 AVEC l'aITOLIE 83
Or, voici ce qu'on y lit : (XXI. 32. 8) oÔTwcav se Aitw-
Xol àp^fopiou ;j.kv /îipovoç Attixo-j T:apa-/p-^[;.a |j.£v -raXxvTa Ej[iot/,à
Staxôffia TÛ cr-cpaT'/] yÇ> tw èv tTj EX/vâci •/.ta. — ; (32. lOy cstco-
aav AWwXol ô[j.-(^pouç tw a-rpaTYjYÛ TS-TapxxovTa xt/v. — ; (32.
43) C7X'. yOpxi y.où •TriAîiç y.ai avcpîc, clç cOtc, kypSivxo^ gtcI Aeuxiou
Kciv-bu xal rvaiGU Ag[j.£tig'j (jt p aT-/; vôjv -/^ uaTîpcv laXo)(jav -/^ sic
çtXuv *^XGov 'PcoiJ.xbi; xtX. ^ — En ces trois passag-es, le mot
(jxpaTr^YÔ? est l'équivalent de consul. Il est question, dans le
premier et le second (: c-:p3L-r,yh: c h -f^ EXXaoi, o G-poL-r^^b:),
de M. Fulvius (Nobilior) (cos. 489) ; dans le troisième, de L.
Quinctius (Flamininus) - et de Cn. Domitius (Ahenobarbus)
(coss. 492). La notation éponymique — ètzi cxpaxr^Ywv et non
kr:': ù-a-TMv — est particulièrement digne de remarque.
Voilà donc un acte ayant au plus haut degré le caraclère
public, sanctionné à Rome par le Sénat et le Peuple 3, sans
doute arrêté en sa forme définitive dans les bureaux de la
rentre pas dans la même catégorie que ces traités et qu'il fut conclu en des cir-
constances difféientes. Le peuple romain l'imposa aux Confédérés. Ce ne fut
donc point, comme les traités précédemment rappelés, un pacte damitié et
d'alliance ; il n'eut point le caractère bilatéral. L'insertion de la « clause de
majesté » en tête de l'acte est, à cet égard, sig;nilicative. Contraints d'entrer
dans la societas romaine après dedilio, les Aitoliens se trouvent placés par
rapport à Rome dans un état nettement marqué d'infériorité : ils doivent s'en-
gager envers les Romains, au lieu que ceux-ci n'ont à prendre envers eux
aucun engagement (cf. Mommsen, Staatsrecht. III, 663-664, 665, 671 et note 1 ;
Matthaei, Class. Quarterly, 1907, 203; et les remarques de Tàubler, ibid. 63,
65, tout à fait concordantes aux miennes).
1. Ce dernier texte est cité par Mommsen {Ges. Schriften, VIII, 2611 et
l'avait été déjà par Perizonius [Animadv. hislor. 34-35. Amstelod. 1685) dans
ses intéressantes observations sur la traduction grecque du titre consulaire.
Le singulier, c'est que ni le vieil érudit ni Mommsen ne paraissent avoir
remarqué qu'en ce passage ce n'est point Polybe qui parie, mais qu'il fait
simplement une citation.
2. Pour la faute connue de T. Live, qui a remplacé Acjxtoç Koiv-.oç (Pol.
XXI. 32. 13) par T. Quinctius (38. 11. 9), voir l'explication de Nissen, Krit.
Unters. 203,2. Cette faute a pour pendant celle qui se trouve chez T. Live (38.
9. 10) dans la reproduction du traité préliminaire; là encore T. Quinctius est
mentionné indûment, au lieu de L. Cornélius (Scipio) (Pol. XXI. 30. 4) ; cf.
Nissen, ibid. L'essai d'explication récemment tenté par H. J. Miillep, dans sa
réédition (1907) du T. Live de Weissenborn, ne me paraît pas heureux.
3. Pol. XXI. 32. 1 : SoÇavTo; OÈ tw Œuvsoptw, xal -ou orjaou (T'JV£ztiï)çpÎCTavTOî
xtX.
o4 CHAPITRE DEUXIEME
questure, où des consuls sont dits c-paTy;Yct '. La chose est
propre à causer quelque surprise, car elle demeure, au moins
jusqu'à présent, sans analogue '-. Comme les Grecs, ainsi que
nous l'avons appris par maint exemple, ont volontiers donné
ce titre aux consuls, on pencherait à croire que l'emploi
1. Mentz (13, 1) met à ce propos Polybe en cause; il veut que ce soit lui
qui, dans le texte du traité, ait substitué a-pair^dç, aipaTYivoi' à uTiatoç,
UTtaTot. Mais rien absolument, comme nous l'avons déjà dit, ne permet de
croire que Polybe ait altéré le document qu'il a reproduit. Ajoutons qu'en soi
l'hypothèse de Mentz n'offre aucune vraisemblance : pourquoi Polybe, qui
fait lui-même un si fréquent emploi d'JT^aToç, n'aurait-il pu souffrir ici la pré-
sence de ce mot? Ce n'est point le souci d'éviter l'hiatus (toj ûkiitm, Ao[jL£xtou
UTzdxcy/) qui le lui aurait fait écarter, puisque le texte du traité en offre
de nombreux exemples. Dira-t-on qu'ayant plus haut qualifié M. F"ulvius de
aiparriyoç (XXI. 29. 8-9; 29. 11; 29, 14), conformément à la règle qui lui
fait appeler « stratège » le consul en campagne (cf. ci-dessus, p. 47 sqq.), il a
voulu lui conserver le même titre dans le texte du traité ? L'explication pour-
rait, à l'extrême rigueur, valoir pour rem[)loide aipaTriyoç dans 32. 8 et 32. 10 ;
mais il resterait à comprendre pour quel motif L. Quinctius et Cn. Domitius,
qui ne firent point la guerre en Grèce, qui ne quittèrent pas l'Italie, qui ne
figurent dans le traité qu'en qualité d'éponymes et non point du tout comme
chefs des armées romaines, auraient reçu de Polybe un titre qui, d'après la
règle même qu'il s'était prescrite, ne leur convenait pas.
2. Il convient, toutefois, d'être attentif au passage suivant du sénatus-con-
sulte pour les Thisbéens : (1. 41-43) oî'xtvE; etç otÀXa; -dXgi? àTirp^oiav /.aï o\)/\
Tipoç tÔv Tiap' T1JJ.WV aTpaxriyov 7:ap£y£vovxo, or.MÇ [j.7) sic laÇiv xaTaTrooEucov-at '
Tcspt TOUTOU Tou TipayLiaTo; ;:pô; AûÀov [ 'OJuTi'Xiov unaTov YpajjLijLaTa àrioaTsïXat
eSoÇev xtX. P. Foucart {Mèm. Acad. Inscr. XXXVII, ii, 335) le commente
en ces termes : « Les mots tov -ap' fjfX'jJv ŒTpaTriydv ne peuvent désigner un
magistrat siégeant à Rome, mais le préteur que les Romains avaient envoyé
sur le théâtre de la guerre, Lucretius en 171, Ilortensius en 170 « L'expli-
cation me paraît inexacte'ou, tout au moins, incomplète. Il est évident que
les Thisbéens visés dans ces lignes sont ceux qui, à l'heure actuelle, n'ont
point encore fait leur soumission à l'autorité romaine, — autorité représentée
pour le moment par le consul A. Hostilius. « Il semble », dit avec raison P. Fou-
cart, « qu'une sommation leur » avait été « adressée de comparaître devant
le préteur,... Lucretius en 171, Hortensius en 170... » Mais, après le départ
de ces deux préteurs, la même sommation les obligeait à comparaître devant
le consul. Par suite, il ne paraît guère douteux que le mot aipaTrjyo';, dans la
phrase oùyl 7:p6ç tov Tcap' rjjj-wv CTTpaTrjyov ztX. (1. 41), désigne A. Hostilius
aussi bien que les deux préleurs auxquels il a succédé. Il est possible que les
rédacteurs de l'acte aient emprunté cette phrase à la requête déposée par les
ambassadeurs de Thisbé ; en tout cas, il semble que nous ayons ici un
nouvel exemple du titre de aTpaTriyo'ç appliqué à un consul, exemple qui se ren-
contrerait, cette fois, dans un sénatus-consulte. A. Hostilius serait successi-
vement qualifié, par le sénatus-consulte pour les Thisbéens, de (îTpaTriydç
(1. 41) et d'u;:aTo; (1. 43).
LE TRAITÉ DE 189 AVEC [/aTTOLIE 8o
ici fait de a-parr^Yoç est dû à Phainéas et à Damotélès, puisque
ces Aitoliens, comme nous l'avons rappelé, eurent la plus
grande part à la rédaction du traité. Je tiens l'explication
pour plausible ; mais, quoi qu'elle vaille, le fait instructif et
qu'il faut retenir, c'est qu'à Rome on ne fît nulle difficulté
d'admettre, dans le texte grec d'un instrument public, la tra-
duction de consul par 7-py.-r,'(i:. Ce titre ne fut pas jugé
moins correct ni moins acceptable que celui d'j-na-riç.
Ce qui ressort immédiatement de là, c'est que cette règle
stricte, ne souffrant aucune dérogation, en vertu de laquelle
on aurait, à Rome, dès les temps les plus anciens, rendu
consul par uTraTcç, cette règle dont on a fait le fondement de
tout un système, est imaginaire. En réalité, au moins au
commencement du ii'^ siècle, il put y avoir et il y eut quel-
quefois variation dans l'usage, lorsque, dans le texte déve-
loppé d'un document public, il était fait mention de consuls ;
en pareil cas, pour désigner ceux-ci, il arriva qu'on se servit
du mot j-rpxr^yiç aussi bien que du mot u-aicç.
Cette première remarque en suggère une autre. On ne peut
raisonnablement supposer que le gouvernement romain ait,
par caprice et selon l'occasion, appelé officiellement les
consuls tantôt ur.a-ci et tantôt TTpa-:Y;Yo(. Par suite, ni le
titre de aTpaT-/;Ys; — qui leur est donné, dans le corps du
texte, par le traité de 489 — , ni celui d' uTratoç — que leur
attribuent, dans le corps du texte, les sénatus-consultes pour
Thisbé, Narthakion, Messène et Priène — ne sauraient être
considérés comme des titres officiels. Il ne faut voir dans
i7-py.T-q-[ôq et dans jttxtcç que deux abréviations différentes
d'une même appellation solennelle.
Mais si cette appellation a pu être abrégée parfois en c-pa-
TY^yoç, parfois (et sans doute beaucoup plus souvent) en jTraTcç,
c'est qu'étant complète elle comprenait les deux termes. L'abré-
viation s'est faite par la suppression de l'un ou de l'autre, —
du second dans le traité de 189, du premier dans les sénatus-
consultes ci-dessus mentionnés ; l'appellation complète, for-
mée de leur rapprochement, était 7-:poL-r,';lq ■jr.oi-zq, c'est-à-dire
la même dont les consuls ont fait, nous l'avons vu, un si
86 CHAPITRE DEUXIÈME
fréquent et si long- usage dans le formulaire de leurs actes.
Par une induction qui semble sans reproche, nous sommes
amenés ainsi à penser qu'au commencement du ii"^ siècle,
le Sénat romain, lorsqu'il donnait aux consuls leur appella-
tion solennelle en langue grecque, les qualifiait de <7-cpaxY)Yol
'JTzxToi. Mais il est sûr que des preuves formelles seraient
ici préférables à toute induction.
Ces preuves ne manquent point. Des documents nous ont
été conservés, qui nous en offrent plusieurs. On peut consta-
ter, en effet, qu'il a été fait emploi du titre de axpavqY'^q ^^^"
TOC comme appellation solennelle des consuls : dans un décret
rendu, au nom et sur l'ordre du Sénat, par ses représentants ;
— dans deux lettres consulaires qui, jointes à deux sénatus-
consultes, en reproduisent certainement le formulaire; —
dans une lettre écrite par le Sénat ; — enfin, dans un sénatus-
consulte.
§ 3. La traduction du titre consulaire dans la Proclama-
tion de Corinthe.
Je crois devoir dire quelques mots de la célèbre « procla-
mation » faite aux Isthmiques de 196. Il semble, en effet,
qu'on se soit parfois mépris sur la nature du document publié
à Corinthe, document où le consul (alors proconsul) T. Quinc-
tius est appelé, comme on sait, ffTpatvjYbç u-a-roç. Je ne puis
assez admirer, je l'avoue, qu'on l'ait voulu mettre à part des
« actes officiels » du Sénat.
Le texte nous a été transmis par Polybe, et l'on ne peut
douter qu'il l'ait donné en sa forme authentique. Ceci, à la
vérité, ne résulte pas du tout, ainsi qu'on l'a prétendu *, du
1. P. Foucart, Rev. Philol. 1899, 257 : « La concordance du texte cité par
Polybe et par Plutarque [Tilus, 10] en garantit raulhenticité (de la procla-
mation)... » : cf. Colin, Rome et la Grèce, 72, 1 : « Même texte (que dans
Polybe), sauf des modifications sans importance, dans Plut. FLimin..iO, etc. »
La relation critique qui existe entre la Vie de Tiliis et Polybe a été depuis
longtemps définie par Nissen, Krit. Untersuch. 290, § 3 : « Hauptquelle (des
Plutarchos) ist Polybios, in zweiter Linie ein Annalist, dann eine Reihe von
Bemerkungen und Anekdoten aus seinem umfassenden Excerptenschatz. —
G. 10 nach Polybios [XVIII. 45-46], abgesehen von zwei Anekdoten «.Une faut
LA PROCLAMATION DE CORINTIIE 87
fait qu'on le retrouve, sans variante notable, dans la Vie de
Titus par Plutarque, car il est connu de longue date que
Plutarque n'a fait que l'emprunter à Polybe comme tant
d'autres parties de la même biographie. Mais il est sûr que
des copies multiples de la « proclamation » de Corinthe furent
répandues par toute la Grèce, et il est très probable aussi
qu'on la grava maintes fois sur le marbre ' ; rien ne fut si aisé
à Polybe que d'en connaître la teneur exacte et de s'en pro-
curer une transcription fidèle.
Voici cette « proclamation » telle qu'on la lit dans son
ouvrage : (XVIII. 46. 5) r, GJ-(yj.-q~oq r, 'Pw[jLauov ~ -Acà Ti-oq
KoîvTioç, (jTpa-crjvbc u-aT5ç, •/,aTa7:oA£;rf,(javT£ç ^ocdCAéoi, *ï>rAiTCâov y.y.1
May.csivaç, àstàjcv iXs'jOspou;, àspo'jprjTcuç, àçop2AOY"^-;uç, v2[X2iç
"/pM'xÉvou; Tcîç T:a-pÎ2iç KipivÔiiuç, 'i^or/Axz, Acxpijç, K'j^osiq,
AyoLiojq ~oi)ç 'POioKaç, ^ly.'^vr,-y.:, @i--y.'/.zj:, Ylsppy.'.'^zJq.
Si l'on a égard aux circonstances, rapportées par Polybe \
qui précédèrent la publication de lacté de Corinthe, et si l'on
est attentif aussi à sa rédaction, il ne sera point possible d'hé-
siter sur son vrai caractère. — Ce qu'on appelle, d'un terme
vague, la « proclamation » ou <( déclaration » de Corinthe, ou
encore, par une plus fâcheuse impropriété, la « proclamation
de la liberté hellénique » ^ fut en réalité la communication,
donc pas dii-e qu'il y a concordance entre Polybe et Plutarque : il y a, ce qui
est fort dînèrent, emprunt de Plutarque à Polybe. — Je ne rappelle que pour
mémoire les formes diverses données à la « proclamation » de Corinthe par
T. Live (33. 32. 5), Appien (Maced. 9. 4) et Val. Maxime (4. 8. 3). T. Live n"a
fait que traduire Polybe: on sait que les chap. 27 — 35 de son 1. 33 en
sont presque entièrement extraits (Nissen, Krit. Unters. 144-145). Sa tra-
duction, médiocrement exacte (cf. Weissenborn, ad Liv. 33. 32. 5), ne pré-
sente qu'une particularité intéressante : il semble qu'il n'ait pas com-
pris l'expression aToaT/iyo; îi-aro;, qu'il rend par imperator. — Le texte qui
se trouve chez Appien est déjà gi'avement altéré : ô OTjtxo; ô 'Ptij!j.aLtjjv x.af tj
(jjy/.XïjTo; /.ai «tÀaa'.vrvo; ô aT^ia-riyo; — koiS.'s: triv 'EÀÀâôa àopo'jprjtov /.tX.
Celui de Val. Maxime n'a presque aucun rapport avec l'original; T. Quinctius
y est, comme chez T. Live, qualifié d'imperator.
1. Comp. ce qui eut lieu pour la proclamation, tout à fait analogue, faite
par Néron le 28 novembre 67.
2. L'expression auy/.Àr)TOç 'Poj[j.atwv est attestée par maint exemple ; je crois
seulement que l'addition de l'article, après ayy/.XrjXo:,est due à Polybe.
3. Pol. XVIIL 44. 1 ; 45.
4. Sur l'erreur ordinairement commise à ce sujet, cf. les bonnes remarques
88 CHAPITRE DEUXIÈME
faite aux Grecs assemblés, d'une décision qui intéressait les
nations de la Grèce propre jusque là dépendantes de Philippe et
tombées au pouvoir de Rome. Cette décision, comme on le voit
tout au long dans Polybe, fut prise — au nom du Sénat et
conformément à ses instructions ' — par ses représentants
autorisés, c'est-à-dire par les dix commissaires qu'il avait
envoyés en Grèce pour y veiller à l'exécution du traité accordé
à Philippe et pour y régler, avec le concours de T. Quinctius,
les questions qu'elle devait soulever.
Examinons, aussi bien, la teneur même du document. 11
n'est pas permis, pour les besoins d'une thèse, de passer
outre à la particularité très significative qu'on y rencontre
d'abord : c'est, à savoir, que le Sénat y est nommé en premier
lieu, comme en étant le premier et véritable auteur ~. T.
Quinctius n'y figure qu'en deuxième place ; effectivement, il ne
joue ici qu'un rôle secondaire. Comme le magistrat qui préside
à Rome le Sénat, il a présidé les réunions des commis-
saires sénatoriaux, mais sans avoir autorité sur eux. S'il a
pu collaborer à leur decretum ■^, ce décret n'est pas son ou-
de Holm, Griech. Gesch. IV, 450, 6, et de Tâubler, Imper. Romanum, i, 437.
Polybe, comme l'ont bien vu ces deux critiques, est le premier responsable
de cette erreur; le résumé qu'il fait (XVIII. 46. 15) de l'acte de Corinthe en
donne la plus fausse idée : ôià xYipûyiiaTOç évo; a::avTa; zal xoùç ttjV 'Aaîav
•/.a-roty.oùvTa; "E)wX-^vaç -/.aï Toù; T7]v Eùf.oj-rjV èXeuôépouç, açpouprJTOUç, açopo-
XoyrjTO'j; ■^v/i<^Q<x:, voij.oiç ypoiaivouç lOt; lOtotç.
1. Ces instructions (ÈvToXaî) sont mentionnées nettement par Polybe, qu
en note la précision (pTjTa;) : XVIll. 45. 10. C'est seulement au sujet de Chal-
kis, de Corinthe (avec l'Acrocorinthe) et de Démétrias, que le Sénat avait
laissé aux Dix la liberté de se décider sur place d'après les circonstances (Pol.
ibid.). Comp. ce que dit T. Live (45. 17. 7 ; Ann.) à propos des légats envoyés
en Macédoine et en Illyrie en 167 : — in senatu quoqiie acfilatae sunl siimmae
consiliorum, ut inchoala omnia legali ab domo ferre ad imperaiores passent .
2. Le fait est d'autant plus remarquable qu'il est contraire à l'usage habi-
tuellement suivi. Comme on l'indiquera plus loin, lorsque le Sénat adresse
quelque communication à l'étranger par l'intermédiaire d'un magistrat, il est
de règle qu'il ne soit mentionné que le dernier dans la suscriplion de la mis-
sive: cf. ci-après, § 5. — Mommsen [Slaalsrechf, III, 1147, 1) insiste avec rai-
son sur la forme particulière de la déclaration de Corinthe.
3. C'est à bon droit que Taubler (Imp. Romanum, I, 437, 438) qualifie de
« décret » ou de « décret sénatorial » la déclaration faite aux Isthmiques ; le
terme d'edictum, employé une fois par Mommsen (Ges. Schriften, VIII, 261), ne
LA PROCLAMATION DE CORINTHE 89
vrage ' ; en fait, il n'a d'avis que celui des Dix '^ et n'est que
l'exécuteur de leur volonté, c'est-à-dire de celle du Sénat.
On doit rapprocher ce qui eut lieu à Gorinthe en 196, de ce
qui se passa, en 167, à Amphipolis. L. Aemilius Paullus, ayant
convoqué dans cette ville les principaux de la Macédoine, leur
fît publiquement connaître quel serait désormais le sort de
leur nation. T. Live, traduisant Polybe, décrit ainsi la scène :
ipse {L. Aemilius) — cum decem legatis, circumfusa omni
multilndine Macedonum, in tribunali consedit. — Paullus —
quae senatui, quae sibi ipsi ex consilii sententia ^ visa essent,
pronunliavit '*. Voilà qui nous éclaire parfaitement sur la
paraît pas correct. Cf. Liv. (P.) 33. 34. 5 : décréta decem legatorum in civita-
tes nominalim pronunliabaniur ^ Pol. XVIII. 47. 5 : Ta odÇavra tG> auveSpt'w
Sisaâçouv [decem legati] — ; rapprocher aussi Liv. (P.) 39. 29. 1 (ann. 1S5) : si
decem legaioruin decreto Eumeni datas civitates essent eqs. — Dans Liv. (P.)
33. 3L 1, les mots decretiim legatorum sont, au contraire, une impropriété ;
il s'agit là du sénatus-consulte relatif à la paix avec Philippe ; cf. Pol. XVIII.
45. 1.
1. Voir, sur les rapports des généraux avec les commissaires du Sénat, les
remarques de Mommsen, Staat.ij-echt, II 3, 693 (et note 1) : « — formell zwar
sind die Zehnergesandlschaften des Sénats nichts als das Gonsilium des den
Frieden abschliessenden Feldherrn, aber derselbe ist an ihre Entscheidung
gebunden und es steht alsohier den Gesandten redit eigentlich die Beschluss-
fassung zu — « ; cf. ibid. III, 1168-1169, où Mommsen insiste sur ce fait que
« la commission est liée par les instructions du Sénat, et le général par la
décision de la majorité des commissaires. » — On sait de reste que le magis-
trat assisté d'une commission sénatoriale n'agit que de ou ex legatorum consi-
lio ou sententia ; voir les textes cités par Mommsen [ibid. \\^, 693, notes)
et par Adamek [Die Senatsbolen der rôni. Republik (Progr. Graz, 1882-1883),
18-19 et les notes). On remarquera dans T. Live (30. 44. 13; Ann.), la phrase: —
ut quae ab se (P. Cornelio Scipione) ex decem legatorum sententia acta essent,
ea palrnm auctoritale populique iussu confirmarentur.
2. La réponse de T. Quinctius aux envoyés d'Antiochos, en 195, est parti-
culièrement significative (Liv. 34. 25.2; P.): Anliochi legatis — respondit
nihil se absentibus decem legatis sentenliae habere. — Lorsqu'en 196, il se
produit, au sujet d'Oréos etd'Erétrie, un dissentiment entre Titus et les Di.x
(Pol. XVIII. 47. 10), le proconsul n'a pas qualité pour trancher le différend:
la question est renvoyée au Sénat, qui décide.
3. Nul doute que, dans l'expression ex consilii sententia, le mot consilinm
ne désigne la commission des decem legati. Il est probable que, dans le texte
interprété par T. Live, Polybe, parlant de cette commission, employait le
mot «JuvsSptov = consilium ; cf. Pol. XVIII, 45. 8 : TivayxâÇEXo Trotsïaôai Xdyou;
6 Tito; èv tw a'jvsSpt'w — ; ib. 10 ; 45. 12 ; 47. 5, etc.
4. Liv. (P) 45. 29.1 ; 29.3. Cf. Diod. XXXI. 8. 3 : ïoo^s Trj auy/.XrJTO) toÛ; xs
MazeSdvaç xal to'j; 'IXXuoio'j; èXjyGîoouç àesivat '/.tX.
90
CHAPITRE DEUXIEME
nature de la déclaration faite à Corinthe : ce qu'on y publia,
ce fut, comme à Amphipolis, la volonté du Sénat — quae
senatui visa esseni — , notifiée et, sur quelques points, précisée
par ses dix délégués, assemblés en un consiliuni dont le pro-
consul-président était le mandataire.
Il suit de là que la « déclaration » de 196 est, au premier
chef, un « acte officiel » du Sénat — un acte fort analogue,
partant, aux sénatus-consultes, et qu'il convient sans doute
d'en distinguer, mais qu'on en doit étroitement rapprocher.
On a voulu que cette déclaration eût été u d'abord rédigée
en grec et non traduite du latin » K C'est une hypothèse qu'on
a faite tout exprès pour justifier la théorie selon laquelle l'ap-
pellation ffTpaTYjvsç 'jzy.-::, ici donnée à T. Quinctius, n'appa-
raîtrait que dans les documents où les « généraux romains
s'adressent directement aux Grecs », sans avoir auparavant
« exprimé leur pensée en latin ))2. Mais outre que, dans le cas
présent, il s'agit de tout autre chose, on vient d-e le voir, que
d'une communication d'un « général romain à des Grecs »,
on s'aperçoit sans peine que cette hypothèse, qui n'est
appuyée d'aucun argument, a contre elle toutes les vraisem-
blances. Je n'ai pas réussi, je l'avoue, à découvrir, dans le
texte de la déclaration, les latinismes que L. Hahn y discerne
avec une subtilité inquiétante ^ ; mais, en revanche, il est
quelques remarques fort simples qu'on ne peut s'empêcher de
faire. Les instructions — les IvTsXai dont parle Polybe * — , que
le Sénat remit aux Dix et qui leur traçaient leur conduite,
étaient rédigées en langue latine. Aux légats eux-mêmes,
apparemment, le latin était plus familier que le grec. Pour ces
deux motifs, c'est en latin qu'ils durent délibérer et discuter.
Gomment douter, après cela, que le decretum, issu de leur
commun travail et qui, pour tout l'essentiel \ ne faisait que
1. P. F'oiicart, /Jeu. Philol. 1899, 257; de même, Colin, Rome el la. Grèce,
72, 1 : « Le texte original est probablement le texte grec. »
2. P. Foucart, ihid. 256.
3. Hahn, Rom iind Romanismus, 35, 5 ; 43. Voir, en sens contraire, Schulte,
De ratione quae intercedit eqs. 33.
4. Pol. XVIII. 45. 10.
5. Gomp. ce qui a lieu en 189, lorsqu'est conclue la paix avec Antiochos ;
LA PROCLAMATION DE COR[NTHE 91
reproduire les instructions du Sénat, ait été écrit en latin?
Comment douter que ceux des légats qui n'entendaient qu'im-
parfaitement le grec aient, avant la clôture des délibérations,
exigé l'établissement d'un texte en leur langue, qui leur per-
mît de vérifier si le décret exprimait fidèlement la volonté du
Sénat et la leur, et qui servît de modèle au texte grec? Aussi
bien, puisqu'il est avéré que, chaque fois que le Sénat
traitait quelque affaire relative à des Grecs, ses décisions,
d'abord consignées en latin, n'étaient qu ensuite traduites
en grec', pourquoi ses représentants en Grèce se fussent-ils
départis de cette procédure traditionnelle? A quoi l'on peut
encore ajouter ceci : Les Dix ne purent moins faire que de
mander au Sénat le texte de leur decretum ; il est clair que
l'exemplaire qu'ils lui en adressèrent était en latin ; il y eut
ainsi, de toute nécessité, une rédaction latine de ce décret :
n'est-il pas évident que cette rédaction latine en dut précéder
la rédaction en grec? — Au surplus, le raisonnement par ana-
logie étant ici plus que légitime, reportons-nous une nouvelle
fois à la déclaration que L. Aemilius fît, en 167, aux Macé-
doniens assemblés àAmphipolis. Silentio per praeconem facto,
dit T. Live d'après Polybe -, Paullus latine, quae senatui,
quae sibi ex consilii sententia visa essent, pronuntiavif ; ea Cn.
Ocfavius praetor [nam et ipse aderat) interpretata sermone
Graeco referebat. Le décret des dix commissaires délégués
auprès du vainqueur de Perseus fut, on le voit, rédigé en
latin ; c'est de ce texte latin que L. Aemilius donna lecture
aux Macédoniens; cependant, au fur et à mesure, Gn. Octa-
vius le leur traduisit en grec. Sans aucun doute, en 196, le
décret des Dix reçut pareillement la forme latine ; puis on en
fît en grec cette traduction, certainement résumée, que
Liv. (P.) 37. 55. 7 : decem lerf^tos hos decreverunt (paires) — ; (56. ï)his, quae
praesentis disceptationis essent, libéra mandata; de summa rerum senatus
constituit eqs. Gomme l'ont remarqué Nissen [Kril. Unlers. 199-200) et Niese
(II, 748, 3), la traduction de T. Live reproduit ici le te.xte de Polybe avec
plus de fidélité que le résumé de l'épitoniateur (X.X.I. 24. 4 sqq. = Exe. de
légat., pars II, § 18, p. 257 De Boor).
1. Mommsen, Siaatsrecht, III, 10o6-]007.
2. Liv. (P.) 43. 29. 3.
92 CHAPITRE DEUXIÈME
Polybe nous a transmise et que récita le héraut dans le stade
isthmique. — Ainsi, nous avons tout droit de penser que
l'expression a-:pa-:Y;Yb; •j-y.-.oz, jointe au nom de T. Quinctius
dans la proclamation de Corinthe, traduisit simplement le
mot consul qui se trouvait dans le décret original des légats.
Mais au reste laissons ce point. En quelque idiome qu'ait
d'abord été rédigé l'acte publié à Corinthe, c'en est l'origine
et la nature qu'on doit d'abord considérer. Or, en raison de
son origine et de sa nature, que j'ai rappelées et précisées, il
parait assuré que le formulaire n'en devait pas différer de
celui qu'on avait accoutumé d'employer dans les actes du
Sénat traduits en langue grecque. Si donc T. Quinctius y est
appelé (j-paTv;Ybç jza-oç, c'est que telle devait être la forme
solennelle donnée au titre consulaire par les sénatus-consultes.
Voilà ce que, dès maintenant, il semble loisible d'affirmer.
Pour justifier cette affirmation, nous pouvons d'ailleurs pro-
duire d'autres arguments, soit indirects, soit directs.
§ 4. Nouvel examen des lettres des consuls C. Fannius et L.
Calpurnius Piso.
Il y a lieu dc^ revenir ici sur deux lettres, déjà connues, qui
ont pour auteurs des consuls : celle de C. Fannius (Strabo)
(cos. 461) aux magistrats de Kos ', et celle de L. Calpurnius
Piso (cos. 139 ou 133) aux Itaniens et aux Hiérapytniens -. Il
importe de bien déterminer dans quelles circonstances ces
deux lettres furent écrites et d'en avoir présents à l'esprit
l'objet et le caractère.
Voyons d'abord la lettre de C. Fannius. Dès qu'on la par-
court, on reconnaît nettement à quelle occasion ce consul
l'expédia ■^. Voici ce qu'elle nous apprend :
Le Sénat a rendu un sénatus-consulte en faveur des Juifs, à
1. Ci-dessus, p. 5.
2. Ci-dessus, p. 6.
3. Voir, en général, le judicieux commentaire de Niese {Oriental. Studien
Th. Nôldeke gewidmet, II, 821 sqq.).
NOUVEL EXAMEN DES LETTRES DE C. FANNIUS ET L. PISO 93
la prière d'une ambassade venue de Judée '. Il a. de plus,
décidé • qu'il serait remis aux ambassadeurs des lettres de
recommandation ' pour les peuples amis de Rome, dont ils
toucheraient le territoire à leur retour dans leur pays. — Au
moment de quitter Rome, les ambassadeurs sont allés trouver
le consul G. Fannius — très certainement parce que c était lui
qui les avait introduits dans le Sénat et y avait fait la relatio
qui les concernait — , et l'ont prié de leur faire tenir le texte
du sén;itus-consulte. Le consul a naturellement acquiescé à
cette demande ; il leur a donné copie du décret du Sénat. En
outre, comme le Sénat l'avait prescrit, il a rédigé et remis aux
ambassadeurs ces lettres de recommandation dont ils devaient
être munis à leur départ ^. C'est l'une d'elles, adressée aux
mag-istrats de Kos, qui nous a été conservée ; à cette lettre,
comme à toutes les autres, se trouvait jointe, en guise de pièce
justificative, la copie du sénatus-consulte '',
Nous avons donc ici l'exemple d'une lettre consulaire com-
posée à Rome, peut-être d'après un original latin, probable-
ment dans les bureaux de la questure, en tout cas, par la
volonté expresse du Sénat ^. Si l'on regarde au fond des
1. Pour le pluriel "ri Tj-r/Xr^-o-j oo'yaaTa tx T.fA OLj-Cy/ ('louSaicov) YîyovoTa,
voir l'explication de Niese iihid. II, 826) ; cf. Mendelssohn, Senaii consulla
Rumanorum Acta socief. philol. Lipsienxis, voL V), 155. Il s'agit d'un séna-
tus-consulte composé d'une série de résolutions (oovjAaTa) votées séparément.
2. Cette décision, comme le remarque avec raison Niese {ihid. 826), dut faire
l'objet d'un décret spécial du Sénat; c'est ce décret qui est rappelé par les
mots : zata to -?,; a'jyy.Àr|TO'j odya-a.
3. Pour cet usag:e, comp., en général, Mommsen, Staalsrecht, 111,1156;
Niese, ibid. 821-822 ; sénatus-consulle pour les Thisbéens, 1. 56-60; Joseph,
Ant. Jud. XIII. 9. 2, 263, 265 sénatus-consulte de 131?); XIII. 5. 8, 165 :
(t^; JjOuÀ^;) Sojar,; Èr-.'JTO/.à; ~poç a-avxa; TO'Jç [îaai/.êîi; x^; 'Aaia; zat
Eùpoi-rj; xal -lov -o'Àswv apyovxa; xjto?; x.oiiîreiv, otzwç àa^aÀoij; t^; s!; -r)v
oîxetav y.ouLiSrj; ot' ajxwv X'j/ojatv — : XIV. 10. 22, 251-253 (décret de Pergame).
4. Cf. 'Siese.ibid. 821-822.
5. C'est ce que montrent bien les mots : j-oxÉxa/.xa; 0£ xà OîôoYaéva. Cf.
Joseph, yln<. Jud. S.IV. 10. 22, 252 (décret de Pergame) : à-oÀapo'vx£; des stra-
tèges de Pergame) xî x/,'/ £-;!jxoÀr,v -as' ajxou (l'ambassadeur juif) xai xô xr)ç
ouyzXrJxou ôdyjxa.
6. Cf. le sénatus-consulte pour les Thisbéens, 1. 56-60. Dans le texte de
Josèphe cité plus haut, noter les mots : (xr;; jJojX:^;) oojjt,; à-'.JXoÀà; zxX.
C'est le Sénat qui est censé avoir délivré lui-même aux ambassadeurs les
lettres de recommandation qui assureront leur sécurité pendant leur voyage
de retour.
94 CHAPITRE DEUXIÈME
choses, on la peut presque considérer comme un acte d'ori-
gine sénatoriale : en effet, le consul qui la rédigea ne fit que
suivre les ordres des Patres et servir à ceux-ci d'interprète '.
Or, nous avons vu que, dans la suscription, c'est-à-dire dans
une formule solennelle, C. Fannius s'intitule, non point j-a-
Toç, comme feront plus tard les consuls en des cas ana-
logues ^, mais arpaT-zj^b; •J-aT2ç.
Passons maintenant à la lettre, mentionnée dans une sen-
tence arbitrale des Magnètes-du-Méandre, que le consul L.
Calpurnius Piso adressa aux Itaniens et aux Hiérapytniens,
après que ces peuples eurent, pour la seconde fois, saisi le
Sénat de leur querelle. Il est à propos de citer les passages
de la sentence des Magnètes qui sont relatifs à cette lettre
(Sz/Z^ogre-, 929, 1. 9-11) : y.v/v.^z-zvr^ij.viuy) /.al xjtcov (arbitris a
Magnetibus electis) û-b xou cr;;/:j (Magnetum) cuàtrai Kp-^alv
'lT[avbt; TE v.aij 'l[£p]a7:uiv[tciç 7.7.-% zz vEYojvbç 'J7:b --^ç (S'^Y^J.TiXZM
oÔYJj-a y.ai y.atà r/jv à-oaTaX£Îa-a[v Itcic-oayjv 6-b A]£[uxtou KaXcirop-
v(su Acj'jy.b'j 'j'.ij riîîa-Mvo; îTparr,Y2o û-aiî'j — (1. 18-23)
T-?;ç 8à TuvxXrjTOu a-3t'/;tj[a"/;? ~%i -ap' éa'jjT-r;'. Tr[pc; à'-av-a; àvÔpo')]-
7::u; 6-ap73'Jff-^'. of/.a'.;ff'jvir;t, oz'jcr^ç xp'.T-J;v a'jT[oî; xbv rj[;.£t£p]o[v]
c['^;xov, o'.aTâ^avTo; c]s -spi tojtwv y.ai toj aTpxTr^You Ae'jxic'j KaAo-
7:o[pvfo'j As'jy.bu u]bj nci7(o[v]s[ç, xaO]iTi Ta àzocsôiV-a r^\jXv ùz'
éxaTspwv Ypaixij.aTa r^zp'.iy^v., h ot,[j.o^ r,ixw[v], toù ts Ù7:b P(0[;.2uov
TÛv y.or,v(I)v £j3pY£-.ÔL)v où -avTbç Ypx3);;j.£vc',ç ^ zEi^EjOai 7;piaipo'j-
[j.£voç, (1-2'^) £~:tr(!7aT0 r};v aïpEjiv tsj ciy.ajrr^ptcu.
Les circonstances rappelées brièvement dans ces lignes
n'ont rien d'obscur, l'histoire d'autres différends qui se pro-
duisirent entre cités grecques et qui furent réglés par l'inter-
vention du Sénat, nous fournissant ici des indications paral-
lèles et complémentaires ''. — Le consul L. Calpurnius Piso a
1. On sait que le Sénat ne fait jamais de communications que par Tintermé-
diaire des magistrats qui l'ont présidé : « neque omnino senalus cum populis
agit nisi per consules » (Mommsen, CIL, I, 196, p. 44; cf. SUialsrechl, III,
1026-1027).
2. Se rappeler la lettre des consuls de 73 aux Oropiens, ci-dessus, p. 8.
3. L'expression xà Û7:ô Toiu-aîwv ypaçôasva est la même dont Polybe fait
un si fréquent usage en parlant des communications du Sénat : xa 7:apa
'Pcuaat'tuv YpaÇOI-i-Éva.
4. Se rappeler notamment le litige de Priène et de Magnésie-du-Méandre
NOUVEL EXAMEN DES LETTRES DE C. FANNTUS ET L. PlSO 95
introduit dans le Sénat les députés d'Itanos et de Hiérapytna,
lesquels y ont fait l'exposé contradictoire de leurs griefs. Le
Sénat, avant ainsi pris connaissance de la querelle des deux
villes Cretoises, a rendu à leur sujet un sénatus-consulte. Par
cet acte, il a décidé de soumettre leur litige à l'arbitrage des
Magnètes-du-Méandre et donné à cet effet ses instructions au
consul ', qu'il a chargé de régler toute la suite de l'afTaire, L.
Piso a donc écrit aux Itaniens et aux Hiérapytniens - ; il leur
a transmis le texte du sénatus-consulte qui les concernait '\
les a avisés de la procédure arrêtée par le Sénat en vue de
terminer leurs disputes, et leur a fait connaître les démarches
qu'ils devaient accomplir auprès des Magnètes, désignés pour
au sujet d'un territoire conteste, peu après 188 Dittenberfrer, Sylloge ^, 928 =
Hiller von Gartringen, Ins( hr. von Priene, 531), et celui de Messène et de
Lacédémone (Dittenberger, Sylloye -, 314, III = 7G, V, 1, p. xv, testimon.)
concernant V ager Denihe liâtes. — G. Colin (Home et la Grèce, 509-510) a donné
un bon résumé de l'affaire relative à Priène et à Magnésie, sur laquelle nous
sommes particulièrement renseignés : « Les députés des deux villes se sont
d'abord rendus à Rome, où ils ont sollicité une audience du Sénat; ils l'ont
obtenue, et, introduits par le préteur M. Aemilius [qui ne peut être, quoi
qu'ait cru G. Colin, M. Aemilius Lepidus pr. urb. 143]. ils ont exposé con-
tradictoirement leur cause. Là-dessus, un sénalus-consulte a été rendu, dont
le préteur adresse la copie aux habitants de M^lasa, et dont une bonne
partie .. nous a été conservée. Le Sénat se refuse à rien prononcer directe-
ment : il décide que le préteur M. Aemilius investira des fonctions d'arbitre
un peuple libre au choix des deux villes, si elles peuvent s'entendre,
ou à son propre choix, si elles n'arrivent pas à s'accorder. Le peuple-
arbitre verra s'il y a lieu d'attribuer aux uns ou aux autres des indemnités
M. Aemilius écrit à Magnésie et à Priène qu'elles doivent se soumettre à lar^
bitrage, et aux gens de Mylasa qu'ils ont à constituer un tribunal ». — De
même, le Sénat ayant décidé par sénatus-consulte de déférer la querelle des
Messéniens et des Lacédémoniens à l'arbitrage des Milésiens, le préteur Q.
Calpurnius (Piso) a reçu mandat de réglerions les détails de la procédure: il
a écrit aux Milésiens, leur a communiqué le texte du sénatus-consulte et les a
invités à jouer leur rôle d'arbitres; il a dû aussi, dans le même temps, écrire
aux Messéniens et aux Lacédémoniens, afin qu'ils se missent en rapports
avec les arbitres désignés par le Sénat.
1. Certaines de ces instructions, qiXi étaient consignées dans le sénatus-
consulte, sont rappelées aux l. 87-88 de la sentence des Magnètes.
2. L. 10-11; cf. 1. 20-21. Il est très vraisemblable — bien que la chose ne
soit pas indiquée — que L. Piso écrivit aux Magnètes en même temps qu'aux
deux peuples crétois.
3. Deux passages du sénatus-consulte sont cités littéralement aux 1. 51-54,
79, de la sentence des Magnètes ; un troisième est résumé aux 1. 87-88.
96 CHAPITRE DEUXIÈME
leur servir d'arbitres. Tel a été l'objet de cette sttwtoXv^ du
consul ^, à laquelle se réfèrent les y.piTai de Magnésie, et qui
leur fut communiquée en double exemplaire et par les Ita-
niens et par les Hiérapytniens (1. 21).
Ainsi, voilà encore l'exemple d une lettre qu'écrivit un con-
sul, non point en Grèce et proprio motu comme T. Quinctius
s'adressant aux Chyrétiens ou L. Mummius aux Technites
dionysiaques, mais à Rome et pour se conformer aux instruc-
tions du Sénat. Cette lettre n'est qu'une sorte d'introduction
et de commentaire au sénatus-consulte qu'elle accompagne et
dont elle est inséparable. Or, dans l'adresse, I^. Piso, agissant
au nom et sur l'ordre du Sénat, a pris, comme tout-à-l'heure
C. Fannius, le titre de a~Çla-r^-fzq jz^tcç.
De ces faits il semble naturel de conclure que aTpar/jYoç
u'TraTiç était bien, en 161 (date du consulat de C. Fannius) et
en 139 ou 133 (année où L. Piso fut consul), le titre officiel
donné aux consuls dans les actes du Sénat. Sitôt qu'on y réflé-
chit, on s'aperçoit que cette conclusion n'est pas seulement
naturelle, mais nécessaire. Nous avons vu qu'à la lettre deC.
Fannius et à celle de L. Piso était annexé le texte d'un séna-
tus-consulte — sénatus-consulte en faveur des Juifs dans le
premier cas, sénatus-consulte relatif à Itanos et à Hiérap3'tna
dans le second. Nous savons, de plus, que C. Fannius présidait
le Sénat lorsqu'audience y fut donnée aux ambassadeurs juifs,
et que L. Piso le présida quand y furent entendus les députés
d'Itanos et de Hiérapytna. Ce qui suit de là, c'est que cha-
cun des deux consuls était mentionné avec son titre dans
le praescriptum du sénatus-consulte qu'accompagnait sa
lettre. Or, n'est-ce pas chose évidente que ce titre était le
même dans ce praescriptum que dans la suscription de la
lettre? Imagine-t-on qu'il y ait eu désaccord sur ce point
entre les deux documents, matériellement joints, expédiés
ensemble aux mêmes destinataires, traduits tous deux à leur
usage, faits pour être consultés par eux en même temps, et
1. Même cas pour la lettre du préteur M. Aemilius jointe au sénatus-con-
sulte dit de Magnésie; même cas pour celle du préteur Q. Calpurnius (Piso)
jointe au sénatus-consulte dit de Messène.
TRADUCTION DU TITKE CONSULAIRE DANS LES LETTRES DU SÉNAT 97
qui se complétaient l'un l'autre ? Gomment croire que le
consul-président, à qui, ne l'oublions pas, avait été confiée la
rédaction du sénatus-consulte et, par conséquent, la surveil-
lance des scribes-traducteurs, s'y fût appelé jza-sc, tandis
qu'il s'appelait 7Tca-:r,Yb; j-aToç en tête de sa lettre? Comment
croire que, par exemple, les magistrats de Kos, qui prirent à
la fois connaissance de la lettre de G. Fannius et du sénatus-
consulte transcrit à sa suite ', et qui les durent authentiquer
par comparaison, aient été mis dans le cas singulier de lire,
d'une part: Tiio: 'î'y.^/'.oq Toiizj ulôç, J-aTcc, ty; (7'j'f/.X-/-T(.) ïjvîlicj-
\vjGOL-o £V y,o'^.z-ûo -/.-A., et, dc l'autre : Faior •ï'aw.oç Faiou u'.ir,
sTpaTr^vbç j-a-oç, Kwmv ap/ojc. -/atoiiv? Gette discordance de
libellé n'eût été propre qu'à leur causer un très naturel
embarras et qu'à éveiller leurs défiances. L'admettre, ce
serait admettre labsurde, chose qu'autant que possible il sied
d'éviter. Puisque G. Fannius s'est désigné par le titre de
c-py-r,'.'l;, ■jt.cc-z: dans les suscriptions des lettres qu'il remit
aux ambassadeurs de Judée, puisque L. Piso s'est donné le
même titre en tête de la lettre qu'il écrivit aux Itaniens et
aux Hiérapytniens, la raison veut qu'ils aient été ainsi quali-
fiés, l'un en tête du sénatus-consulte rendu à la requête des
Juifs, l'autre en tête du sénatus-consulte relatif au litige
des deux villes Cretoises.
§ 5. La traduction du titre consulaire dans les Lettres du
Sénat.
Il y a lieu maintenant de considérer une classe d'actes du
Sénat que les critiques ont beaucoup trop négligée - : je veux
parler des lettres adressées à l'étranger par cette assemblée.
Lorsque les Patres ont pris quelque décision concernant des
J. On lit dans la lettre de C. Fannius : j-OTïTaxTa; o\ Ta Oîooyaîva (t^
cxjy/.À/j-o)).
2. Voir les indications, trop sommaires, de Biittner-^^^obst, De legationi-
bus. . .Romam missis, 63, 3, et de Mommsen, S<aa<srec/if, II 3, 273, 2 ; 314, 1 ; cf.
III, 1007, D ; 1027 et note 1 . Il est singulier que, dans son ouvrage sur le Sénat
(Le Sénat de la République romaine, t. II;, P. Willems n'ait point touché ce
sujet.
IIoLLEAUX. — STpaT/iyo; -j-aio:. 7
98 CHAPITRE DEUXIÈME
étrangers, ils peuvent la notifier aux intéressés par deux
procédés différents. — Ils peuvent leur faire tenir le texte inté-
gral du sénatus-consulte rendu à leur sujet : c'est de quoi il y
a, comme on sait, de multiples exemples '. Ils peuvent aussi
leur adresser une lettre où se trouve résumé, plus ou moins
sommairement, le sénatus-consulte qui les concerne. Ce sont
là les 7:apà t"^ç a"JYXAr,Tou •^pi[t.\j.oi.~.(X^ les Ypas5;j,£va Tcapà 'Pwpiaitov,
dont il est fait chez Polybe de si fréquentes mentions -.
Nous possédons trois lettres de cette sorte en langue
grecque. Deux sont connues depviis longtemps : l'une a
été écrite en 103 aux Téiens, afin de conférer à leur ville
le privilège de YàGjKix sacrée; l'autre, à une date incer-
taine, aux Amphiktions de Delphes, pour ratifier certains
jugements qu'ils venaient de prononcer \ Je pense avoir
1. Telle est l'origine de tous les sénalus-consultes rédigés en grec qui nous
ont été conservés. Sur [la questioji, cf. en général Bùttner-Wobst, ihid. 65
sqq. (" Legatis datiir sciiiin scriplum »).
2. Cf., par exemple, Pol. XXII. 12.6; 12.7; XXIV. 8. 1, etc. Noter les
textes suivants : XXll. i. 5 : (T. Quinctius) è^EÎpyauTO yf(X'|ai Trjv a'jyxÀr)Tov
lotî BoifjjToïç ztÀ. — : 4. 9 : -sîajis'jaav-o? auxoîS lou Zc'j^'.tztzou ~ç>6i t/jv Guy-
xXyjTov, oî 'pM[j.ixXot. xrjv Ttov Boiwtwv Trpoaîpsatv k'ypaJ/av Tîpoç te toÙ; AÎtco-
Xoù; zat Ttpôç 'Ayato'jç, zsXsûovceç xatayciv ZcûÇtrrov s!; trjv otxst'av — ;
XXIV. 1.5: ~.o'(i oï ç'jyàcîtv (Èz Aa-/.îOa!;jLOvciç) £;;-qyyciXaTO {-/j oûyxXiQTOÇ)
ypâ'istv -pô; TOJ; 'Ayatoù; z"X. — ; 10. 6 : où pidvov xoi; 'Ayatot; k'ypaJ/S
(■/] CTÛy/.Xriioç) Tîapay.aXouja auveTztayjjstv, àXXx zal toi? AiiwXoî'; zal toïç
'II~£ip'ÔTat; xtX. — Il est question d'une lettre du Sénat, remise aux
ambassadeurs de Lampsaque, dans le décret de cette ville pour Hégésias :
Dittenberger, Sylloge-, 276, 1. 62 ; 66 : [-/.aûd]-:! xal a[ÙTol (= fj aûyxÀYiTo;)
ypjoî'fojstv. — Il est probable que les lettres de recommandation données
aux représentants des États étrangers (cf. ci-dessus, p. 93, note 3) furent
souvent écrites au nom du Sénat. — Un exemple intéressant (et apocryplie)
de lettre du Sénat nous est fourni par cette vêtus epislula graeca semitus
popiiliqiie liumani, adressée au roi Séleucus (?), dont fait mention Suétone
{Claud. 25).
3. Viercck, II = Dittenberger, Sylloge-, 279. — BCJI, 1900, 103 = Rev. Et.
anc. 1917, 77. Pour la restitution de l'intitulé, voir mes remarques dans
Rev. Et. anc, ibid. 11 et suiv.et 249, note 2. — L'Epistala ad Tibiirtes {CIL, I,
201; XIV, 3584 = Bruns-GradenAvitz'^,38) est un document d'un caractère ana-
logue, mais d'une forme assez dillérente. Le préteur L. Cornélius, qui est le
seul auteur apparent de cette lettre, a reproduit intégralement le sénatus-
consulte rendu en faveur des Tiburtins et l'a même fait précéder de son
praescriptum ; toute sa peine s'est bornée à substituer, dans la reproduction
TRADUCTION DU TITRE CONSULAIRE DANS LES LETTRES DU SÉNAT 99
établi ^ qu'à ces deux lettres on en doit ajouter une troisième_,
écrite probablement au commencement de l'année 188: c'est
celle qui octroie aux Hérakléotes-du-Latmos ïzAtu^epix et l'au-
tonomie, et que W. Henzen a, par erreur, attribuée à Cn.
Manlius Volso et aux dix légats sénatoriaux envoyés en Asie
pour l'assister 2.
Nul ne contestera que ces trois lettres doivent être considé-
rées comme des actes du Sénat ^. Non seulement chacune
n'est que le résumé d'un sénatus-consulte ^, mais le Sénat est
expressément désigné dans l'intitulé comme étant l'auteur
de la lettre. Cet intitulé contient toujours : 1° la men-
tion nominative du magistrat patricio-plébéien (consul ou pré-
de cet acte du Sénat, la seconde personne du pluriel à la troisième (cf.
Mommsen, CIL, I, p. 108 ; Staatsrecht, III, 1027, 1 ).
1. Mon essai de démonstration {Rev. Et', anc. 1917, 237 et suiv.) est repro-
duit cn Appendice à la fin du présent mémoire.
2. Viereck, III = Dittcnbcrper, Sylloge ", 287 = Haussoullier, Rev. Philol.
1899, 277 et suiv. — La lettre circulaire du consul L. (Calpurnius Piso) (cos. 139
ou 133) en faveur des Juifs, qui se trouve dans / Macc. 15. 16-21 fcf. Viereck,
93), pourrait, si elle a quelque caractère d'authenticité, se placer dans cette
catégorie. Mais, en ce cas, l'adresse — qui est d'ailleurs manifestement incom-
plète — aurait dû porter : Aîjzto; [KaÀ-opv.o;] y.-'),, [/al Sr[ii.apyo'. za'. rj qjv-
•/.Àritoç] •/.-)>.
3. Viereck (II, p. 2) rang-e inexactement la lettre aux Téiens parmi les
Episiiilae maçfistraluam Romanorum. Mommsen, au contraire, la qualifie
avec raison de « lettre du Sénat» {Staatsrechl, II 3, 273, 2 ; 311, 1). Le
magistrat nommé le premier dans l'adresse n'est, en effet, que le porte-
parole du Sénat, comme, par exemple, le préteur mentionné en tète de VEp.
ad Tihurtes (cf. Mommsen, CIL, I, 201, p. 108) ou les consuls auteurs de VEp.
de Bacchanalihus [ihid. 196, p. 4i). Assurément, ici comme toujours, 1' « acte
du Sénat >> est en même temps l'acte d'un magistrat; il n'en saurait être
autrement, puisque le Sénat ne peut agir qu'avec la coopération et par
l'entremise d'un magistrat: mais il est évident que c'est au Sénat qu'appar-
tient toute l'initiative. Le cas est le même que pour les sénatus-consultes,
qu'on peut considérer comme des décrets de magistrats rendus sur l'avis
des Paires (cf. Mommsen, Siaatsrecht, III, 995, 997), bien qu'ils n'expriment
en fait que la volonté du Sénat. — Il est digne de remarque que, dès 1816,
Visconti avait reconnu le vrai caractère de la lettre aux Téiens : il écrivait
{Journ. des Savants, 1816, 27) : « Cette lettre a été adressée de la part du
Sénat et du peuple romain à la ville de Téos... »
4. Cela est si vrai que, par exemple, dans la lettre aux Amphiktions, on
trouve (1. 10-11) des emprunts textuels faits au sénatus-consulte qu'elle résume
(cf. Rev. Et. anc. 1917, 78, note 3).
;|IIBUOTHECA
Ottavlensia^
100 CHAPITRE DEUXIÈME
teur) ' qui présidait le Sénat lorsqu'y fut voté le sénatus-con-
sulte résumé dans la lettre : c'est par les soins de ce magis-
trat que la lettre est rédigée "^ ; — 2° la mention collective
des tribuns de la plèbe (âr,[ji.ap)roi) ■^; — 3° la mention du
Sénat (ffÛY"/-Ar,Tîr).
Or, dans l'intitulé de la lettre aux Hérakléotes-du-Latmos,
le consul (inconnu) qui est nommé en premier lieu, avant les
tribuns et le Sénat, est qualifié de :;-z:x-r,';b; j-a-riç ^. Telle
était donc l'appellation solennelle des consuls dans cette caté-
gorie d'actes du Sénat.
On ne peut raisonnablement supposer qu'elle variât d'une
catégorie à l'autre, et fût différente dans les lettres du Sénat et
dans les sénatus-consultes. Il va de soi que, lorsque le titre
consulaire est exprimé dans l'intitulé d'une lettre du Sénat, il
l'est en la même forme que dans le praescripium du sénatus-
consulte dont cette lettre^donne le résumé. Si le consul nommé
dans l'adresse de la lettre aux Hérakléotes est dit a-px-r,Yoç
'JTraToç, on en doit conclure que tel était son titre en tête du
sénatus-consulte voté en faveur de la ville d'Héraklée, et,
plus généralement, que cTpaTYjYoç 'Jza-oç fut la forme d'abord
donnée au titre consulaire dans les praescripta des séna-
tus-consultes votés sur la relatio d'un consul.
Au reste, s'il subsistait ici quelque incertitude, un témoi-
gnage direct, qu'on s'est très vainement efforcé de récuser,
suffirait à la dissiper.
1. Ce magistrat peut représenter à lui seul tous les mai,'istrats patricio-
plébéiens (consuls et préteurs); j'ai cru à tort [Rev.Et. anc. 1917, 79, 2) que,
lorsqu'un consul est nommé en premier lieu, son nom doit être nécessaire-
ment suivi delà mention des préteurs.
2. Cf. Mommsen, Slaaisrecht, III, 1026-1027.
3. La mention des tribuns est ainsi expliquée par Viei-eck (II, p. 2, note) :
« Inde quod, praeter praetorem tribuni — commemoi-antur, intelleg-itur ius
asyli Teiis plebis scito — concessum esse. » Cette interprétation est entière-
ment erronée ; cf., au contraire, Mommsen, Staatsrecht, II ^, 273, 2 ; 314, 1 .
4. L'intitulé doit être ainsi rétabli: [N.], a-pa-riyô? û-aro? 'Pio^aaicov, [xal
or[[j.ap-/ot za; f, ajv/.XrjTjo; 'Hoa/AîtoTtuv T^i [io'jÀfji x.al Tîot ôrjjio); yaipetv.
Cf. ci-après, Appendice, p. 131 et suiv.
TRADUCTION DU TITRE CONSULAIRE DANS LE S.-C. DE iZTt 101
§ 6. La traduction du titre consulaire dans le sénatus-con-
sulte de 135.
Parmi les sénatus-consultes du ii'' siècle en langue grecque,
il n'en existe qu'un seul où, dans le praescriptum, mention
soit faite d'un consul. Le sénatus-consulte dont il s'agit est
celui dit de Priène (ann. 135) ^, qui fut rendu sur la relatio
de Ser. Fulvius (Flaccus).
Nous avons vu que ce consul y est une fois appelé {iTra-coç.
Ce titre lui est donné dans une phrase (1. 13) qui se lit vers la
fin du document : to^toiç ts çéviov e:: vmG~r^v r.peaÇtzi(X'f ewç ocizo
o-/3(7T£p-:iwv votJ.(ov èy.aTov s'izoji [Sspouioç •Ï>Jîa[o]uioç Koivtou u-aTc;
Tov Ta[xi'av à-oa-zîhai 7.£[X£U7âT(i) y.-X.]. Mais ce n'est pas cette
phrase, c'est l'intitulé de l'acte qu'il convient d'abord de
considérer.
La pierre porte à la 1. 2 ^ : IlÉpij'.cç $6Xc'ji:r Kc(vtcu ulc; ZT
(lacune d'environ 8 lettres) r.xzoq zf,'. Q\)y/,Kr,-on c'jvz^cSkvjqix-o
b( yi.o\).z-JM<. XTA. — Waddington avait suppléé ^-[z'/j.y-'vfx.
'j]-aTo; ^. Mais, outre que cette restitution est un peu trop
longue, l'indication de la tribu n'est jamais jointe, dans les
pièces officielles, au nom des magistrats ^. Le supplément
de Waddington, manifestement fautif, n'a trouvé personne
qui le défendît. La leçon véritable a été rétablie par Momm-
sen et reproduite, à son exemple, par les épigraphistes ^ fort
1. Ci-dessus, p. 74. Pour la date (ci-dessus, p. 73, 2), cf. Hiller von Gartrin-
gen, Inschr. von Priene, p. 309 : « gehort [das S. C] ins Jahr 135 (nicht 136),
wie die KonsullisLe CIL, I -, p. 148 erweist... »
2. Voir le fac-similé de la partie gauche de l'inscription dans Hiller, ihid.
41 : à la 1. 2, les lettres 2T sont parfaitement lisibles.
3. Waddington, Inscr. d'Asie mineure, III, n. 193, p. 77; il a essayé ailleurs,
mais sans succès, de justifier cette restitution (iit'd. n. 588, p. 197).
4. Voir Mommsen, Ephem. epigr. I, 156 (mémoire qui n'a pas encore été
reproduit dans les Ges. Schriften] : « Supplemento, quod proposuit Waddington ,
2T[£XXaTtva iiJTzaxo; obstat, quod in instrumentis publicis magistratuum
nominibus numquam quod sciam tribus adscribitur » ; cf. P. Foucart, Mém.
Acad. Inscr. XXXVII, ii, 319, 4 ; Bev. Philol. 1899, 238.
5. Hicks, Inscr. Brit. Mus. III, 405 a: Viereck, XIV ; Dittenberger, Sylloge^,
313; Hiller von Gârtringen, Inschr. von Priene, 41 ; cf. Miinzer, P-W, VII,
248, s. V. Fulvius, 64.
102 CHAPITRE DEUXIÈME
nombreux qui, depuis Waddington, ont réédité le texte du séna-
tus-consulte, notamment par les deux plus dilig-ents, E. L.
Hicks et Fr. Hiller von Gartringen, qui, l'un et l'autre, ont
publié le document d'après l'orig-inal \ Cette leçon est a-\poL-
TY]Ybç ujza-oç ; elle ne peut faire doute un instant 2, Si on l'a con-
testée, sans du reste y rien substituer, c'est simplement qu'elle
avait le tort d'être en désaccord avec un système préconçu.
La restitution de Mommsen, a-t-on dit ^, « est d'autant
moins acceptable ici que, dans le même acte, nous trouvons
à la 1, 13 la traduction officielle [Hapouioç <I>]ôa[s]uioç Kcivtou
uTraicç ». Raisonnement étrang-e, inspiré par un parti-pris
trop déclaré, et qui n'est qu'une pétition de principe quelque peu
audacieuse. On commence par décider, pour écarter axparrjYÔç
uzaToç, qu' uTraxoç est la traduction officielle ou même la seule
traduction possible de consul '* : c'est le sûr moyen d'avoir
cause gagnée. Mais, cependant, voyons les choses comme elles
sont. Le sénatvis-consulte offre deux traductions différentes de
consul : dans le praescriptum^ a-Tpa-'/iyb; ii-aTcç, et, dans le
corps du texte, u7;aTCç. Des deux, quelle est la traduction
officielle ? En raison de la place qu'elle occupe, c'est manifes-
tement la première; et, dès lors, il est clair que la seconde
n'est qu'une traduction simplifiée.
On voit sans peine quelles conséquences se doivent tirer de
là. H. Dessau, l'éditeur des Gesammelfe Schriften de Momm-
sen, admettant, comme il est nécessaire, la restitution a-paT-zjYOç
ij7:aT5ç, estime que le sénatus-consulte de Priène demeure,
dans la théorie nouvelle que nous discutons, « une énigme
1. Hicks écrit (i/)£d.) : « In Une 2 aT[patYiYÔç u]7i:aToç is the certain reslora-
lion of Mommsen. . . »
2. La restitution est si naturellement indiquée que l'idée en était venue
d'abord à Waddington [Inscr. d'Asie mineure, 111, n. 58S, p. 197) : « On serait
tenté peut-être d'écrire... a~pa-riyo; uTraxo;, mais ce serait une grave erreur. »
3. P. Foucart, Rev. Philol. 1899, 259. Le même savant (ibid.) exprime,
d'ailleurs avec grande réserve, Thypothèse qu'il y eut peut-être « une
erreur dans la copie remise au lapicide », erreur qui aurait consisté dans
l'addition de aTpa-rjyo; devant uTiaToç. L'hypothèse n'a aucune vraisemblance;
si le praescriptnm du sénatus-consulte avait été retouché, on n'eût pas man-
qué d'ajouter 'Pwaat'wv après ur.xxoi.
4. P. Foucart, i/)it7.
CONCLUSION 1 03
insoluble • ». Ce n'est point assez dire. Le sénatus-consulte
de Priène fait paraître k plein la vanité de cette théorie. Il
suffit de le lire pour voir s'évanouir toutes les inductions
qu'on avait pensé tirer de la présence d'J7:aTs; dans les séna-
tus-consultes pour Thisbé,Narthakion et Messène. En effet, le
titre ■JTza.xcç est employé, dans ces trois documents, hors des
praescripta, dans le corps du texte, in nai'ratione, c'est-k-
dire de la même façon exactement qu'à la 1. 13 du sénatus-
consulte de Priène. Or, puisque l'emploi qu'on en a fait en
ce dernier passag-e n'empêche pas que (j-:py.-:r,^(cç uTra-rcç
figure dans le praescriptum de l'acte, l'emploi fait du même
terme dans les passages analogues des trois autres séna-
tus-consultes ne saurait empêcher que atpaTTjVbç uTraToç fût,
quand on les vota, le titre officiel des consuls. Ce que montre
le sénatus-consulte de Priène, c'est qu' 'jr.yr.oz n'est partout
qu'un titre abrégé, une appellation courante ~. Si, lorsque
furent rendus les sénatus-consultes pour Thisbé, Narthakion
et Messène, un consul aA^ait présidé le Sénat, il eût été dit,
dans les intitulés de ces trois actes, jTpaTYjYo? O'raToç, comme
ce fut justement le cas pour Ser. Fulvius Flaccus ; et il est
sûr à présent qu'ainsi que l'indiquaient les suscriptions de
leurs lettres, C. Fannius et L. Galpurnius Piso furent dési-
gnés de la sorte en tête des deux sénatus-consultes relatifs,
l'un aux Juifs, et l'autre aux villes d'Itanos et de Hiérapytna.
III. — Conclusion.
Nous pouvons donc affirmer ce qui, a priori, paraissait si
vraisemblable : l'évolution du titre consulaire a été la même
dans les actes du Sénat que dans ceux des consuls.
1. Mommsen, Ges. Schriften, VIII, 260, 3 : « AUerdings bildet dann das
Senatusconsult ans Priène ein ungelostes Ràtsel » (Note de H. Dessau).
2. Même interprétation chez Mommsen, des. Schriften, VIII, 261 ; Ephem.
epigr. I, 156 ; chez Viereck, 21, 2 ; chez Mentz, 8; chez Magie, 8. Je cite Mentz,
qui est particulièrement précis : « Quod ita factum est, ut antiquiini nomen in
quihusdam formulis sollemnihiis adhiberelur : a-paTTiyo; ■j;:aTo; tr; a'JY'CArlxM
auvePouXsJaaTO, — arpaTTriyôç uTtaroç x^ PouXt) xal tw otÎjxw... yatpsiv similibus,
ceterum vero recentibiis nomen magis trilum esset; quod npfime observare
possumns in Scto de Prienensihus anuo ôiQ/lSô fado, cuius in initia adest
formula sollemnis — ; sed paullo post in coniextu idem vir appellalur
SÉpouto; <î»oXo'j!o; KoÎvtoj 'J-7.-0;. >'
104 CHAPITRE DEUXIÈME
Au temps le plus ancien que nous puissions atteindre
(premières années du ii"^ siècle), le titre solennel attribué dans
ces actes au consul fut a-poL-Ti'^lz 'j-x-c^ç, le même dont fai-
saient emploi les consuls en s'adressant aux Grecs, le même
dont se servirent, par exemple, T. Quinctius et L. Cornélius
Scipio. C'est ce que montre notamment la déclaration de
Corinthe. Mais, dans le langage courant, ce titre devait s'abré-
ger et s'abrégea.
Nous avons constaté qu'en 189, peut-être, à la vérité, par
l'effet d'une influence hellénique, c-py:-r,-(h:; •Jr.oizoq se trouve
remplacé, dans le corps d'un acte public, par c-rpa-r^yic. Cepen-
dant, la forme abrégée du titre consulaire fut, à l'ordinaire et
régulièrement, •jr.x-oç. J ai dit pour quelle raison cette forme
devait être préférée : elle permettait de distinguer immédiate-
ment le consul du préteur. C'est le sénatus-consulte de 170
pour les Thisbéens qui en offre, dans le corps du texte, le
plus ancien exemple.
A la longue, ce titre simplifié devint l'appellation solen-
nelle et prit place dans les praescripta des actes sénatoriaux ;
uTraToç se substitua, dans ces praescripta, à aipaT-^YC? uT^axcç.
Ce changement, comme on le voit par le sénatus-consulte
dit de Priène (ann. 135), où, dans l'intitulé, Ser. Fulvius est
encore dit G-py.-r,'(z: uzaTs;, ne se produisit qu'après 135-130.
Il est probable qu'il s'accomplit dans le dernier quart du
II* siècle. Il se pourrait toutefois que, par attachement à la
tradition, on eût maintenu l'ancien titre de (7Tpar/)Ybç u-iza-oq
dans la terminologie officielle des sénatus-consultes jusqu'aux
approches du i*^"" siècle. Mais, faute de documents, c'est un
point que nous ne saurions décider. Nous sommes, par
exemple, hors d'état de savoir si, dans le sénatus-consulte de
112 pour les Technites dionysiaques — où, dans le corps du
texte, se trouve deux fois le mot 'jr.oi-oç (1. 62, 64) — , c'est
c-px-T,yhç j-a-raç ou JzaTo; qui doit être rétabli à la 1. 3 ', après
le nom de L. Calpurnius Piso (Caesoninus).
1. G. Colin avait d'abord admis la première restitution (BCH, 1899, 17) ;
depuis, il a préféré la seconde Fouilles de Delphes, III (2), 7S ; 82-83\ mais
simplement ])our se conformer à la théorie maintenant en vogue. Notons que
ce changement l'oblige à donner à L. Calpurnius ses deux cognomina, Piso et
Caesoninus, ce qui, en raison de la date du document, ne laisse pas d'être peu
vraisemblable (voir la remarque de G. Colin lui-même, ibid. 83).
CHAPITRE TROISIÈME
Observations critiques sur l'appellation
STPATuros rriATOS.
Il est établi que aipa-r'/iYoç uTra-oç fut le terme de la langue
officielle, qui, en Grèce et à Rome, dès le commencement du
II'' siècle et certainement plus tôt, servit à désigner le consul.
Je me propose, dans les pages qui suivent — où l'hypothèse
tiendra nécessairement une assez grande place — , de recher-
cher comment est née cette appellation, d'en expliquer la for-
mation, la signification première et l'origine.
I. — Analyse grammaticale de rappellation.
11 importe, à cet effet, de la soumettre à une exacte analyse.
Le premier élément, a-po^x-q^^ô:, est manifestement un sub-
stantif. Mais quelle est la valeur grammaticale du second,
uTra-ro;? Ce mot est-il un adjectif attributif qualifiant cxparr;-
vôç, ou un adjectif employé substantivement, devenu substan-
tif et, comme tel, joint à G-py.xr,^(bq par apposition'? Autre-
ment dit, la locution a-t-elle été formée d'un substantif
(a-paTr,Y2ç), et d'un adjectif ['jr.aio:) qui, se rapportant à a-pa-
TYJYÔ;, le détermine, ou bien réunit-elle deux substantifs jux-
taposés (aipa--/;';;;, u~y-oz)2
Autrefois, les critiques — à la seule réserve de Boeckh ~ —
n'hésitaient point à croire qu' j-a-sç fût un adjectif déter-
minant aTpatr,Y;;. C'est ainsi que Perizonius ■", devançant
1. Dans la théorie récente qne j'ai combattne, il est évident qu' uTtaioç
est considéré comme étant dès roriy:ine un adjectif pris substantivement. Par
là cette théorie se rattache à celles de Boeckh, de Biittner-Wobst et de
Hultsch.
2. Boeckh, CIG, I. ad n. 1770, p. 862.
3. Perizonius, Animadv. hislor. (Amstelaed. 1685), 35-36. Il vaut la peine de
citer ici — Mommseu s'en étant dispensé — le texte de Perizonius (ihid. 36) :
<. Immo et conjunctim dicebant (Graeci) QZpcLxr^-^ôi ujraToç, plane ut Latini
Praelor MaxLiniis, quo vim imperii si^uificari et eum qui maximi sit imperii,
h. e. in ordinario imperio Consulem, in exlraordinario Dictatorem designari e
Festo scimus. »
106 CHAPITRE TROISIÈME
Mommsen, traduisait (7Tpar/;vbç u^aTOç par praetor maximus ;
Visconti, par « commandant suprême de l'armée » ^ ; Wad-
dington, par « g^énéral en chef )-> -. Mommsen s'est prononcé
pour praetor ma.rimus'\ et cette interprétation, que nous
discuterons plus loin, est pendant longtemps demeurée clas-
sique. Aucun de ces auteurs n'a donc douté du sens attributif
du mot J-aToç. Mommsen déclare expressément que ce mot est
un « adjectif » ^.
Mais, dans ces récentes années, Hultsch et Bûttner-Wobst
ont soutenu une opinion différente. Tous deux ont porté leur
attention sur cette phrase de Polybe (VI. 14. 2) : -rwv cï c-pa-
TqyS>w û-â-wv Tîâ/av aÙTOxpaiopa [xèv â-/iv-o)v oiJva[j.f.v v.tâ., et ils
ont reconnu sans peine — ce qui semble avoir échappé à
Mommsen — f^ue, dans cette phrase, uza-rsç ne peut être
qu'un substantif formant apposition à crtpa-rrjYcç^. — Effecti-
A^ement, si ono^ioç, était ici un adjectif, il n'eût pas été plus
loisible à l'historien d'écrire tûv oï c-par^Ytov û-kCctwv que, par
exemple, tûv àvcpwv aYaOoJv. La correction du langage eût
nécessairement exigé, soit twv oè GTpaTrjVÔJv -ïwv ÛTraTojv, soit
Twv o' 67;aT(i)v (j-cparq-fSiv. Donc nul doute que, pour Polybe,
'J-3C-0Ç, dans l'expression G-py-Ti'fo: u-a-zq, soit un substantif.
La chose, aussi bien, n'a rien d'inattendu. Nous avons vu
que chez Polybe, G-axoç, employé seul, est très souvent pris
substantivement au sens de consul et, plus spécialement, de
1. Visconti, Joiirn. des Savants, 1816, 24.
2. Waddington, Inscr. d'Asie Mineure, III, n. 588, p. 197.
3. Mommsen, Ges. Schriflen, \lll, 260; Staatsrecht, U^, 76; 194. ^'oi^ ci-
après, p. 114 et siiiv.
4. Ges. Schriften, VIII, 260 : « Deinde — in praelore maxinio substanti-
vum omitti coeptiim est, adiectivo solo retento. »
5. Hultsch, xiii : « Nam si u-aTwv hic adiectivi quod attribiitivum vocant
loco Polybius adhibuisset, ciim articule tôjv a-paxr,Ywv urà-wv non magis
poluissetscribere quam exempli fj^ratia twv av5pwv ayaOïTjv eqs. » ; — Biittner-
Wobst, 167 : « Wenn Polybios, wie Mommsen >vill, unter arpaTriyôç G-aTo;
den praetor maximus verstanden batte, so miisste u::axo; selbstverstiindUch
das attributive Adjectiv, aTpa-Yiyô; das Substantiv sein. Dann wâre es aber
nach den Gesetzen der griechischen Sprache unmoglich tûv §£ Qzç,azf\-(S'yj
ujcaTwv zu sagen, sondern entweder hatte Polybios xwv oè a-parriytov twv
u~aTcov oder Ttov ô' uzàitov aipaTrjYÔJV schreiben miissen » ; — cf. Mentz, 14.
ANALYSE DE l'appellation STPATHrOS THATOS 107
consul exerçant Vimperium clomi '. Puisque Poiybe a d'or-
dinaire, comme eût dit Vaug-elas, <( substantifîé » ce mot, on
n'a pas lieu dètre surpris que, le joignant à aTpaTYJYs;, il en
ait encore fait un substantif. C'est ce que Mentz explique très
bien ~ : « ... permultis locis Polybius vocabulum substantive
usurpât...; itaque cum îl-aioç sua aetate substantive iani
adhiberetur, a-py-r,yl'^ ■Jr.y.-.zv duo esse substantiva putavit
atque ita adliibuit^ vel singula, vel eliam coniuncta. »
Dans les inscriptions où se rencontre l'expression aTpaTVJYo;
uTCaTOç (ou TTpxr/jvb; àv6jzaTcç), il est déjà moins sûr, comme
l'ajustement remarqué Mentz ^^ qu' uTraTOc (ou àvGj-aTcç) soit
un substantif. Effectivement, l'usag-e qui y est fait de cette
expression ne laisse, en général, rien discerner à cet égard.
On la trouve placée, soit avant, soit après un nom propre,
sans que arpaT'/;';:; soit précédé de l'article. En de telles con-
ditions, rien n'empêcherait qu' u7:aTc; fût un adjectif détermi-
nant cTpaTYjviç. Toutefois, G-xt:; ayant pu d'assez bonne
heure être employé substantivement, comme abréviation du
titre consulaire, dans les documents épigraphiques, on croira
volontiers que, de même que Poiybe, les rédacteurs de ces
documents donnaient à ce mot, même joint à a-upaT-^Y^î) ^^
valeur d'un substantif.
Le décret de Lampsaque en l'honneur d'Hégésias '' semble
même fournir une indication précise en ce sens. Les 1. 67-68
ont été restituées comme il suit : [àvvfavjev ajTo[ù]ç y; q'j'(%\t,-
Toç '^pbç Tb[v ':wv 'Po)[j.a'i«v jTpa-rf/Jbv uTraTOv Titov xtà. •'' Ces
suppléments, que j'ai contrôlés sur le marbre et les estam-
1. Cf. ci-dessus, p. -16 et suiv.
2. Mentz, 14-13. Cf. Hultsch, xiv :«...illud, quod olim adiectivum fuit ita in
substantivi usum abiisse existimo, ut etiam ad a-patrivov appositum vim sub-
stantivam servaverit. »
3. Mentz, 14 : « Neque vero ob id, quod scriptor (Polybius) axpaTTjyoy
û-aTov duo esse substantiva in structura appositiva copulata putat, etiam in
titulis eodem modo usurpatum esse existimare debemus. »
4. Dittenberger, Sylloge ", 27b.
3. On remarquera qu'à la 1. 67, il est indispensable de restituer twv avant
PwjjLaiwv ; comp. 1. 17 ; [twi atJpa'ïJYtut xwv 'Po>[j.xtcov Twt £7:1 tûv va[u"t/.tov
AE'JXiOJl].
10(S CHAPITRE TROISIÈME
pages, peuvent être acceptés avec confiance ' ; la place fait
certainement défaut pour insérer tsv après G-px-r,ybv et avant
u'Â;aTov. Ainsi, dans ce décret, qui date de l'année 196 ou qui
est à peine plus récent, le mot ur.x-o: est traité comme un
substantif; il est probable qu'il en a été de même dans les
autres inscriptions de la même époque. Aussi haut que
remontent nos documents, l'expression G-pocrti^foç •Jzxzoq appa-
raît donc comme formée d'un substantif et d'un adjectif pris
substantivement.
Mais en avait-il été ainsi de tout temps? et le mot uTraioç,
uni à îTpaTY;Yiç, a-t-il toujours tenu l'emploi de substantif?
C'est ce qu'ont prétendu. Hultsch ~ et Biittner-Wobst >^,
reprenant et développant une indication de Boeckh ^. « Pour
exprimer l'idée contenue dans le mot consul, dit Bûttner-
Wobst, les Grecs se sont servis de deux substantifs ^. » 11
ajoute que le fait ne laisse pas d'être « singulier», et cet aveu
a son prix. Ce qu'on doit dire, c'est que le fait, s'il était
avéré, serait extraordinaire. Mais il s'en faut que la vérité en
soit établie. — En effet, Bûttner-Wobst n'est parvenu à
expliquer ni pour quelle raison le titre de aipar^vi; aurait dû
être originairement renforcé d'un second titre, ni quelle aurait
été la signification de ce second titre — 'Jr.xioç — qu'on y
aurait joint. Faute de mieux, il se trouve réduit à reporter et,
si l'on peut ainsi parler, à projeter dans le passé le plus loin-
tain la distinction factice que Polybe s'est plu souvent (mais
non toujours) à établir entre a-pa-ri^b: et jTTaTcç ^ ; il est d'avis
qu'à Rome le consul, selon qu'il exerçait ses fonctions en paix
ou en guerre, prenait le titre ou de consul ou de praetor ; il
déclare qu'en conséquence, « dès les temps les plus anciens »,
1. Je rappelle que les inquiétudes critiques exprimées par BiUlner-Wobst
(167, 3) ne sont pas justifiées ; cf. ci-dessus, p. 39, note 1.
2. Hultsch, xni-xiv.
3. Biittner-Wobst, 167-169.
4. Boeckh, CIG, l, ad n. 1770, p. 862.
5. Biittner-Wobst, 167 : « Somit ■wilrde sich die eigentûmiiche Thatsache
erg-eben, dass die Griechen, um den BegrilT consul oder nach dem alten
Sprachgebrauch praetor ausz.udriicken, sich zweier Substantiva bedienten. »
6. Bïlttne^-^^'obst, 167-169. Sur l'emploi spécial que fait volontiers Polybe
des termes arpaTriyo'; et u-aToç, cf. ci-dessus, p. 46 et suiv.
ANALYSE DE LAPPELLATION STPATIIfOS l'IIATOS i 09
uTca-Toç désignale consul pourvu de V imperiuni clomi [consul),
tandis que aTpar/JYÎç s'appliquait au consul muni de Yimpe-
rium militiae [praetor), et qu'ainsi la double dénomination de
a-pocvqYoq uTûaToç fut imaginée pour donner idée de la double
compétence, militaire et administrative, du consul *. Mais il
est difficile de prendre au sérieux ces assertions qui ne sont
que des hypothèses. Encore qu'elles en aient grand besoin,
leur auteur néglige de les appuyer d'aucune preuve. Comme
le dit Magie, « quo modo factuni sit, ut vocahulum {IzaTc; eum
qui imperium domi habet sive consulem signifîcet non docet,
et mihi quideni nihil probare videtur ~ ». Et l'on jugera sans
doute assez fondée cette observation de Mentz : « ... ego
Romanos tertio a. C. vel priore saeculo tanta diligentia et ele-
gantia potestatem duplicem consulis significasse vel omnino
signifîcare potuisse credere non possum... ^ »
Au reste, comme j'ai eu déjà l'occasion de l'indiquer ^, il
ne serait pas concevable que le mot uTîaTo; qui, de sa
nature, n'est autre chose qu'un adjectif au superlatif '^, fût
devenu d'emblée le titre d'un magistrat, celui-ci occupât-il
le plus haut rang dans la hiérarchie des fonctions publiques.
Boeckh '% commentant 1 expression (jipaTYJYÔç UTraxoç, a bien
pu dire, avec une concision excessive et sans donner ses
raisons : u u7:a':s; me indice non summus est adiective...
sed consul » ; et l'on a pu déclarer ", après lui, qu' u7îa-oç,
1. Biittner-Wobst, 168 : « So wurde mit deni zwiefachen Titel aT^a-riyôç
û-axo; in nicht ungeschickter Weise die eigentiinaliche Doppelnatur des Con-
suls, insofern er das imperium militiae und domi hatte, ausgedriickt. »
2. Magie, 6, not. 7.
3. Mentz, 14-15.
4. Ci-dessus, p. 67.
5. Sur le caractère superlatif du mot uraTo; (:^ ursoTaToç), cf. Kûhner-
Blass, Ausfûhrl. Grammat. I, 574.
6. Boeckh, ibid. : « ... Sollemni denominatione vocatur a sese (T. Quinc-
tius) aTpaTT)Yo; uTcaTO^ 'Pcoij-aîtov, omnibus locis post consuiatum : nihilominus
uTiaxoç me iudice non summus est adiective, quod volebat Viscontus, sed
consul, quod nndum avOjTrato; dicebatur ea aetate. »
7. Bûttner-Wobst, 167-168 : <i Eigentûmlich ist die zweite Bcnennung
UTiaxo;, womit natiirlich ursprûnglich « der Hochste » bezeichnet wird. . .
Genug ÙTcaTo? verlor frùhzeitig die ursprûngliche Bedeutung und bezeichnete
als staatsrechtlicher Kunslausdruck substantivisch den Consul, adjectivisch
das was zum Consul gehôrt.»
110 CHAPITRE TROISIÈME
adjectif qui « sig-nifiait naturellement le plus c7cue', perdit très
tôt ce premier sens » et devint « artificiellement », sous
forme de substantif, la traduction ou, selon Bûttner-Wobst et
Hultsch, Tune des deux traductions de consul. Mais c'est ce
qu'il importerait de démontrer. Les essais d'explication tentés
par Bûttner-Wobst sont d'une niaiserie pitoyable. « Peut-être,
écrit-il - sérieusement, l'emploi du mot uza-oç pour sig-nifier
consul doit-il son orig-ine à un certain servilisme des Grecs de
la Basse-Italie » ; ou a peut-être ceux-ci », lorsqu'ils s'avisèrent
de faire usag-e de ce mot, « avaient-ils présent à l'esprit le
consul en costume triomphal, image vivante de luppiter Capi-
tolinus ...» Ce serait perdre sa peine que de discuter ces
rêveries. Du moins Bûttner-Wobst s'est-il aperçu de la diffi-
culté qu'avait esquivée Boeckh. Il s'est rendu compte qu'entre
\j~a-zq adjectif, et j7;a-o; substantif traduisant consul, la dis-
tance est grande. Il confesse implicitement, par les étrangetés
de son exégèse, qu'il ne sait comment elle fut franchie.
Sitôt qu'on y fait réflexion, il paraît évident qu'avant de se
transformer en substantif et de prendre place, en cette qua-
lité, dans la locution GXpaxr,Yoi •jr.axoq, le mot G-axoç aurait dû
faire partie de quelque autre expression composée, où, en
qualité d'adjectif, il aurait déterminé un substantif susceptible
de servir de titre à un mag-istrat et désignant le consul. C'est
seulement par l'ellipse de ce substantif qu'il serait à son tour
devenu substantif et l'équivalent de consul.
Ceci a été bien vu par Hultsch. Il suppose qu'à la plus
ancienne époque, 'Jr.axzç, adjectif, était joint à cipy^bi^K Le con-
sul aurait été d'abord appelé apy/ov 'J-y.-.oç^. Puis, ap'/o)v serait
sorti de l'usage, et le déterminatif u-raTcç, se muant en sub-
stantif, aurait gardé à lui seul tout le sens de l'ancienne
expression composée. C'est alors qu'on l'aurait fait précéder
de a-paroyi; et que serait née l'expression nouvelle a-par/jybç
1. Sur le rapport qui existe entre Clraxo; et siimmns, siipremus, cf.
H. Schniidt, Ilandb. der latein. und griech. Synonymik (Leipzig, 1889), 425-
426.
2. Bûttner-Wobst, 168.
3. Hultsch, XIV : « ... consoles olim ap/ovtE; jzaroi, tum brevius aut
apyovTs; aut 'j/:a-o'. appellati esse videntur eqs. »
ANALYSE DE l'appellation STPATHrOS rOATOS 111
uTraTo;. — L'explication a le mérite d'être logique ; mais on
voit tout de suite quelle repose sur un postulat qui, pour
être nécessaire à la thèse, n'en est pas moins dénué de
toute vraisemblance. Pour faire comprendre comment Jzx-
Tc; finit par jouer à côté de a-px-r,';bq le rôle de substantif,
Hultsch — et ce sera le cas de quiconque tentera la même
démonstration — est obligé d'imaginer un changement
radical apporté à l'interprétation en grec du titre consulaire,
changement dont il n'existe nul indice et dont la raison
échappe. Il assure qu'à apyojv 'jr.a-oq, expression qui, à notre
connaissance, ne fut jamais reçue dans la titulature officielle ',
s'est substitué, en dernier lieu, G-px-ri';oç •j-y.-.zz : on serait
curieux de savoir pourquoi. Si le consul avait d'abord été dit
en grec apywv îizaTOç, tout invite à croire que cette dénomi-
nation (sauf à s'abréger dans l'usage ordinaire en jzaToç)
serait restée fort longtemps son appellation solennelle. On ne
conçoit pas la prompte et complète disparition du titre apytà^
primitivement adopté, et moins encore l'apparition ultérieure
du titre nouveau de c-py.-.r^^'^ôq, de sorte que la formation du titre
composé (s-py-r^^fzz -j-y-zz demeure toujours une énigme. Notons,
en outre, que le dédoublement de l'appellation consulaire en
deux substantifs est ici chose d'autant plus singulière que,
selon la théorie, l'abréviatif uzaTs; serait vite devenu à lui
seul, par la chute d'ap/iov, l'équivalent intégral d'ap-/wv iJzaTsç,
c'est-à-dire de consul. Sans doute, Hultsch, dont les conclu-
sions se trouvent d'accord avec celles de Bûttner-Wobst, est
d'avis que, par le titre nouveau de tj-px-x-q-fb:, on prétendit
mettre en relief le caractère militaire du consulat. Mais c'est à
quoi, semble-t-il, on aurait du d'abord penser; et, assurément,
on n'y aurait guère pensé aussi longtemps qu'on se serait con-
tenté d'appeler le consul j:p-/o)v 'j-a^zç, puis 'j-rzx-oq tout court
(avec ellipse d'à'pywv). Il est superflu d'ajouter que Hultsch,
qui affirme, comme Bûttner-Wobst, que le substantif 'jzocizq,
1. L'emploi fait par Polybe et par l'auteur de répigramme en l'honneur de
Marcellus d' j-aTo; ip/i^, 'j~i~oi à.o/i ne prouve naturellement rien pour
l'usage public. L'emploi, signalé par Hultsch (xiv), d' «.y/o'j-zi au sens de
consumes dans quelques passages de Polybe (I. 24. 9 ; 38. 6 ; 39. 1 ; IIL 109. 1 ;
XXVIII. 16, 4 ; cf. ci-dessus, p. 47, note G) n'a pas plus de signilication.
112 CHAPITRE TROISIÈME
faisant suite à (j-rpaT-^Y^^? désigne expressément le consul
exerçant ïimperiu m domi i, ne réussit pas plus que lui à jus-
tifier cette téméraire affirmation.
La théorie de Hultsch n'est donc pas recevable. Et, pour
conclure, c'est s'engager en des embarras sans issue que
d'attribuer au mot u-aTCç, dans la locution c7Tpa-y;Yc; uTraToç, la
valeur originelle d'un substantif. Telle est, à la vérité, la
valeur du mot chez Polybe et sans doute aussi dans nos plus
anciennes inscriptions; mais c'est là un état de choses rela-
tivement récent, qui ne saurait rien prouver pour l'époque où
fut créée l'expression composée. Dans cette expression, uTraxoç
ne put être d'abord qu'un qualificatif de cj^pavr^^bq. Un fait
intéressant sur lequel je reviendrai ^, mais qu'il faut signaler
dès maintenant, confirme cette opinion : ainsi qu'en témoigne
une inscription qui sera produite en son lieu, la titulature en
usage dans les cours hellénistiques a fait emploi du mot j-aisç
(avec la variante û-spTa-oç), et c'est comme adjectif attributif
qu'elle l'a employé. — Au reste, chez Polybe lui-même,
bien qu' u7ïa-cç y fasse régulièrement figure de substantif, la
signification « adjective » du mot n'a pas disparu tout
entière. Nous avons dit que Polybe se sert parfois de la locu-
tion uT.ocxoq ôipyq ^, où l'on retrouve u-jcto? adjectif avec sa
valeur première, celle qu'il avait quand on commença de le
joindre à uzpaxTiyôq. D'autre part, le fait, déjà signalé ^ et dont
il faut se souvenir, qu'au temps de Polybe les dérivés \jr.0L-:da,
ûzaxsjî'.v, (j-xxvAÔq n'existaient point encore, est aussi l'indice
que l'emploi « substantif » d' j-a-c; ne remontait pas très
loin dans le passé.
La conclusion à tirer de ces remarques, c'est qu'on dut
tout d'abord dire et écrire, non pas c aTpar/;Ybç -Jr^axoç, mais
b jTpar^Y°5 ° u~ai^2?- ^^ avait cessé de s'exprimer ainsi dès
le commencement du ii® siècle et, sans doute, depuis quelque
1. Hultsch, xii-xiv. Comme Bïittner-Wobst, Hultsch ne peut se préva-
loir que de l'usage de Polybe.
2. Ci-après, p. 127-129.
3. Pol. H. 11. 1; ni. 40. 9; VI. 19. 5; 21. -4, etc.; cf. ci-dessus, p. 47. Cette
expression se trouve aussi chez les écrivains postérieurs ; cf. Magie, 76.
4. Ci-dessus, p. 51.
ANALYSE DE l'appellation STPATHrOS THATOS 113
temps déjà. L'article était tombé, qui devait précéder G-ztsç;
on disait et on écrivait 6 a-pa-r^Yo; u-axoq ; l'ancien adjectif
s'était « substantifîé ».
Ce chang-ement apporté à la forme de l'expression primitive
s'explique par diverses raisons : par l'habitude qu'on prit
d'isoler 'jr^x-oq de a-rparrjYoç et de s'en servir comme d'abrévia-
tif; — par l'influence d'expressions similaires, faites de deux
substantifs juxtaposés : il est naturel qu'on ait dit G-p7.rr,'(hq
•j-axoc comme on disait G-py.rQ'-foq c(.-j-.o-/.ç>!x-iùÇ) ; — par le fait
que a'ipa--r]Yb; j-aToç était une formule stéréotypée du vocabu-
laire officiel : les inscriptions montrent que, dans les formules
de cette sorte, à l'époque hellénistique avancée, on laissait
volontiers tomber l'article '. Mais, plus que tout le reste
peut-être, c'est l'emploi fait, dans les actes publics et dans les
dédicaces, de l'appellation cTpa-:/; vb; j-aToç, qui contribua à don-
ner le change sur sa vraie nature et à en modifier l'aspect.
Dans les actes publics se rencontraient des indications épony-
miques telles que celles-ci : ï-::\ a-:paTT,Y(T)v j-axwv '[nomS]^ — ;
ï-l [noms] cjTpaTTjYwv ÛTratcov — ; des formules comme les sui-
vantes : \_Nom\^ (TTpaT"/jYO? 'j-aTOç, t^ GU^(^ù^T^':^ù (Tuv£(jOuX£U(ja-:o — ;
repl (I)v[/iom], ff-pa-YjYO^ u-a-05, asy^'J^ à-oir,7a-o — ; [A^'om], axpa-
TfjYO^ {irato;, — [tw oeïvi] — yaipstv. Quant aux dédicaces, elles
étaient toutes conçues sur ce même type: [Nom\^ c-px-r^^fo-^ u7:a-
Tov 'Pw[j,a{())v, [_■(] rShiq — 6 of,\).oq — 0 âoîva]. Bref, dans la très
grande majorité des cas, a-py-r^-f':,- j-a-ro; formait apposition à
un nom propre. Par suite, et très correctement, l'article man-
quait devant 'j-poi-■^^-riz^ d'où il résultait qu'il manquait aussi
devant l'adjeclif attributif. On comprend qu'à la long'ue, sous
l'influence de tels exemples, on ait omis l'article, même lors-
qu'il aurait dû être inséré entre les deux éléments de l'appel-
lation, et qu'ainsi ■j-y.-.oq ait pris l'apparence d'un substantif
uni à (7Tpa-r,Yi; par apposition.
1. Sur cette chute de l'article, Viereck, 60; Thumb, Griech. Sprache ini
Zeitall. des Ilellenismus, 152, etc. Noter qu'à Rome les scribes grecs, subis-
sant l'influence des modèles latins qu'ils traduisaient, ont dû enchérir encore
sur cette tendance générale.
HOLLEAUX. — STpaxïiyoç UTZaTOÇ. 8
H4 CHAPITRE TROISIÈME
II . — STpoc-oYo; u-aToç est-il la traduction
de Praelor maximus ?
Critique de la théorie de Mommsen.
Mommsen, qui a bien discerné la valeur première du mot
'Jr.oL-o^ dans la locution Gzparriyoq uTcatcç, a donné de Torigine
de cette locution une explication célèbre que nous devons exa-
miner. Selon lui, (j-paTVjYsç u'kxzoç reproduirait le titre latin de
praetor maximus \
La doctrine de Mommsen peut se résumer ainsi ^ ; Les
magistrats dénommés à Rome praetores (préteurs) ont été dits
en grec ffTpar/îyoL La raison en est que cxpx-r^^p:; est la tra-
duction exacte du terme praetor. Puisque les consuls ont
d'abord été appelés en grec tsxçiavq^oi (uTuaTOi), c'est qu'à
l'époque où l'on traduisit leur titre, ce titre était en latin prae-
tor. ElFectivement, on a de solides raisons de croire que /)rae-
tor fut l'appellation d'abord adoptée pour désigner les hauts
magistrats de la République constitués en collège, savoir : le
dictateur (magistrat extraordinaire) ^ et les deux consuls
(magistrats ordinaires). Lorsqu'en 367 {== 387 a. V.) le col-
lège fut complété par l'adjonction d'un troisième magistrat
ordinaire, de rang inférieur aux deux plus anciens, qu'on
chargea spécialement de rendre la justice, ce magistrat reçut
aussi le nom de praetor. Le collège se trouva comprendre ainsi,
outre le dictateur, deux praetores maiores ou maximi, qui
étaient les consuls, et un praetor minor ou praetor sans épi-
thète, qui fut le « préteur » proprement dit (le futur /)?'ae^or
urhanus) ^. — C'est ce qu'exprima la terminologie par laquelle
1. Cette explication a été proposée pour la première fois dans l'article bien
connu de ÏEphemeris epigraphica, I, 223-226 = Ges. Schriflen, VIII, 259-
264 (StpaTriyôç îi-aToç) .
2. Cf. Siaatsrecht, II^, 75-76; 193 ; 194, 1; Ges. Schriflen, VIII, 259-260.
3. On ne croit plus guère aujourd'hui que le dictateur ait été le collega
maior des consuls : voir le résume de Liebenam, P-W, V, 372, 382 ; mais je
n'ai point à entrer dans l'examen de cette question.
4. Mommsen, Staalsrechl, IP, 75-76; 78; 193-194; Ges. Schriflen, VIII, 259-
260.
CRITIQUE DE LA THÉORIE CE MOMMSEN US
les Grecs désig-nèrent les hautes magistratures romaines ' :
(TTpaTYJY^; uTzy.-oq répondit à praetor maximus ; (j-paTrffôç, non
accompagné de déterminatif, fut le nom donné aux simples
praetores, dont le premier avait été créé en 367.
Cette doctrine est au moins spécieuse. Elle compte, encore
aujourd'hui, nombre d'adhérents ~. Mais il est visible, dès le
premier moment, qu'elle offre large prise à la critique.
1° Que les consuls se soient d'abord appelés praetores, il
n'y a point lieu d'en douter ; mais qu'ils aient porté le titre de
praetores maximi, c'est, comme Mommsen en doit convenir, ce
que n'atteste sûrement aucun document d'origine romaine ^.
2° Mommsen est d'avis que, peu après l'année 387 a. V.
(= 367 avant notre ère), le titre officiel de consul remplaça
celui de praetor ^. Y a-t-il apparence qu'antérieurement à
1. Mommstn, Staatsrecht, IP, 75-76; 194, 1.
2. Voir, en dernier lieu, Mentz, 7; L. Hahn, Rom und Bomanismus, 44, etc.
Magie (6-8) admet bien que le consul s'est d'abord appelé praetor maximus
et que ce titre a été rendu en grec par CTpaTTjyo; {i-axo;, mais il s'écarte de
Mommsen en ce qu'il ne voit pas dans arpa-ifiYOç la traduction de praetor.
Pour lui, l'emploi fait de a-paTrjydç s'explique par la ressemblance des
fonctions afférentes aux praetores romains (consuls et préteurs) et aux stra-
tèges grecs. Cette opinion, comme nous le verrons plus loin, est juste dans
l'ensemble, mais c'est par une évidente erreur que Magie retire au mot
aTpaTïiydç son sens militaire.
3. Mommsen, Staatsrecht, IP, 75, 4 ; cf. Bïittner-Wobst, 166 : « Allein
Mommsen musz selbst zugeben, dass die lateinischen Quellen fur diesen
Sprachgebrauch (praetor maximus, praetor maior bezw. mmor). vorhandenen
Belege « ungenûgend » sind etc. Lassen wir die lateinischen Zeugnisse als
nicht beweiskrâftig bel Seite etc. »
4. Mommsen, Slaatsrecht, 11^, 78 : « "Wahrscheinlich wird die Einfiihrung
des dritten ausschliesslich fiir die Rechtspflege bestimmten Oberbeaniten im
J. 387 die Veriinderung der Terminologie, wenn auch nicht unmittelbar, her-
beigefiihrt haben etc. « — Mommsen [ihid.) rappelle que le titre officiel
de consul est déjà donné, dans son inscription funéraire, à L. Scipio
Barbatus, cos. 298. La substitution de consul à praetor devait donc s'être
accomplie avant le milieu du v= siècle de la Ville. — Selon Herzog [Gesch.
und System der rôm. Staatsverf.l, 689), cette substitution dut nécessairement
coïncider avec l'établissement de la préture proprement dite : « ... als das
Richleramt von der obersten Magistratur abgezweigt wurde, war der Titel
« Konsul » ofl'enbar bereits so herrschend geworden, dass man den iilteren
« Priitor » fur das neue Anit verwenden konnte. Von diesem Zeitpunkt an
jedenfalls war « Konsul » dereinzige Amtstitel.» Il faut reconnaître que cette
opinion est fort raisonnable.
116 CHAPITRE TROISIÈME
cette époque reculée, il existât déjà en grec une nomencla-
ture arrêtée pour exprimer les titres des magistratures
romaines, nomenclature où le titre attribué au consul aurait
répondu à praetor maximus"! Mommsen lui-même ne nous
engage nullement à le croire, car, suivant lui, c'est seulement
« dans le courant du v* siècle de la Ville » ^ (354-255 avant
notre ère), c'est-à-dire aux environs de l'an 300 ~, que se fixa
cette nomenclature.
3'' Puisque, selon Mommsen, le titre de praetor, désignant
le consul, tomba de bonne heure en désuétude ^, pourquoi la
traduction de ce titre aurait-elle continué d'être usitée dans la
terminologie grecque ? N "est-il pas plus vraisemblable que le
titre nouveau de consul, remplaçant praetor, aurait donné
naissance en grec à un titre correspondant, qui se serait sub-
stitué à ff-cparr^vi;, de façon qu'aucune confusion ne fût pos-
sible entre les consuls et les préteurs ?
Ces remarques rendent déjà passablement douteux que le
titre de o-ipaTYJYo; 'j-koc-cç reproduise celui de praetor maximus.
Mais il convient d'aller plus avant. La théorie de Mommsen
soulève, dès qu'on l'examine de près^ une objection plus
générale et plus grave.
Il s'en faut que Mommsen ait démontré la proposition qui
fait le fond de sa thèse, à savoir que G-px~r,ybq ait été, dans la
nomenclature grecque des magistratures romaines, la « tra-
duction » de praetor. — Son argumentation, qu'il n'a fait qu'in-
diquer, est manifestement la suivante : Praetor [= prae-itor)
était à l'origine, comme en fait foi l'étvmologie, le synonyme
1. Staatsrecht, IP, 194, 1 : « . . . als dicse j^i-iechisclie) Terminolojjie sich
feststellte, vielleicht im Lauf des 5. Jahrh. der Stadt... » Le mot vielleicht
signifie évidemment que la date proposée est une date mnxima. Mommsen
(même passage) ajoute : « ... unterschied also die lateinische (Terminolo-
gie) die drei Oberbeamten als praetores ma.rimi und praetor schlechtweg. »
Mais ceci paraît peu conciliable avec ce qui est dit dans Staatsreclit, 113,
78 (passage cite plus haut).
2. Cf. ce que dit Mommsen du titre grec de Srjaapyo; désignant les tribuns
{Staatsrecht, III, 145, 2) ; il ^pense qu'il n'entra en usage que « postérieure-
ment à la loi Ilorlensia » (ann. 2S7).
3. Mommsen, Slaatsrecht, IP, 78-79.
CRITIQUE DE LA THÉORIE DE MOMMSEN 117
de dux ; ce titre désignait le « chef de guerre ». En grec, j-rpa-rv;-
Yîç avait un sens identique '. Le titre de a-:paTY]Y:ç, que nous
trouvons attribué constamment aux préteurs et anciennement
aux consuls, fut donc choisi par les Grecs comme le plus propre
à rendre l'idée contenue dans le mot latin practor. Entre prae-
tor et ffTpxTYjv;- il existe une corrélation nécessaire. D'où il
faut conclure que l'emploi fait par les Grecs de s-^3.-T{^hz pré-
suppose toujours l'emploi fait par les Romains de praetor.
Appliqué aux consuls, G-:px-r,yi; a dû « traduire ^^ praetor, tout
de même qu'il le « traduit » quand il est appliqué aux préteurs.
A première vue, rien là que desimpie. Mais, à la réflexion,
cette argumentation ne paraît pas fort solide.
Elle implique d'abord un postulat des plus hasardeux.
Considérer a-rpar/jyôç comme la « traduction » de praetor,
c'est admettre, dès les temps les plus anciens, l'existence
d'une terminologie grecque respectueuse de la signification
étymologique des mots latins qu'elle" interprète, et se super-
posant de la façon la plus exacte à la titulature romaine. Or,
les faits sont bien éloignés de nous montrer rien de semblable.
Ce qui paraît avéré, c'est que les Grecs ne prirent point
d'abord souci de traduire les titres des magistrats romains.
Pour les exprimer en leur langue, ils recoururent — ce
qui était fort différent — au système des équivalents '-. Ils
visèrent, autant que la chose leur fut possible, à rendre mani-
feste le caractère de chaque magistrature romaine tel qu'il
leur apparaissait, en appliquant à celui qui l'exerçait le titre
du magistrat grec dont les fonctions semblaient offrir avec les
siennes le plus d'analogie ^. Ils firent comme nous-mêmes,
1. Voir, notamment, Staalsr-echt. IP, 74, etnote 2 : « Praetor isl prae-itor,
der Heerfûhrer. .. » ; «...in " Herzo^ », aTpaTr,Yo;, dux, dieselbe AufTassung
zu Grundc liegt. . . »
2. On peut voir là-dessus de bonnes obervations de Mag:ie, 2 : « Tribus
enim modis Graece reddita esse Romanorum vocabula sollemnia — ; pri-
mum per comparationem, qua vocabula sollemnia iuris publiai Graeci ad
mag'istratus institutaque Romana ita usurpabantur, ut similia siinilibns con-
ferrentar, et appellationes Graecae ad munera Romana congruentia trans-
ferrentur. »
3. Se rappeler, par exemple, ce que Denys (VI. 90. 3) dit des édiles:
aysôov ko'.y.oLi'. roj; y.aTà Ta tzkv.^jtt. toï; r.xo' "EXXr,aiv àyopavou-Oi;.
118 CHAPITRE TROISIÈME
lorsque nous « traduisons )> First Lord of the admiralty par
ministre de la marine ; speaker par président ; Kreisbe-
hurde par autorité cantonale ; sindaco par maire ; carabiniero
par agent de police ; apsic; Tcàyoç (néo-grec) par cour rfe cassa-
tion; ycùpo<pjXoc^ (néo-grec) ^ar gendarme; mazkir ^ (hébreu)
par chancelier, etc. A vrai dire, ce ne sont aucunement là des
« traductions » ; ce ne sont que des équivalences onomas-
tiques, des synonymies assez grossières, suggérées par la
comparaison de la fonction ou de l'institution étrangère avec
ses similaires français. Pareillement, Ta;xb.ç n'est pas la « tra-
duction » de quaestor (on risqua plus tard ^r^r/jr/^;), ni
âp^ispeu; celle de pontifex maximus, ni àyopocvôiJ.zç celle d'ae-
dilis *, ni oT,[j.ocpyoq celle de tribuniis plebis, ni yiKiocpyoç celle
de tribunus milituni ^.
Toutes ces appellations furent créées sans qu'on eût égard
au sens étymologique des mots latins qu'elles rendaient en
grec. Elles ne furent que des « équivalents », nés dune com-
paraison sommaire entre la fonction romaine et quelque fonc-
tion hellénique '*, Les Grecs, lorsqu'ils les mirent en usage,
1. Au propre, « celui qui fait souvenir ». [Indication fournie par M. Lods.]
2. Cf. Mommsen, Staatsrecht^lV, 497, 1 : « \ . . sprachlich beide Ausdriicke
{aedilis, àyopavoyoç) sicli keineswegs decken. » Il reconnaît que l'interpréta-
tion d\%edilis par àyopavdjjLO; doit seulement son origine à la « sachliche Ana-
logie beider Aemter. »
3. Dans le cas des tribuns de la plèbe et des tribuns militaires, il y a lieu
de noter que les traducteurs grecs ne tinrent aucun compte de l'homo-
nymie, résultant d'une étymologie commune, qui existait dans le latin. Le
même terme, Irihunus, tiré du même radical, tribus, servait d'appellation et
aux chefs de la plèbe et aux commandants des légions ; mais c'est à quoi les
Grecs ne prêtèrent nulle attention. II semble pourtant que, d'après la théorie
de Mommsen, un titre grec unique, formé à l'image de tribunus (par exemple,
çjXapyo;), et différencié par un déterminatif répondant, ici à plebis, et là à
militum, aurait dû désigner les deux sortes de tribuni. Il n'en fut rien parce
que ces deux magistratures romaines ne pouvaient point être rapprochées
d'une même magistrature hellénique. Sans avoir égard à l'homonymie latine,
on observa, d'une part, que les tribuni plebis étaient les chefs de la plèbe,
identifiée par les Grecs avec le of^ixoç (cf. Mommsen, S<aa^srec/i<, III, 145), —
d'où le nom de or)[Aap/ot qui leur fut donné — ; et, de l'autre, que les tribuni
militum, commandants des légions, étaient des chefs militaires comparables
aux chiliarques des armées macédoniennes : c'est pourquoi on les appela
ytXi'apyot.
i. On sait que, selon l'opinion courante qui remonte à Mommsen, le titre de
CRITIQUE DE LA THÉORIE DE MOMMSEN H9
avaient dessein de « traduire », non les titres des mag'is-
trats romains, mais l'idée qu'ils se faisaient de la charge gérée
par chacun. Les choses étant ainsi, on se demande pourquoi,
lorsqu'ils désignèrent en leur langue les consuls et les préteurs,
ils auraient procédé d'autre sorte, pourquoi le nom de cTpar^-
Y©'!, donné par eux à ces magistrats, aurait été calqué sur leur
titre latin, et pourquoi, par une exception qui resterait
presque unique, tjtpaT-^Y^? serait la traduction rigoureuse,
conforme à l'étymologie, de praetor.
C'est là, dira-t-on, une singularité; rien n'empêche qu'elle
se soit produite. Mais voici deux observations dont il vaut la
peine de tenir compte.
1° Il convient de prendre garde à l'emploi fait du mot
a-px-ri^(ôq dans la locution ffxpar/JYàç àvÔJ-aT:; que nous avons
précédemment expliquée K
Mommsen a pensé que, dans cette locution, axpoL~r,ybq était,
comme lorsqu'on l'emploie seul ou joint à uTraxoç, la traduc-
tion de praetor. La logique voulait qu'il en jugeât ainsi : pour
lui, G'poc~-q'(zq répond toujours à praetor; en conséquence,
aipavri-foq àv6j7:xToç doit signifier praetor pro consule -. Mais
sur ce dernier point son erreur est certaine. Comme on l'a
récemment fait voir ■% le titre de a-pxrrj'^iç précédant àvOÛTraioç
peut, suivant l'occasion, être porté, soit par un préteur (ou
propréteur), soit par un consul prorogé (proconsul). Or, il n'est
pas besoin de dire qu'à l'époque où la locution (jTpar/jYoç àv9j-
zaïoç entra dans l'usage '», les consuls (ou proconsuls) n'étaient
plus à Rome appelés praetores ; en sorte qu'il est évident que
<j-rpar^Y°?' ^^^ ^ àvOû-aToç, ne traduit point le latin praetor. En
réalité, dans cette locution, le mot G-px-r,^(bq n'a pas de signi-
fication officielle rigoureusement déterminée : c'est un titre un
peu vague, qui, peut être indifféremment attribué à deux sortes
SrjAapyo; aurait été emprunté au vocabulaire public des Néapolitains. Il est
permis, toutefois, de se demander si or|;j.ap/05 n'est pas un terme artificiel,
une pure création verbale (orjjxou apyd:).
1. Cf. ci-dessus, p. 10 etfsuiv.
2. Mommsen, Staatsrecht, IP, 650; cf. ci-dessus, p. 12, note 1.
3. Cf. la démonstration décisive de P. Foucart, Rev. Philol. 1S99, 262, et
ci-dessus, ibid.
4. Cf. ci-dessus, p. 10 etsuiv.
120 CHAPITRE TROISIÈME
de magistrats : préteurs (ou propréteurs) d'une part, procon-
suls de l'autre. N'est-il pas vraisemblable que, dès l'origine,
employé seul ou accompagné de l'adjectif u-aTs;,ce mot n'eut
pareillement qu'une signification mal définie? N'est-il pas vrai-
semblable qu'au lieu de correspondre strictement à praeéor,
il put servir à désigner, tantôt le magistrat appelé en latin
praelor, tantôt celui que les Romains nommaient déjà consul ? Si
(7-p3£TY;Yî; ne «traduit » pas praetor quand il est suivi d'àvôyiwa-
To;, on se demande pourquoi il le « traduirait » quand il est
suivi d'j-aTo; ou se trouve dépourvu de déterminatif.
2° Il est bien vrai que praetor vient de prae-itor et qu'éty-
mologiquement le mot a le même sens que tjTpar^YÔç. Seule-
ment, ce sens, le gardait-il encore quand s'établit la terminolo-
gie grecque désignant les principales magistratures romaines ?
Non assurément. La preuve en est, comme l'explique très
bien Mommsen lui-même ', qu'en 367 le titre àe praetor fut
donné, puis, un peu plus tard, réservé, à ce magistrat nou-
vellement adjoint aux consuls, dont les attributions devaient
en principe être « exclusivement judiciaires » - et qui fut le
« préteur » de l'époque historique. On l'appela, dit Momm-
sen, de cet ancien nom de praetor, « jadis commun à tout le
collège des magistrats supérieurs, dont la primitive significa-
tion militaire avait depuis fort longtemps cessé d'être com-
prise » ^. Retenons bien les derniers mots : vers 367, la
signification militaire du mot praetor avait, depuis fort long-
temps, cessé d'être comprise à Rome. Et rappelons-nous,
d'autre part, que la terminologie grecque des magistratures
romaines ne commença, selon Mommsen, d'être arrêtée qu'au
cours du v"^ siècle de la Ville *, c'est-à-dire vers l'an 300 au
plus tôt. On voit assez ce qui suit de là. La théorie de Momm-
sen aboutit à ce résultat que les Grecs auraient fait choix de
1. Slaatsrecht;'\U, 78-79.
2. Staatsreclit, IP, 78, texte cité précédemment (p. 115, note 4).
3. Mommsen, Staatsrecht, IP, 79 : « Se nannle man jene (Oberbeamten)
consules, diesen dagegen mit dem friiher allgemeinen Namen, dessen
urspriinglich mililarische Bedeutung Uincfsl nicht mehr gefùhlt ward, prae-
tor. » Cf. 74, 2, 5. /■. : «... wird in historischer Zeit praeire nie vom Feld-
herrn gesagt und auch praetor nie dafiir appellativiscii gebraucht » ; 219.
4. Mommsen, Staatsrecht, 11^, 194, 1. Le texte de Mommsena été cité plus
haut (p. 116, note 1).
CRITIQUE DE LA THÉORIE DE MOMMSEN 121
ffTpaTr^Ys;, terme dont le sens est essentiellement militaire, pour
« traduire » praetor, à une époque où praetor ne signifiait déjà
plus 7Tp3c-r,YÔ;. x\lors qu'en règle générale ils s'efforçaient d'ex-
primer en leur langue non le titre, mais le caractère des
magistratures romaines, dans le cas présent, par un attache-
ment pharisaïque au sens primitif et littéral, ils auraient
« traduit » le titre commun des consuls et des préteurs, bien
que ce titre, dépouillé de son acception ancienne, ne fût plus
qu'une simple étiquette, n'indiquât plus ce qu'étaient les con-
suls et n'indiquât nullement ce qu'étaient les « préteurs ». Et,
ce qui serait plus étrange encore, ils auraient pénétré la signi-
fication première du mot praetor^ alors qu'aux Romains eux-
mêmes ce mot était devenu inintelligible.
11 paraît donc tout à fait illusoire de voir dans le nom de
(7Tpar/)YÔç, donné aux consuls et aux préteurs, la traduction de
praetor. A supposer (chose en soi bien improbable) que les
consuls fussent encore dits praetores lorsqu'on fit choix de
l'appellation qui les désignerait en langue grecque, ce ne fut
point là le motif qui les fit qualifier de ^Tpat-^you Et, inverse-
ment, de ce qu'ils furent qualifiés de G-poL-ri^(oi, on ne saurait
conclure qu'à l'époque où ils reçurent ce nom, leur appel-
lation romaine était praetores ^.
Mais si 7-px-r,'(o- n'est pas la traduction de praetor, com-
ment expliquer lemploi qu on a fait de ce titre grec, et d'où
vient qu'on l'ait appliqué aux consuls et aux préteurs ? Au
moment d'aborder cette question, il est bon d'avoir pré-
sents à l'esprit les textes de Polybe où il est parlé de la dictature.
Polybe ne donne point au titre de dictator une forme
grecque ; il se contente de le transcrire — ce qui s'accorde
avec l'usage officiel attesté par les inscriptions : il insère
dans son texte le mot barbare c'.y.TXTcop ~. Mais quand il veut
1. C'est ce qu'est tenté de faire Momniscn {Staaisrechl, IP, 75-76 ; 194, 1),
dont l'argumentation est suspecte de pétition de principe. — Si on le lit avec
attention, on observera qu'il soutient successivement ces deux propositions :
1" Les consuls et les préteurs étaient dits à lorig^ine praetores : c'est pourquoi
les Grecs les désignèrent par le titre commun de aTpaxriYOt. 2° Les Grecs don-
nèrent aux consuls et aux préteurs le titre unique de aTpaTrjyo-' ; c'est pourquoi
nous devons croire qu'à Rome ils s'appelaient, les uns et les autres, praetores .
2. Pol. III. 87. 6-7; 87. 9; 103. 4; 106. 1.
122 CHAPITRE TROISIÈME
faire entendre ce qu'est la dictature, il écrit : oZxzç {h BaraTwp)
S'à'tjTiv «jToxpaTwp ffTpxTYjvoç ^ ; et, en deux endroits de son
ouvrage, l'expression ajTC'/.paxMp aTpaTYJYî;, abrégée en ajTovcpa-
tup ', est employée comme synonyme de ciy.-câ-:wp. Bref, il s'en
faut de très peu qu'il n'appelle le dictateur aÙToy.pa-rwp Gipa-
ty;yc; ou ffTpaTYjYcç ajT07.p»Twp ^. Ce n'est pas cependant que,
de son temps, le dictateur fût dit à Rome praeior. Et, à coup
sûr, Polybe ignorait qu'à une époque très reculée, il avait —
peut-être — porté le titre de praetor maximus *. Personne
n'admettra que, chez Polybe, o-Tpar/jvcç, dans la locution œjzc-
xpàrtop ffipar/JYOç, soit une traduction de praetor ^. Si Pol^^be
est tenté de rendre le titre de dictator par celui de (jTpaTYjYb;
aj-oy.piT(i)p, la raison s'en laisse assez voir: c'est que, par
l'amplitude de ses pouvoirs extraordinaires et extralégaux, le
dictateur lui rappelle les c7TpaTY;Yci ajtcxpxTopsç qui, dans les
cités et les confédérations grecques '"', étaient investis, aux
heures d'extrême péril, d'une autorité militaire sans contrôle
et de la direction souveraine de la guerre ^.
Ici comme d'ordinaire, ce que nous trouvons donc, c'est le
1. Pol. III. 87. 8; cf. 86. 7.
2. Pol. III. 87. 9; 103. 4. — Ce titre est bien de l'invention de Polybe; les
inscriptions ne font usage d'aùroxpà-wp qu'au sens d'imperator.
3. Stpa-^iyoç auToxoâTojp est employé par Diodore : XIX. 76. 3 ; le même
auteur l'abrège ordinairement en aÙTOxpiTwp : XII. 64. 1; XIV. 93, 2; XIX-
101. 3; 72. 6 (aùtoxpâxtop xou -oXiaou).
4. C'est ce que croit Mommsen, qui ne s'exprime d'ailleurs qu'avec
réserve : Staalsrecht, II'', 73; 143. On sait que cette opinion a été vivement
combattue, en particulier par Karlowa, Rom. Rechtscjesch. 1,213.
5. Mommsen lui-même hésite à le soutenir [Staatsrecht, IP, 143-144) :
« ... wenn auch die Bezeichnung praetor maximus als titulare ihm (dem Dicta-
tor) nicht zukommt,so heisst erivenigstens bei Polybiusund anderen Griechen
GTpar^yoç ajxozoaTwp. » Ici encore, il y a quelque soupçon de cercle vicieux.
Mommsen penche à croire que le dictateur s'est appelé praetor parce que
Polybe l'appelle axpaTriyd; ; il faudrait avoir d'abord établi que azpxxr\y6<;
est la traduction nécessaire de praetor.
6. Cf. sur ce point, Swoboda, Staatsaltert. 409.
7. Cf. Pol. III. 87. 8. Remarquer aussi ce qu'écrit Denys (V. 70. 1) : — "exoivî
(ri PouXrj) — ÉTÉpav oi Ttva ipyT)v knood^OLi 3toX£[j.ou -s xaî etprjvriç y.al -avTo;
àXXou :ïpaY[jiaTo; z'jpi'av, aÙTOxpàxopa xai àvu::rjOuvov . . , La comparaison
avec les aTparrjyol aùroxpaTope; s'offre d'elle-même dès qu'il s'agit du dicta-
teur; cf. Swoboda, ibid.
ORIGINE DE l'appellation STPATHrOS YIIATOS 123
système connu des « équivalents » ; ici comme d'ordinaire,
l'appellation grecque du magistrat romain a pour objet de faire
saisir la nature de sa fonction, au moyen d'un rapprochement
avec ce qui existe en Grèce et ce que connaissent les Grecs ;
ici comme d'ordinaire, nul compte n'a été tenu, dans le choix
de l'appellation grecque, du sens propre de l'appellation
romaine.
Voilà qui nous éclaire sur l'emploi qui fut fait du titre de
ffTpaT'^yiç pour désigner les consuls et les préteurs ; voilà un
nouveau motif de croire que ce titre ne fut point la (( traduc-
tion » d'un terme du vocabulaire public en usage à Rome, et
n'avait pas d'exact correspondant dans la titulature romaine.
Si les consuls et les préteurs parurent aux Grecs investis
d'attributions comparables à celles qui étaient exercées en
Grèce par les « stratèges », c'en fut assez pour qu'on les
nommât, les uns et les autres, aTpaT-/;Yct, encore qu'à Rome les
premiers pussent déjà être dits consu les, tandis que les seconds
s'appelaient praetores; car des titres qu'ils portaient à Rome et
de la signification littérale de ces titres les Grecs n'avaient
cure, pas plus que Polybe de la signification littérale du mot
dictator i, quand il l'interprétait par a-pa.vr,^oq ajTO/.paTwp.
III. — Origine de l'appellatioii I.xpoLxr,-(oq uzaTo?.
Les premiers consuls (ou proconsuls) qui se montrèrent
aux Grecs — d'abord aux Grecs d'Italie et de Sicile, puis à
ceux de la Grèce propre — étaient des commandants d'armée.
C'est pourquoi ils en reçurent le titre par lequel, dans tous
les pays helléniques, on avait toujours désigné les chefs mili-
taires exerçant un commandement supérieur 2. Les Grecs les
1. Cette signification est d'ailleurs mal connue ; cf. Liebenam, P-W, V, 374-
375, s. V. Dictator.
2. La vérité sur ce point a été vue par P. Foucart {Rev. Philol. 1899, 25C).
Elle est, au contraire, pleinement méconnue par Magie (7), qui veut que les
Grecs, lorsqu'ils assimilèrent les consuls aux stratèges, n'aient eu égard qu'aux
attributions civiles de ceux-ci.
124 CHAPITRE TROISIÈME
appelèrent a-:pa-"r;Ys{*, cl twv 'Pw[j.auov c-TpaTvjY^i'. Et l'on ne
voit g-uère, en vérité, quel autre nom ils leur eussent pu
donner. Le titre de ^tpaTr^viç parut si bien leur convenir,
qu'en Grèce, dans les actes publics, il leur fut maintenu,
nous l'avons vu, jusqu'à une époque avancée et bien après
qu'il avait cessé d'être leur appellation régulière 3.
Les premiers préteurs (ou propréteurs) que connurent les
Grecs étaient ou bien, comme les consuls, les chefs de forces
militaires ou navales, ou bien les g^ouverneurs préposés,
depuis 227 environ, à l'administration de la partie de la Sicile
récemment conquise^. — Dans le premier cas, il était tout
simple qu'on les appelât tj-par^vci comme on avait fait les
consuls. Le même titre ne leur convenait pas moins dans le
second. On sait, en effet, que, dans les monarchies hellénis-
tiques, les g-ouverneurs provinciaux, fonctionnaires militaires,
étaient des « stratèges » ^. Les préteurs furent donc, eux
aussi, appelés o-pyL-T^•^(zi.
1. Mommsen a supposé que le terme aToair^Yo';, appliqué aux magistrati
romains, pouvait, comme c'est le cas pour ajyxXrj-o;, orlfiapyoî et ayopavd-
[jLo;(?), provenir des cités grecques de la Campanie [Stualsrecht, III, 646, 2).
C'est une hypothèse que rien n'autorise; cf. Magie, 7. Mommsen lui-même
{ibid.) reconnaît, avec plus de raison, que a-paxriYo; est «gemeingriechisch ».
2. Cf. ci-dessus, p. 47 et note 7, quelques-uns des nombreux exemples
qu'offre Polybe de cette locution.
3. Cf. ci-dessus, p. 40-42 (décrets de Sestos, de Bargylia, de Priène ; cf.
aussi la lettre des stratèges athéniens citée par Josèphe, Anl. Jud. XIV. 10.
14, 232). Dans ces décrets, le titre de aTpaTviyi; doit à l'ordinaire être consi-
déré comme l'abréviation de iTpaTrjVo; iriaTo;, par chute du second élément
de l'appellation. C'est ainsi que je l'ai interprété. Mais il est clair qu'on y peut
voir en même temps une persistance de l'appellation primitivement donnée
aux consuls.
4. On notera qu'Appien {Sic. II. 2) donne déjà le titre de iTpa-cr^fôi, qui ne
peut signifier /)rae<or, au fonctionnaire extraordinaire envoyé annuellement de
Rome en Sicile à partir de 241. Comme l'a bien vu J. Klein (Die Verwaltungs-
beamten der Provinzen, I, 4-5), le mot a simplement chez Appien le sens de
« gouverneur » ou de « commandant militaire », tant il est vrai que aToa-riyd;
n'est pas du tout la « traduction » nécessaire de préteur. — Remarquer, d'autre
part, que les chefs militaires préposés par les Puniques au commandement
des places de Sicile sont aussi, chez Polybe, appelés 'j-ç,<x-r^joi : Pol. I. 42.
12; 46. 1, etc.
5. Sur les irpaTriyoî, gouverneurs provinciaux chez les Séleucides, les
Lagides et les Antigonides,cf. Beloch, Griech. Gesch. III, 1, 400-404. Pour les
stratèges de l'empire lagide, voir, en particulier, Lesquier [Inslit. milit. de
ORIGINE DE l'appellation ^TPATHrOi] ITIATOS 125
Il n'est pas douteux que les Grecs aient vite su que
les chefs militaires dénommés par eux « stratèges » avaient
la haute direction de l'Etat romain; mais ce n'était là qu'une
raison de plus pour leur conserver le titre d'abord choisi : car,
dans quantité de villes grecques, ce titre était celui des magis-
trats supérieurs, et la pluj)art des Confédérations helléniques
avaient pour chef suprême un <( stratège ))^.
Entre les consuls et les préteurs, qui se présentaient à eux
sous le même aspect militaire, il est probable qu'à l'origine
ils ne firent point de dilférence. Ils s'inquiétèrent peu des
titres divers que portaient à Rome ces magistrats, qualifiés
uniformément par eux de a-px-Tt^zi.
Le gouvernement romain, lorsqu'il lui fallut exprimer en
grec les titres de consul et de praeior, n'avait aucun motif de
ne point se conformer à l'usage qui s'était établi parmi les
Grecs-. Pour désigner le Sénat et les tribuns de la plèbe, il
avait adopté les termes (Tjvy.XYjToç et Qr,\).y.p'/zç, empruntés tous
deux au vocabulaire public des Néapolitains, bien que ce ne
fussent là que des équivalents très approximatifs de senatus
et de tribunus plebis ; c'est avec une égale facilité qu'il adopta
ffxpa-ïJYÔç pour désigner les consuls et les préteurs. Dans les
VEgypte, 69-72) qui donne ces indications précises : « Ce mot (aTpaxTJYo;)
désigne à la fois un grade et une fonction; il désigne un grade, le plus haut
de la hiérarchie, conformément à son sens originel, purement militaire ; il
indique aussi les fonctions confiées aux officiers de ce grade... Tantôt, elles ne
sont que militaires. .. ; tantôt, le rôle du stratège s'élargit : il commande une
circonscription territoriale de l'Egypte, un nome... La stratégie égyptienne, au
second sens du mot, est toute militaire par son origine et le reste par cer-
taines de ses fonctions... Ce caractère (militaire) de la stratégie égyptienne
est resté très nettement marqué dans les fonctions des stratèges des posses-
sions extérieures... Le stratège n'est que le commandant des forces militaires
qui servent à assurer la rentrée de l'sîaçopoc et à occuper les points straté-
giques.» — Mommsen {Staatsrecht, II ^, 240, 5) relève avec raison chez Strabon
(III. 4. 20, 166) l'emploi de axpatrjyd; au sens général de « gouverneur » ; cf.
aussi Diod. XXXYl. 3. 2, et l'édit de César cité par Josèphe, Ant. Jud. XIV.
10. 6, 204.
1. Magie (7) insiste à bon droit sur ce point.
2. Lorsque P. Foucart écrit {Rev. Philol. 1899, 256) que aioarTiyd;, appliqué
aux consuls, est une « appellation populaire qui ne (ut usitée quen Grèce »,
il oublie que la même « appellation populaire », désignant les préteurs, a
passé de plain-pied de Grèce à Rome.
126 CHAPITRE TROISIÈME
premiers actes romains rédig-és en grec, les uns et les autres
durent être appelés de ce nom ^
Toutefois, il importa de bonne heure aux Romains de pré-
venir, dans les pièces officielles, une confusion possible entre
les consuls et les préteurs. Et les Grecs eux-mêmes, ayant
appris à les distinguer, connurent la nécessité de désigner
différemment ces deux sortes de magistrats.
Ils songèrent, semble-t-il, à prendre à cet effet pour critère
le plus ou moins grand nombre de faisceaux qui leur étaient
attribués -. Il y aurait eu ainsi des a-poL-.r,^zl cMosv.x-zKév.eiq
(consuls) 3 et des a-px-ri-^'o: k'zyi~s.\iY,tiz (préteurs), ou, plus sim-
plement, des c-py-r,'^'ci proprement dits et des cTpaTYjyst é^a-
'îteKty.ii:; ^. A Rome, il ne paraît pas que ces appellations aient
jamais été reçues dans la langue officielle ; elles ne se trouvent
que chez les écrivains grecs et ne semblent avoir eu, même
en Grèce, qu'un succès médiocre. On jugea préférable, lors-
qu'il s'agissait d'un consul, de joindre au mot a-rpaTyjyii; l'épi-
thète JTrxTcç, et de laisser au préteur le titre nu de azpa-rj-^ôç.
Ce choix fait de l'adjectif u^aToç, pour exprimer la supé-
riorité du consul, cause d'abord quelque surprise. Le mot
appartient presque uniquement au vocabulaire religieux et
1. On se rappelle qu'en 189 encore, dans le traité avec les Aitoliens, il est
fait à trois reprises emploi de arpaTr^yd; comme titre (abrégé) du consul. — Je
me suis souvent demandé si, dans la phrase suivante du sénatus-consulte
pour Pergame (Dittenberger, Or. gr. inscr. 435, 1. 6-7 ; cf. 16-17) — tîves Èvto-
X[al 'Éaovxai toïç eîç 'AJat'av ::ûp£uojj.Évotç arpaT-^yoi; — , le ternie aTpaTTiyoî
ne désigne pas à la fois les consuls et les préteurs qui pourront être
envoyés en Asie (cf. le décret amphiktionique, BCH, 1914, 26, 1. 15-16, 25-26).
Ce serait l'interprétation la plus naturelle; l'embarras, toutefois, est qu'on ne
voit guère comment, dans l'original latin, azpoLxr^-^oi aurait pu être rendu
autrement que par /jrae^ores. — Pour linterprétation du mot arpaTriyoç dans
le sénatus-consulte pour les Thisbéens (1. 41), voir ci-dessus, p. 84, note 2.
2. Cf. le passage de Polybe (III. 87. 7) sur la dictature comparée au consu-
lat ; ce que Polybe remarque d'abord, c'est que le dictateur a droit à 24
3. Toutefois, il n'existe aucun exemple d'un pareil titre. Il est donc pro-
bable que aTpatïiyo; ÉÇaT^IXîxu; ou âÇaTtéXexuç s'opposait, dès l'origine, à
ffxpaTïiydç sans épithète ; cf. ci-dessus, p. 51.
4. Sur l'emploi que Polybe a fait de cette dénomination, cf. ci-dessus, p.
51 et note 4. Elle se rencontre aussi, comme on sait, chez Diodore et chez
Appien : cf. Magie, 8, 81.
ORIGINE DE l'appellation STPATHrOS THATOi: 127
poétique ^ ; comme B~iv.XT,aiç, on ne le rencontre guère qu'uni
aux noms des dieux et spécialement à celui de Zeus. Mais
on peut observer qu'Hésychios ~ lui donne pour synonymes
ou quasi-synonymes TzpchToq, oiaçépwv twv aX/.cov, k^o'/il)-a-oq
[eminentissimus dans la titulature romaine de l'époque tar-
dive), si bien qu'ajouté au titre d'un magistrat, il semble qu'il
fût propre à en marquer la précellence sur les autres titulaires
de la même fonction. Néanmoins, il n'est pas croyable que,
voulant caractériser le consul romain, les Grecs aient fait un
emprunt direct à la langue des poètes, et qu'ils aient renforcé
le mot cTpx-ïYjYa; d'une épithète que, jusque là, on aurait eu
coutume de n'appliquer qu'aux dieux '^. L'idée qui vient de soi-
même, c'est qu'en appelant le consul cjTpa-Yjvbç u-aio;, on
s'inspira de quelque précédent. Et comme, dans les cités
grecques, la nomenclature des àpy ai ne nous en offre aucun,
c'est vers les monarchies macédoniennes qu'il est naturel de se
tourner. On est tenté de supposer que le mot 'j-nra-rcç, dépouil-
lant son caractère religieux, avait pris place dans la titulature
mise en usage par ces monarchies. Or, il paraît bien que ce
n'est point là une pure hypothèse.
On a trop peu remarqué que cette iiinctura verborum faite
pour étonner — j-paTYJYb; iira-:;; — se rencontre dans une
inscription de Délos composée en l'honneur d'un haut fonc-
tionnaire de l'empire lagide. C'est une dédicace que la
«Tjvooo; Twv èv AAs^avspsia'. Trpsfjt^uTcpwv v(zzyi(.<Y) fit graver sous
la statue d'un gouverneur de Kypre; elle commence ainsi ^ :
Kpixov, Tcv [i7]'j[yy]sv^ jîaffiXewç Hxo\t]}.odo\i y.at [[âaûrtX]iaa"r;ç KÀeo-
TToéipaç -Yjç àcsAç-?;; %at '^(xaCki-jtrqq KXes^atpaç ty;ç ^(m^olvaoç, y,cà
v[a]'j[ap]-/5V y.al Q-py.vr^'fo') xj-ov.pi'zpx xal iiizzpl j xal àpyj-tpé/x
T(ov xaxà Kûr-plov -/.ta. Ce texte date du résine de Ptolémée
Evergétès II ; mais, à la réserve des mots tcv auYycV^ ^, la titu-
1. Cf. Bûttnei"-Wobst, 168; Thés. Ungiiae gr. s. v. j-aio;.
2. Hesych. s. v. u-cltoç .
3. C'est, comme on l'a déjà vu, riiypothèse, tout à fait insoutenable, de
Biittner-Wobst.
4. BCH, 1887, 219, n. 2 = Dittenberger, Or. gr. inscr. 140.
5. En Egypte, le titre de au^jêvrl; ne paraît pas, comme on sait, être anté-
rieur au règne de Ptolémée Épiphanès ; cf. Strack, Rhein. Mus. 1900, 166 et suiv.
128 CHAPITRE TROISIÈME
lature qu'il nous présente peut remonter à un temps de beau-
coup antérieur. Or, aux 1. Ti-G, il ne semble pas douteux qu'il
faille restituer et lire o-px-Tf'fo^ aùtsy.p^Tcpa y.al 'jTAp[~x-o')]. Le
supplément \jT.ip[xxzo'^] est dû à G. Fougères K On l'a contesté,
mais sans j rien substituer d'acceptable ^, et Dittenberger l'a
maintenu par de très bonnes raisons ; enfin, P. Roussel, ayant
bien voulu revoir le marbre à ma prière, m'a fait connaître
que cette restitution est « celle qui s'accorde le mieux avec
l'espace disponible comme avec les traces évanides de la gra-
vure ». Nous sommes donc légitimement autorisés à croire
qu'il y eut, chez les Ptolémées, des a-rpaTr^Y-^ qualifiés d'ajTO-
xpdcTîps; et j^ép-raToi ; et il est sans doute superflu de rap-
peler qu'6-£pTaT5ç et j-ato; ne sont que deux formes d'un
même mot ^.
Objectera-t-on que, dans le texte de Délos, ÛTuipTa-c; peut
n'être qu'une épithète flatteuse, sans valeur ni signification
officielle, dont les k'^ojyzic d'Alexandrie auraient orné le titre,
seul correct et légal, de (7-:px-r,-foz xj-oxpi-wp, pour faire leur
cour au grand personnage qu'était Krokos ? A supposer l'objec-
tion fondée (et nous ne saurions dire si elle l'est), il restera
toujours que, de vocable presque exclusivement religieux et poé-
tique qu'il avait d'abord été, uzx-oç était devenu, aux temps
alexandrins, un qualificatif honorifique ^, susceptible d'être
joint, pour le rehausser, à un titre de fonction. C'est assez
1. Fougères, BC//, 1887, 249, n. 2; cf. 251.
2. Il n'est pas besoin de discuter les deux suppléments 07:[o8to;x.YiT7]'v] et
u7:[oav/ijjLaroYpâcpov] proposés, l'un par Strack [Dynastie der Ptolem. 259,
n. 118), l'autre par P. Meyer {Heerwes. der Ptolem. und der Romer, 89, n. 325).
Outre qu'ils ne correspondent ni aux traces de lettres subsistantes, ni à l'éten-
due de la lacune, Dittenberger les a écartés par un argument décisif [Or. gr.
inscr. 140, not. 5) : « cum vaustp/ou /.olI CTtpaTriyoîj xai àpy upÉoj; vocabula tum
temporis coniuncla unum idemque suninii Cypri insulac praefecti officium
significent, fieri nuUo modo potest, ut inter haec alius muneris significatio
interponatur. »
3. Cf. Kïihner-Blass, Aiisfûhrl. Gramm. I, 574, § 157, 5.
4. On peut signaler, en tête du décret de Rosette (1. 2), dans la longue série
des qualifications laudatives jointes au nom de Ptolémée V, celle d' àv-
TiTcàXcov GrepTEpoç. On la retrouve appliquée au même souverain dans le
Pap. Monac. = Arch.fûr Papyriisf. I, 480 (Wilcken) ; cf. Mayser, Gramm. der
griech. Papy ri, 32.
ORIGINE DE l'appellation STPATHrOS YnATOS 129
pour expliquer qu'on en ait pu faire emploi afin d'exprimer la
dignité supérieure delà magistrature consulaire. L'inscription
de Délos, confirmant en quelque façon ce qu'on lit chez
Denys ^, montre que les consuls, appelés d'abord c:TpxTr,Yoi,
furent par surcroît dits uraT:'. — kizl toj [j-sysOcuç -•?;; èrcutrîxç.
Mais, surtout, elle donne droit de penser qu'en les qualifiant
ainsi, on prit pour modèle, sinon un titre officiel, du moins une
locution de la langue aulique en usage dans les royaumes
hellénistiques.
Le mot G-px-Tf-fôi;, trop indéterminé, se trouva donc précisé
par l'adjonction du qualificatif û'zaTor. Aux <j-px-.r,-;zi{praeto-
res) s'opposèrent désormais les G-pxzr,^(o\ j-aTî'. [consules).
On voit que la doctrine récente, qui fait d''J-7.'oq l'appella-
tion première des consuls et de ai:pji-r,^{b: une « addition » ~
explicative d'origine secondaire, renverse l'ordre historique et
la suite logique des faits.
Le titre double de ^Tpa-r^yb; ■j-y-oq fut accepté des Romains
comme précédemment le titre simple de G-p7.--q'{bq. La chose a
semblé incroyable à certains critiques. Il leur a paru déplai-
sant que le mot latin consul fût exprimé par deux mots
grecs ; en conséquence, ils ont voulu qu'à Rome on se fût
ingénié à « traduire » en grec « par un seul mot le titre de
la magistrature romaine » '■^. C'est là soulever de chimériques
difficultés et prêter aux Romains des scrupules qui ne les
troublèrent jamais. Ils avaient admis que l'expression compo-
sée trihunus plehis se simplifiât en 1c^\}.v.p'/zz : on se demande
pourquoi ils n'auraient pu souffrir que consul se dédoublât en
ff-:paTv;Ybç •J-y.xzz. De fait, nous avons vu que G-py.-r^';zz 'Jr.y-zq
devint, à Rome comme en Grèce, l'appellation solennelle des
consuls et prit place, en cette qualité, dans le formulaire
public.
1. Dionys. Halic. Anl. Rom. IV. 76. 2 : 'j-a-o'. 6o' 'EXXt]V(ijv àvà ypo'vov ojvo-
[i.dE(7GriŒav £-1 toÙ (jiEyiôouç -fj; èÇouataç — . Ce qu'ajoute Denys : o~: "âvTwv
T'apyouai zal x/jv avwrà-w /wpxv k'/ovia; n'en demeure pas moins un simple
verbiage ; le mot ^"aTo; n'exprime que la supériorité des stratèges-consuls
sur les autres stratèges (préteurs).
2. P. Foucart, Rev. Philol. 1S99, 236, 262.
3. P. Foucart, ihid. 256.
HoLLEAUX. — S-paTïiyô; j-aio;. 9
130 CHAPITRE TROISIÈME
On aimerait à savoir à quelle époque il commença d'en être
ainsi. Par malheur, l'état de nos documents ne permet pas de
résoudre la question avec exactitude. Une chose du moins
paraît certaine : c'est que G-px--q-(oq G-a-o? était le titre des
consuls avant la fin du m® siècle. La preuve en est que les
mots 'jizi-y. ipyâ figuraient dans l'épigramme gravée, à Lindos,
sous la statue de M. Marcellus ^ Mais jusqu'où remonter dans
le cours du m" siècle? Si l'on en croyait Denys, les consuls
qui combattirent contre Pyrrhos se seraient appelés déjà
c-py.-:r,^(ol Ijr.y-oi. Il cite un cas précis : celui doi P. Valerius
Laevinus 2. Seulement, le fait aurait besoin d'être garanti par
une autorité meilleure. 11 faut se résoudre ici à demeurer
dans l'ignorance.
En résumé, le titre consulaire transporté du latin en grec y
prit publiquement trois formes successives. — Ce fut d'abord
ffTpar^YÔç, dénomination vague qui signifie « général » et
aussi « chef de l'Etat ». — Ce fut plus tard cTpa-'/iYCç uTia-o^,
dénomination vague encore, qu'on peut rendre en français par
« généralissime » et « chef suprême de l'Etat ». — Puis, nous
avons vu que ce titre double se dissocia ; dans le langage
usuel, on n'en retint que l'un ou l'autre élément : on se con-
tenta d'employer ou arpai-^Y^Ç ^u uizaToq. A la longue, G^pavr,-
yi; s'elfaça, disparut, et u-aTo; subsista seul. Le terme qui,
dans tous les pays de langue grecque, c'est-à-dire dans la
moitié de Yorbis romanus, servit à désigner les consuls jus-
qu'à la fin des temps romains, ne fut que le résidu de la
seconde appellation qui leur avait été donnée à l'époque oîi
Romains et Grecs étaient entrés en relations.
1. Cf. ci-dessus, p. 1, note 2.
2. Cf. ci-dessus, p. 55.
APPENDICE
La prétendue lettre de Cn. Manlius Volso
A Héraklée-du-Latmos.
— — — — — G~pa.vriY<^q û'-xto; P(0!;.aiMV
— — — — cç HpaxXewTwv -f^i Po'jÀyjc */.ai -àii or,-
[[xon y^aipzvr] £V£[t'J'/ov] r^jj-îv cl Tcap' i)[j.S)\). "rzpzGBeiç Acaç, Ai'^ç,
Aiovj-
[c7ioç, — ]aij.[av]spc;, [E'j]s-/;[j.o;, Môayoq, 'ApiaTSio'/jç, Mév/jç
avopsç y.a-
5 [)vCt y.àYaôol] o? tô te ['i;r,9]'-7;j-oc à7:£C(07.aY "/-al aÙTCt o',£A£Y'/;3-av
«■/.oXcû-
[0(i)ç Toï]ç £v TÔ)[t d/-/j]isiiT,y,aTi •/.aTay.syoipio'ijivotç oùSàv èXAôiTCOVTeç
[5'.XcT'.];;.''a?' •riiJ.[£t]ç oà '::pbç -avTaç xcù; "EXÀYjvaç S'jvôwç
O'.ay.s([^.£v[ot]
[t'jyX^]''^1-''^Y *''-^'- '^î'-p3!<3'2[j.£6x, T^ap(x^(z.^(0'^i':o)-^ 6;j.(Sv e'.ç Tr,v
•Ô;/£T£pa[[;,]
[xiff-ijix, zpôvcia;x KCi,£io-Oa!. -crjv £VO£'/o;j.£vr;v, àei Tivcç ày*^^^
T:apa[i]-
10 [-'.0'. '(zv]b[),Z'Ki' <7'JYyo)po'lix£v o£ !j[;Àv -:-r,v ts IXcuOEpîaY X3:9c-'-
y.aî
[xatç â'JAAaic -iriAEs-iv, osa'- y;;j.îv rr;v £7:i-:po--r;v Icwy.av, l'ysua'.v
û[?]'
[aÙTOÙç 7:â]v:a Ta a'j-:w;j, T:cA',-:£'j£ff9a'. y.aTa xzhq \JiJ.e':ipo-jq
vô[/.ouq,
[y.al £v ~]oiq sTaXs'.ç -£'.pas5 ;j,£6a £ÙypYîaTOuvT£ç 'j[).v/ kti tivo;
[zapai-]i:i y''-'''''^*''' àTCCEyôfJieôa cà xaî là zap' 'j[;.à)[j, œiAav6pw::a
y.al "à;
lo [r/ic-ziz^ y-]ai aÙTci C£ 7:£ipa7Ô[j.£6a [j/^o£vb; X£t7;ca9ai èy x^?'-"^?
â'::ocÔ!7£i'
[à-£jTâ]Ày.ai;.£v oà ::pb; •j;j.a; Asûy.wv "Op^tov tsv àT:tiJL£Xr,j3;x£-
132 APPENDICE
Eppwaôô ^ .
Il n'y a pas d'inscription grecque plus connue que celle-ci.
C'est en 1843 que Boeckh la publia pour la première fois,
d'après une copie qui provenait de Moustoxydis'^. Depuis,
elle a été rééditée à maintes reprises : par W. Henzen d'après
la copie de Falkener^, par Le Bas et Waddington d'après celle
de Graves'*, par W. Judeich et B. Haussoullier d'après l'ori-
ginal conservé au Louvre"'. Enfin, Hicks^, Dittenberger",
Viereck^, lui ont donné place dans leurs recueils épigraphiques.
Cependant, les deux premières lignes du texte, qui sont gra-
vement mutilées, posent au lecteur un double problème dont
la solution reste encore à trouver : Quel était le consul ou
proconsul [tj-pacrq-foç uTuaTcç) mentionné à la 1. 1 ? Et, d'autre
part, que contenait la partie manquante de la 1. 2? 11 était là
question, selon toute vraisemblance, de certaines personnes
qui étaient, conjointement avec le consul, les auteurs de la
lettre adressée aux Hérakléotes ; mais quelles pouvaient
être ces personnes?
En 1852, W. Henzen joignit à la publication de la copie de
Falkener une courte dissertation ^, superficielle et confuse,
dont les conclusions ont fait loi jusqu'à ce jour. Après
1. Notes critiques. — L. 1 : ]v arpa-riyd^, Haussoullier. Mais, comme je
l'indique plus loin, la lettre qui précédait aTpaTr,yd; n'est plus reconnaissable.
— L. 2 : ]poç, Judeich, Haussoullier. Sur le marbre, comme il sera dit plus
loin, il n'est possible de lire que oç. — L. 4 : LnaX]âu.[av]opo;, [E'jJoTjti-oç,
Haussoullier. — L. 7 : [7:po9u];j.;'aç, Haussoullier. — L. 9-10 : j:apa| [ixiot],
Haussoullier ; mais cette coupe est impossible ; l't est tombé à l'extrémité de
lai. 9. — L. 11-12: 'j[y'] I [aCiToï;], Judeich ; mais, à cette époque, j^ïo, dans les
locutions de cette sorte, se construit d'ordinaire avec l'accusatif ; cf. Krebs,
Pi-iiposit. bei Polybius, 49, n. 3 : 'e'/eiv Ciç'ajxo'v.
2. CIG, 3800. Moustoxydis est l'érudit grec bien connu, ami de Cora'i, qui
retrouva le texte complet du discours sur TAntidosis.
3. Annali delV Inst. arch. 1852, 138 sqq.
4. Inscr. d'Asie Mineure^ HI, n. 588, p. 196-197.
5. Ath. MM. 1890, 254, n. 7 ; Rev. Philol. 1899, 277-278.
6. Manual of Greek histor. inscr. (1882), n. 193.
7. Sylloge, première éd. 209 ; deuxième éd. 287.
8. Sermo graecus, HI.
9. Annali delV Insl. arch. 1N52, 1 11-145.
LA LETTRE À HLRAKLÉE-DU-LATJIOS 133
avoir reconnu — avec raison — que la lettre aux Hérakléotes
appartient au temps qui suivit la g-uerre d'Antiochos ^, Hen-
zen pensa démontrer que le consul (ou proconsul), mentionné
le premier dans l'intitulé de cette lettre, était Gn. Manlius
Volso, et qu'il l'avait écrite tandis qu'il se trouvait en Asie,
c'est-à-dire entre l'été de 189 et l'été ou l'automne de 188.
En conséquence, l'idée lui vint qu'il pouvait être parlé, au
commencement de la 1. 2, des dix r.pz(7^t'j-0Li [decem legati)
envoyés par le Sénat en Asie en 488, afin d'y conclure le traité
définitif avec Antiochos et d'y régler les affaires locales. Et
cette idée lui sug-géra, pour les 1. 1-2, la restitution suivante :
[xal oÉ'/.o: ] TrpÉjiÎEr.; c'. à-o 'Pojîxrjç. Il est juste d'ajouter qu'il ne
risquait ce supplément qu'à titre de conjecture, avec hésita-
tion et sous d'expresses réserves '-.
Mais « l'érudition est moutonnière ». A l'exemple de Hen-
zen, tous les épigrapliistes ont rétabli, à la 1. 1 de notre docu-
ment, le nom de Cn. Manlius ; et tous, sans s'embarrasser de
ses scrupules, se sont ingéniés à restituer la 1. 2 de la manière
qu'il avait indiquée. Depuis plus de soixante ans, on tient pour
vérité incontestable •^ que la lettre dont nous avons la copie
lapidaire fut écrite à Apamée, dans l'été ou l'automne de 188,
par Cn. Manlius, alors proconsul, et les dix commissaires du
1. Ihid. 143-14 i. C'est, au reste, ce qu'avait déjà vu Boeckh [CIG. 3800) :
« Titulus videtur circa a. u. c. 565 vel paulo post scriptus esse, nuperrime in
Asiam profectis Romanis — . » Cf. Waddington, Inscr. d'Asie mineure, III,
n. 588, p. 196-197. — La phrase (l. 7) r,;i.["jç oï -pô; zavTa; Toù? "EXXriva;
sùvdwç Btax£!u.£v[o[ T'jy/a]vou.£y est ici un indice décisif. C'est seulement dans
la période comprise entre la seconde guerre contre Philippe et la guerre
contre Perseus que les Romains ont pu tenir ce langage.
2. Annali, ibid. 145.
3. L'interprétation de Henzen a été acceptée de confiance, non seulement
par les épigraphistes mentionnés à la page précédente (à l'exception de Wad-
dington qui se.xprime avec prudence), mais aussi par nombre d'historiens :
Marquardt; Rom. Siaalsverw. I-, 334, 1 ; Niese, II, 759, 3 ; G. Colin, Rome et la
Grèce, 202-203 ; Y. Chapot, La province romaine proconsulaire dWsie, 5; Tâu-
bler, Imp. Roman. I, 25 et note 3, etc. Ajouter encore: P. Foucart, Rev. Philol.
1899, 258 et note 2; Mém. Acad. Inscr. XXXVII (1903), 308-309; Rehm, Delphi-
nion in Milel, 372, 5. — On remarquera, au contraire, le langage réservé de
Mommsen, Ges. Schriflen, VIII, 259-260 : « — magistratus is qui epistulam
ad Heracleotas Cariae dédit... cuius quamquam nomen periit, euni fuisse Cn.
Manlium Volsonem... Henzenus... probabiliter coniecit... »
i 34 APPENDICE
Sénat qui l'assistaient. Seulement, il en est de cette vérité
comme de beaucoup d'autres : pour y ajouter foi il ne faut pas
regarder de trop près.
Examinons d'abord ce qui concerne les dix légats.
Henzen, nous l'avons dit, suppléait, aux 1. 1-2, [y.a', Séxa]
•7upéa[j£tç 0- à-b 'Po);j.y;jÇ — , ce que Waddington crut devoir rec-
tifier ainsi * : [■/.xl y. \ à-b 'Pw;r^; ov/.x -pfc^Ssi]?. Mais ces resti-
tutions, acceptables en soi (encore que -rpsa^stç» ^u lieu de
Tupsa^cUTat, soit propre à étonner) -, doivent être rejetées pour
deux motifs : l'un, c'est que la 1. 1 est vide après 'Pwjj-aiwv,
si bien qu'il faut reporter -/.ai (ou -/.ai ol) à la ligne suivante ;
l'autre, c'est qu'à la 1. 2, le groupe 0- est parfaitement
lisible après la cassure. Ainsi, c'est dans l'espace assez étroit,
ayant pu contenir vingt-trois lettres au maximum, compris
entre le début de la 1. 2 et les lettres 02i!, qu'il a fallu faire
place aux dix leffati. La chose n'a point été toute seule.
Il va sans dire que la présence gênante de la désinence oç
exclut tout supplément tel que [-/.ai et cixa 7:ptG^t\i-ai]. Ce serait
là pourtant, semble-t-il, la restitution obligée. Ne la pouvant
proposer, les épigraphistes auraient dû s'apercevoir qu'ils fai-
saient fausse route. Mais ils n'ont point eu de cesse qu'ils
n'eussent fourré dans l'inscription la commission du Sénat.
En 1885, ayant relu le marbre au Louvre, W. Judeich se
persuada que les deux lettres O^C étaient précédées d'un P ^ ;
et tel est aussi l'avis du dernier éditeur de l'inscription,
B. Haussoullier *. De là de nouveaux essais. W. Judeich
écrivit, fort sérieusement : [Fvaîoç Mâv/asç Fvxbu uîojç, c-patr,-
^cç UTra-ïoc, 'Pw[j.a(o)v | [twv âsxa lîpia^zMV Trpéssjpsç, "HpaxXstoxwv
■:f,i ^ouAYji xtX. ^. A son tour, B. Haussoullier propesa : [LvaCo;
1. Inscr. d'Asie Mineure, III, n. 588.
2. Dans toutes les restitutions proposées, on a fait usagre — pour gagner de
la place — du mot 7:p£a^u; comme équivalent grec de légat us. Mais il semble
bien que ce soit là une incorrection. Legalus, dans la langue officielle (je ne
parle pas des écrivains), n'a jamais été traduit en grec que par T:pET,3£UTrJç :
voir les passages, cités ci-après, des sénatus-consultes pour Priène et pour
Narlhakion; cf. D. Magie, 9 et note 6: 89.
3. Ath. MM. 1890, 257.
4. Rev. Philol. 1899, 278-279.
5. Alh. Mill. ibid. 256 ; cf. 257.
LA LETTRE À IIÉRAKLÉE-DU-LAT.MOS 1 3o
MavX'.c; Fvab'J OjîAawlv, arpaT-^iYO;; u-Kx-oq P(0[;.au.)v | [-/.ai
KôivToç Toiv C£'/.x -piîojpoç v.tX. ^.
De la première restitution, que son auteur estime « toute
naturelle )),le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle est prodi-
gieuse "'. Laissons de côté l'extraordinaire construction
'Pfo'Axûùv Twv o37.a zpÉT^^Qv ^ ; n'allons qu'à l'essentiel. Qu
eût jamais imaginé qu'un consul pût joindre à son nom un
autre titre que celui de sa magistrature? Et, d'autre part, qui
ne voit que les mots twv cév.x -pî'crjSsojv ^piscpoç ne seraient
qu'une redondance absurde, puisque le consul était de droit
président de la legatio sénatoriale, laquelle formait propre-
ment son consiliuni ^? La restitution de Judeich : <( Cn. Alan-
lius Cn. f., Consul, Président de la Commission des Dix
1. Rev. Philol. ihid. 277; cf. 279-280. A la 1. 1, B. HaussouUier, après Rayet
(qui cependant hésitait entre N et S), a cru reconnaître les restes d'un N
au bord de la cassure, à la gauche de (iTpaïTJYdç, Je n'ai rien aperçu de tel sur
le marbre. Aussi bien, il est fort difficile d'admettre la présence d'un N à cette
place. La lettre N ne pourrait appartenir qu'à la syllabe wv, qui serait la
désinence d'un cognomen se terminant en o (d"où la restitution [OjoJ^wiJv).
Mais, ainsi qu'il a été dit plus haut, dans les actes publics du commencement
du II* siècle, le cognomen n'est point indiqué ; cf. ci-dessus, p. 4, note 2.
2. Je ne puis comprendre qu'elle ait été acceptée de Dittenberger iSi/l-
loge 2, 287). Du moins a-t-il supprimé la virgule entre u~a-:o; et 'Ptuaaî'ov.
3. Judeich (ibid. 257) pense la justifier par cette étonnante raison : « Die
^'orstellung des 'Pwaaiwv iindet durch das folgende 'HpaxÀïoJXwv zr^i [jO'jXrj;
KTA. und T.xo' \}'J.&[x Tzosajjst; ausreichende Erklârung [!]. »
4. Cf. Mommsen, Staatsrecht, IP, 693 et note 1. Aux textes de T. Live
cités par Mommsen on ajoutera ceux-ci, qui sont particulièrement caracté-
ristiques (34. 57. 1) : T. Quinctius postalavit, ut de Us, quae cum decem
legatis ipse statuisset, senatus audiret; — (45. 29. 1) {Amphipoli) cum decem
legatis — in Iribunali consedit (L. Aemilins Paullus) — (3) — Paullus Latine,
quae senatui, quae sibi ex consilii sententi:i visa essent, pronuntiavit. Noter
aussi ces deux passages des sénatus-consultes pour Priène {Sylloge -, 315 =
Inschr. von Priene, 41, 1. 6) et pour Narthakion {Sylloge -, 307 =; IG, IX, 2,
89, 1. 50-53) ; -/aGw; rvato; MâvÀio; /.al oî Sixa 7ipîj|Σ-jTa'. o;£-a^av — ; ou;
vdjJ.O'j; T'.'Oi Koîy/T'.o; O-aTo; àTïô ttJ; twv oi/.a -psa|j£j-wv vvtôaT); k'otD/.îv. —
Javoue ne pas bien entendre ce que veut dire B. HaussouUier, quand il
déclare [ibid. 279; que la « commission (des Di.x), véritable délégation du
Sénat,... se suffit ... à elle-même », et qu'il n'est pas vrai « qu'elle soit pré-
sidée par le consul ou proconsul. » La commission ne « se suffit » pas plus
à soi-même que le Sénat ; Sénat et commission ne sont l'un et l'autre, au.
moins dans la théorie officielle, qu'un « conseil » qui assiste un magistrat, et
qui, parlant, doit être convoqué, présidé et consulté par ce magistrat.
136 APPENDICE
légats romains » rappelle assez bien ces cartes de visite, où des
personnes avantageuses font l'étalage fastueux de leurs titres
authentiques ou supposés. Elle ne manque pas d'une certaine
saveur comique ; mais c'est son seul mérite.
Un peu moins étrange, mais non meilleure, est celle du der-
nier éditeur.
Les mots [y.al Kiiv-oç xwv osxa 7rpô$o]pc? sont censés être la
traduction de Q. Minucius [Bufus) decem legatorum prin-
ceps. Ici, les objections se présentent en nombre:
1" Il n'est pas possible, après N. axç)7.vr^-fo:; 'JT.y.-zc, 'Po)|/3:uov,
de tolérer la construction xwv BÉxa Trpiscpoç.
2^ 11 n'est pas possible que, dans un texte où le consul était
certainement désigné par son praenomen. son gentiliciiim et
le prénom de son père (et l'aurait même été, selon l'éditeur,
par son coffnomen), Q. Minucius n'ait été désigné que par son
prénom.
3** Il n'est pas possible que, dans un acte officiel, on ait fait
emploi, pour désigner les decem legatl, de l'expression abré-
gée 0'. cé-Ao. ; dans les documents de même sorte, on trouve
toujours Cl cr/.a :rp£a,3£UTat ^
1. A'oir les passages cités plus haut des sénatus-consultes pour Priène et
pour Narthakion ; cf. Or. gr. inscr. 436, 1. 10 (sénatus-consulte de » Lysias »).
Dans un document qui n'est pas d'origine romaine — le décret de Lampsaque
en l'honneur d'Hcgésias (Sylloge -, 276) — on trouve l'expression xoùç ôexa
(1. 68) ; mais elle est immédiatement précisée par le déterminatif tojç k[rA tûv
£XXtivi/.ojv TcpayjjLa-wJv. — B. HaussouUier (ibid. 280) fait cette remarque : <> Il
n'y a pas de place pour le mot "osapcUTiov ou Tzcia^zww, mais Polybe désigne
plus d'une fois nos dix légats par les mots oî Sé/.a, qui sont suffisamment
clairs. » Je répondrai d'abord qu'on doit faire quelque différence entre le
style d'un écrivain, qui s'exprime à sa guise, et le formulaire des documents
officiels. Mais si les mots ol oi/.x sont « suffisamment clairs » chez Polybe, il y
a à cela une bonne raison : c'est que Polybe ne les emploie jamais qu'en
manière d'abréviation, après s'être servi, au préalable, du titre complet
oî oi/.tx npEQ^vjzoii, ou d'une expression similaire. Par exemple, dans XXI.
24. ft; 24. 16, nous trouvons "où; 8r/.a, twv oiza : mais on lit un peu plus haut
(24. 5; 24. 6) oi/.a T^psapî'jovxaç, oi/.a -pEajîîUTâ;. Pareillement, dans XXI. 42.
9; 46. 1, nous rencontrons toj; oi/.a, oï th oiza ; mais un passage précédent
(42. 6) nous offre oî oixa TiccaJjêJiaî. Même observation à propos de XVIII. 42.
7, qu'il faut rapprocher de 42.5; à propos de XVIII. 45. 7; 45. 10, qu'éclaircit
le rapprochement avec 44. 1 : ol 8ixa, ot' wv ËasXXs ysipiXe^Qa'- Ta zaTa x/jv
'EÀXâoa .
LA LETTRE À HÉRAKLÉE-DU-LATMOS 137
4° Il n'est pas possible que princeps ' ait été rendu par
-izobzipo:. L'équivalent grec de princeps {legalionis) est r^'(z\}.ii'i
(r?;; r.çit^'ydoLz) ' ou àp7'.-c£732J-r,; •^. Le mot -rpi^cpcç est ici
dénué de sens.
o" Voici enfin l'objection majeure. On ne s'explique pas du
tout pourquoi Q.Minucius, bien qu'étant /)rmce/»s legationis "*,
eût figuré, à la suite du consul, dans la suscription de la
lettre. Le princeps est le premier en dignité des légats séna-
toriaux ; on peut croire qu'en l'absence du consul (ou du pro-
consul), il lui arrive de présider leur commission; mais il
n'est ni leur délégué ni leur représentant, il ne tient d'eux
aucun pouvoir ^ ; il n'a point qualité pour agir en leur nom ni
pour prendre leur place. Il serait aussi étrange de voir le
princeps légat orum se substituer à la legatio que de voir le
princeps senatus se substituer au Sénat. On comprendrait
que les dix commissaires fussent mentionnés en corps après le
1. On peut ajouter qu'il est douteux que princeps lec/ationis (ou legatorum)
fût un litre officiel. On ne le trouve que chez les écrivains, et encore assez
rarement: cf. O. Adamck, Die Senatsboten (1er rôm. Republik (Progr. Graz,
1882/3), 16 et notes 4 et 6.
2. Voiries exemples cités par Adamek, ibid. 16, 4 : App. Samn. 7. 2 ; 10. 3 :
ô TYÎç ::p£a,j£['a; fjyojaEvo? ; Syr. 46 : ô twvôe -wv -p£u[3£wv fjysiAojv ; Dionys.
Halic. Ant. Rom. IX. GO. 3 : TZGEa^Eutaî — wv tjyeïto xtX. — P. Willems {Le
Sénat de la rép. romaine, II, 508-509), suivi par Haussoullier, traduit princeps
par « président ». C'est une traduction inexacte. Le princeps senatus a-t-il
jamais été le président du Sénat ? Le princeps legationis est le << chef de l'am-
bassade » (cf. Mommsen, Staatsrecht, II-^, 682). Sur la traduction ordinaire
de princeps par riysaoiv, voir aussi Mommsen, Siaatsrecht, IT', 774, 5.
3. Le titre d' àoy '.-p£7|5£UTrIç semble d'ailleurs n'apparaître qu'à l'époque
impériale; voir Brandis, P-"\\'. Suppl. I, 121, s. v. Pour l'emploi qu'en ont
fait Diodore et Strabon, cf. Brandis {ibid.)'el Poland, De légat. Graecor.
publicis, 71.
4. On ne peut guère contester qu'il le fût. C'est celui des legati que T. Live
nomme le premier (37. 55. 7), et c'est le plus ancien des trois consulaires qui
font partie de la commission. Il avait été porté au consulat en 197 (Liv. 32.
27. 5); L. Furius Purpurio, dont le nom vient ensuite dans l'énumération de
T. Live, ne fut consul qu'en 196 (33. 24. l).Cf. P. Willems, Le Sénat de la rép.
romaine, II, 506, auquel renvoie B. Haussoullier.
5. Le cas est le même pour le princeps senatus, auquel il est tout à fait
légitime de le comparer. Su rappeler ce qu'on lit chez Dion (Zonar. VII. 19.
10) au sujet du princeps senatus : -poiosoE twv aÀÀwv ko à;;(iJ;j.aTt, où u.r\y zaî
8uvâ[ji£i èyp^To tivi.
1 38 APPENDICE
consul ' ; on ne peut admettre que, de ces dix commissaires,
Q. Minucius fût le seul nommé.
Donc, la restitution de B. HaussouUier doit être écartée
comme celle de W. Judeich. Ajoutons qu'au reste, rien abso-
lument n'autorisait le supplément [r.pôzc]po: proposé par
ces deux savants. C'est à tort qu'ils ont cru déchiffrer la
lettre P avant OU. J'ai pu faire au Louvre, grâce à l'obli-
geance de mon ami Et. Michon, un long- examen du marbre.
Je me crois en droit d'affirmer que la lettre qui précède ()
n'y a laissé aucune trace distincte - ; ce qu'on a pris pour la
boucle d'un P (ou mieux, pour l'amorce de cette boucle)
n'est qu'un faux trait, d'une forme irrégulière, sans rapport
avec rinscription ^.
Ainsi, tous les efforts tentés pour compléter la 1. 2 de façon
qu'il y fût parlé des decem legali ont abouti au même résultat
négatif. On peut se dispenser den tenter d'autres : le succès
n'en serait pas meilleur. Dès à présent, il est permis d'affirmer
que les dix Trpso-.S^uTJîi envoyés en Asie n'étaient pas mention-
nés dans la suscription de la lettre aux Hérakléotes.
Aussi bien, pourquoi Henzen a-t-il supposé qvi'il en devait
être fait mention? Parce qu'il a cru que le consul nommé à la
1. 1 était Cn. Manlius. Encore (et c'est ce que Henzen n'a pas
laissé d'entrevoir) cette raison ne serait-elle pas suffisante. En
effet, on ne saurait oublier que Manlius précéda les légats en
Asie d'environ une année '^. Pourquoi n'aurait-il pas écrit aux
1. Comp. le passage, précédemment cité, du sénatus-consulte pour Pricne
(1. 6) : xaOfo; rvaïoç MâvÀto; xaî O'. i5r/.a 7:pîa|Σ'JTat oiéiraÇav.
2. Le fac-similé de l'inscription donné dans la Revue de PItilologie (1899,
277) est, à cet égard, tout à fait inexact.
3. Noter d'ailleurs la manière un peu dubitative dont s'exprime Judeich
{Alh. Mitl. IS90, 257): » Da das OS — oder vielmehr POS sicher ist. . .« Il est
digne de remarque que la plus ancienne copie, celle qui fut communiquée à
Boeckh, ne donne que OS. A l'époque où l'on prit celte copie, l'inscription
était mieux conservée que lorsqu'elle fut retrouvée par Rayet (cf. Haussoul-
lier, ibid. 277).
4. Cn. Manlius débarque à Éphèse au i)rintemps de 189 ; cf. Liv. (P.) 38. 12.
2 ; vere primo Ephesum consul venit [maison doit tenir compte des doutes jus.
tifiés que le mot primo inspire à Matzat :Rom. Zeitrechn. 210, 4). L'arrivée des
légats est du printemps ou du commencement de l'été de 188 : Fol. XXI. 42. G
(rjÔT) T% Ocpsi'aç âvapyoas'vr,;) ; cf. Niese, II, 757.
LA LETTRE À IIÉRAKLÉE-DU-LATMOS 139
Hérakléotes durant ce laps de temps, par exemple pendant
l'hiver de 189-188, lorsqu'il résidait à Ephèse et recevait en
foule les ambassades des cités grecques du voisinage ^ ? C'est
une hypothèse qui s'est offerte à l'esprit de Henzen lui-même ',
La présence du nom de Manlius à la 1. 1 de la suscription
n'impliquerait donc pas de façon nécessaire que mention fût
faite des decem legad à la 1, 2. Mais, en revanche, il est clair
que les légats n'ont pu figurer dans la suscription qu'à la con-
dition que Manlius y fût aussi nommé ; en sorte que c'est ce
dernier point qu'il convient de vérifier.
Dans la réponse adressée aux gens d'Héraklée, trois pas-
sages appellent spécialement l'attention :
L. 8-9 : 7:ap:x^{e^(0'fô':M^ ajTwv z\q r^v •rnj.eiépT.ly. 'r:iz''.][j. "^ —
L. 10-11 : au'(y(Aipzi)[j.zv ok Û[j.îv vç/ t£ sAsuôspiay y.aOiTi v.cd ["ra^ç
aJXAaiç izzAzai^, oaai r,[JLtv --/jv k-rzi-po-Kr^v è'owxav —
L. 14-15 : àzoo£)^ô[;-s9a cà /.al ■:« 7:cfip' 6;;.a);j. oiAavôpwTca v.cà -y-q
[-iazeiq] ^.
Ces passages n'ont rien d'équivoque. Les Hérakléotes ont
fait deditio [k-Ki-pc-ri ^) aux Romains. C'est ce que sont venus
d'abord (car leur mission eut aussi un autre objet ^') déclarer
leurs ambassadeurs. Ces ambassadeurs ont engagé à l'autorité
romaine la foi de leurs compatriotes. Ainsi, la lettre qui nous
a été conservée est une réponse à une déclaration de deditio.
1. Pol. XXI. 41. 1 sqq. = Liv. 38. 37. 1 sqq.
2. Annali, ibid. 143 : » Insequenti autem hieme quum Ephesi liibernai'eL,
legrationes civilalium undique eo convenerunt... In quarum numéro Heracleo-
taruin quoque legatos fuisse facile tibi persuaseris... » Il ajoute : « nisi eos
consuli, quum apud Antiochiam castra haberet, res suas commisisse malue-
ris.» Ainsi, Henzen s'est demandé si Manlius n'avait pas pris, pour la première
fois, contact avec les Hérakléotes au début de son expédition contre les Gal-
logrecs, lorsqu'il s'en vint à Aatioche-du-Méandre, el si sa lettre ne fut point
écrite en cette occasion.
3. Supplément de Henzen qui n'est pas contestable.
4. La restitution de "l'crtHu, qui est ici le mot nécessaire, est due à Boeckh.
5. L'e.\pression otodvat è-iT&o-rJv a le même sens que -aça-fi'YVEaOat cî; Tr,v
T^îativ : se dedere in dicionem, in fidern venire. Sur les formules de cette sorte,
grecques et latines, voir la riche collection d'exemples réunis par Taubler,
Imp. Roman. I, 27.
6. L. 16-17 de l'inscription. On voit là que les Hérakléotes demandent aux
Romains de les mettre à l'abri de certaines vexations; cf. ci-après p. 145-146.
440 APPENDICE
De là Henzen a conclu — et cette conclusion est assuré-
ment plausible à première vue — que le consul nommé en
tête de la lettre, qui « reçoit )^ des Hérakléotes « les gages de
leur fidélité » (àTrosr/iy-iOa Tac ■KiiTei:), est le chef de l'armée
romaine d'Asie '. Deux consuls ont successivement commandé
cette armée : L. Cornélius Scipio et Cn. Manlius. Selon
Henzen, l'étude des circonstances historiques montre qu'il ne
peut s'agir que du second : c'est à Manlius que se rendirent
les Hérakléotes, et c'est à cette occasion qu'il leur écrivit.
Mais il est visible qu'ici Henzen commet une grave erreur.
Cn. Manlius ne prit son commandement qu'au printemps ou
au début de l'été de 189 -. Or, il n'est pas douteux que la
reddition d'Héraklée fût alors chose accomplie. En effet, nous
lisons dans T. Live (qui résume Polybe) qu'aussitôt après la
bataille de Magnésie, laquelle eut lieu en janvier 189 '^, Asiae
civitates in fidem consulis [L. Scipionis) dicionemque populi
Bomani sese tradehant ^ ; et, à la même époque, comme nous
le rappellerons tout à l'heure, « presque toutes les nations et
cités de l'Asie cistaurique » s'apprêtaient à expédier des
ambassades à Rome '.Il est évident que c'est en ce temps-là,
au plus tard, que la ville d'Héraklée se soumit aux Romains *>,
.et l'on peut même se demander si l'événement, antérieur à l'ar-
1. AnniiH, ibid. 145 : (c a duce belli litterae datae (sunl). » Telle est aussi
l'opinion de \A'addington, que je cite plus loin.
2. Sur cette date, cf. ci-dessus, p. 138, note 5.
3. La bataille tombe vers le milieu de janvier selon Matzat, Boni. Zeilrechn.
207 (cf. 204), dont Kromayer accepte les conclusions {Anl. Schlachlf. II, 163,
2). Niese (II, 747) la place en novembre 190, mais son calcul paraît erroné.
4. Liv. (P.) 37. 45. 3.
5. Pol. XXI. 17. 12; 18. 2 ; cf. ci-après, p. 142.
6. Henzen écrit {Annali, ibid. 143) : « Maeandrum amnem transgressus non
est (L. Scipio) neque civitates trans eum sitas legatos consuli misisse Liviiis
narrât... Caria enim trans Maeandrum sita duces Antiochi nondum excessisse
credo. » Il est vrai que L. Scipio ne semble pas avoir franchi le Méandre, mais
il est tout à fait inexact que la région située au sud du fleuve ait continué,
après la bataille de Magnésie, d'être occupée par les troupes d'Antiochos. Ce
que T. Live (38. 13. 2; 13. 4) rapporte (d'après Polybe) de la demande de
secours adiessée parles Alabandiens à Manlius paraît indiquer qu'Alabanda,
déjà passablement éloignée du Méandre, était entiée en relations d'amitié
avec les Ronnins antérieurement à l'arrivée de Manlius. — Sur l'empresse-
ment que mirent les villes grecques de la Petite-Asie à se livrer aux Romains,
cf. Niese, II, 745-746.
LA LETTRE À HÉRAKLÉE-DU-LAT.MOS 141
rivée des Scipions en Asie, ne doit pas se placer dans les der-
niers mois de 191 ou dans le courant de 190 K En tout cas, si
les Hérakléotes firent deditio, comme l'a pensé Henzen, à l'un
des deux consuls qui commandèrent en Asie, ce consul ne
fut point Cn.^Ianlius, maisL.Scipio ; si bien que, dans l'hypo-
thèse même de Henzen, c'est à L. Scipio que devrait être
attribuée la lettre écrite au peuple d'Héraklée. Voilà Manlius
et, du même coup, les dix légats hors de cause. Car personne
n'imaginera que les Hérakléotes se soient successivement ren-
dus d'abord à Scipion, puis à Manlius.
On pourrait être tenté, d'après ce qui vient d^étre dit, de
rétablir ainsi la 1. 1 de l'inscription : [Atùv.'.o: Kcpvr,A'.:ç
HizAisu u'.bç] c-poL-r,yzq •Jr^y.-.z- 'Po;j.a((ov — . Je n'ai garde pour-
tant de recommander cette restitution. Deux raisons me 1 in-
terdisent. En premier lieu, si la lettre avait été écrite en Asie
par L. Scipio, on ne voit pas ce qu'on pourrait, dans la
suscription, ajouter à son nom - ; on ne voit pas à qui les
Hérakléotes auraient engagé « leur foi » en même temps qu'au
consul ; bref, on ne voit pas comment devrait être rempli le
vide de la 1. 2. En second lieu, il est inadmissible que L. Sci-
pio ait fait aux Hérakléotes la déclaration qui se trouve aux
1. 10-11 : c7UYycùpou;j.sv l't 'r^À'* Tr,v ts èXe'jQsp'laY -/.ta., et leur ait
garanti l'èXsuOspix et l'autonomie. A son départ d'Asie, à la fin
du printemps de 189, Scipion ignorait encore de quelle façon
serait réglé le sort des cités helléniques qui avaient fait soumis-
1. Il ne faut pas oublier, en elTet, qu'Héraklée-du-Latmos était toute proche
de la côte (voir l'esquisse topographique donnée par Rehm, Delphinion in
Milet, 353). La reddition de la ville peut avoir suivi la bataille navale de Kory-
kos (sur les grandes conséquences de cette bataille, cf. Xiese, II, 720). On voit
par T. Live (= Pol.) que, dans l'été de 190, la plupart des places maritimes
situées au sud de Mykale obéissaient aux Romains (3". 16. 2) : civita.tes, qiias
praetervectus est (C. Livius allant en Lycie , Miletus, Myndus, Halicarnassus,
Cnidus, Cous, imperata enixe fecerunt;cL 17. 3. Il semble que, sur cette cote,
lasos fût presque seule à résister (17. 3). Il n'y aurait donc nulle témérité à
supposer que les Hérakléotes firent dedilio à l'un des deux amiraux romains,
G. Livius et L. Aemilius Regillus, qui opérèrent dans les eaux d'Asie en 191 et
190.
2. La même objection vaudrait naturellement contre Tattribution de la
lettre à Manlius, si on la supposait écrite avant l'arrivée en Asie des dix
légats ; ceci n'a point échappé à Henzen : Annali, ihid. 145.
142 APPENDICE
sion aux Romains. La question regardait le Sénat et ne regar-
dait que lui ^. Le consul n'avait pas le droit d'anticiper sur la
décision des Patres, dont les intentions lui demeuraient
inconnues.
Ainsi donc, la lettre n'est pas plus l'ouvrage de L. Scipio
que de Cn. Manlius. Elle n'a été écrite ni par l'un ni par
l'autre des deux consuls qui commandèrent en Asie. Et, dès
lors, il faut admettre qu'elle fut écrite, non point en Asie, mais
à Rome, non point à l'époque où les Hérakléotes ouvrirent
leurs portes aux Romains, mais plus tard ; et qu'elle répond
à une démarche faite, non auprès du « commandant des forces
romaines »-, mais auprès du gouvernement romain. Le cipa-
Tr,yhq 'j-y-cq anonyme n'est pas un « général en campagne »,
comme le voulait Waddington 3 à la suite de Henzen, mais un
consul résidant à Rome, qui parle au nom du Sénat.
Polybe nous apprend ' que, dans le courant de l'année 189,
presque toutes les cités grecques d'Asie, imitant l'exemple
donné par Eumènes et par les R.hodiens, envoyèrent à Rome
des ambassades qui devaient recommander leurs intérêts au
Sénat : car « c'est sur le Sénat que reposaient tous leurs
espoirs », c'est de lui que dépendait leur sort à toutes ^. Que,
parmi ces ambassades, il s'en soit trouvé une d'Héraklée-du-
Latmos, c'est une conjecture presque nécessaire. Comment
dans ces circonstances critiques, la ville d'Héraklée n'aurait-
elle pas tenu la même conduite que les cités helléniques de
son voisinage ? Comment aurait-elle, seule ou presque seule,
négligé de se concilier les bonnes grâces des Patres ? Or, son
meilleur titre à leur bienveillance, c'était le fait que, durant la
guerre contre Antiochos, elle s'était donnée aux Romains. Si
les Hérakléotes députèrent à Rome (et l'on n'en saurait guère
douter), le premier soin de leurs ambassadeurs dut être de
renouveler au Sénat lui-même la déclaration de deditio précé-
1. On sait qu'elle donna lieu, dans le Sénat, à la longue discussion où prirent
part contradictoirement Eumènes et les Rhodiens : Pol. XXI. 18. 4 — 23.
2. Waddington, Inscr. d'Asie Mineure, III, n. 588, p. 197 (d'après Henzen).
3. Waddington, ihid.
4. Pol. XXI. 17. 12; cf. 18. 1-2.
5. Pol. XXI. 18. 2 : otà xô za'. -aa;v to'-Cî y.ai -aax; làç ûr.ip Toîî [aIXXovtos
èÀ-Loa; èv zf^ cyy/.ÀrJxto /C^ïaOa;.
LA LETTRE À HÉRAKLÉE-DU-LATMOS 143
demment faite à son représentant, le chef de l'armée romaine
d'Asie. C'est à cette seconde déclaration que se rapporteraient
les passades, cités plus haut, de notre texte lapidaire, et
notamment la phrase : (1. 14-15) àTcsosyitj.cOa ok vtal -.y. r.xp'
b\JMiJ. çiXavOpcoTTa /.al xàç Trîa-siç. Un renseignement que nous
devons encore à Polybe confirme cette interprétation. L'histo-
rien nous dit' que, dans Tété de 189^, le Sénat fît connaître
aux délégués des « cités autonomes » qu'il accordait à celles
d'entre elles qui s'étaient rangées, sans défaillance, au parti
des Romains pendant la dernière guerre, le maintien de leurs
libertés. On voit combien cette décision est conforme à ce
que nous lisons aux 1. 10-12 de la lettre aux Hérakléotes :
(j'jyyo^ipo'O'^.z.'^ cà 'J;jAv --qv te IXîuOcpiaY y.aGiTi y.al locXç oiWciiç
TTsXcJiv, icxi -rj'xîv -r^v k~'.-po--fiw sjov/.av, l-^ousiv i)[o'aii-:oh- /.ta.]
Je tiens donc pour extrêmement probable que cette lettre
est la réponse faite, à Rome, à une ambassade d'Héraklée, après
que le Sénat lui eut donné audience. Elle rentre ainsi dans
la même catégorie que la lettre du préteur M. Valerius (Mes-
salla)aux Téiens et celle du consul ou préteur [C. ?] Licinius
aux Amphiktions de Delphes ^ ; elle est destinée à notifier aux
1. Liv. (P.)37.55.4 : auditae deinde et aliae legationes ex Asia siint. quitus
omnibus datum j-esponsnni decem ieçjatos more maiorum senatum missurum
ad res Asiae disceptandas compnnendasque: (âj summam tamen hanc fore —
[6] ceterae civitales Asiae — quae vecligales Antiochi fuissent, eae liherae
atque imniunes essent. (La traduction de T. Live reproduit ici le texte de
Polybe avec plus de fidélité que le résumé de l'épitomateur (XXI. 24. 4
sqq. = Exe. de légat, pars II, § 18, p. 257 De Boor), comme l'ont remar-
que Nissen (Krit. Unters. 199-200) et Xiese (II, 748, 5) ; l'extrait de Polybe
ne parle pas de la déclaration faite par le Sénat aux représentants des villes
grecques ; cette déclaration devient, chez Vexcerptor (XXI. 24. 8), une par-
tie de l'instruction générale donnée aux dix commissaires qui seront envoyés
on Asie). On doit compléter le texte ci-dessus transcrit de T. Live au moyen
de Polybe, XXI. 46. 2 (décision de Cn. Manlius etdes Dix, qui ne faitguère que
reproduire la déclaration du Sénat) : ocïai [iàv xûv aù-ovotituv -o'Xewv -po'-cepov
ursTcXo-jv 'AvTîdyo) oôpcj, xots 0£ ôiEç-jXaÇav xtjv ~po; 'Ptoaaîouç ttîcjtiv, xauxa?
aèv à-iÀudav Toiv çdpojv = Liv. (P.) 38. 39. 7 ; cf. Niese, II, 759.
2. L'arrivée à Rome d'Eumènes, des députés rhodiens et de la plupart des
ambassades grecques eut lieu, selon Polybe (XXI. 18. 1), ïj'Sïi t?,; G^pEÎa;
ÈvtatauLsvY]; . La décision du Sénat est sensiblement plus récente.
3. Viereck, II = Sylloge -, 279. — Pour la lettre de Licinius aux Amphik-
tions {BCH, 1900, 103), cf. les observations que j'ai présentées dans la Rev.
Et. anc. 1917, 77 et suiv., 249, note 2.
144 APPENDICE
Hérakléotes, sous une forme résumée, le sénatus-consulte
qu'ont voté les Patres après avoir entendu leurs représentants.
Dès lors, la restitution de la 1. 2, objet de tant d'essais
infructueux, n'offre plus de difficulté. La lettre de M. Valerius
commence par ces mots : Mapy.oç OjaXâptoç Mâpy.o-j, cjTpar^YÔç,
y.a't or^\i.(x.^'/Qi xai r^ ajvy.A-^TCç T-/;io)v x^t pcuÀ'^'. xai twi or^[)xùi yjxi-
psiv ^. C'est un praescriptum semblable qu'on rétablira en tête
de l'inscription du Louvre : [N.], arpaTriyb; j-aio; 'Pwixatwv,
[y.al ûr,[j.ap'/c'. xai r, o-jyxA'^t]oç 'Hpay.XswTwv ty;i ^^ua-^i y,al tîoi
or/[;.a)i '/atpstv.
La lettre a pour auteurs, non seulement le consul qui pré-
sidait le Sénat lorsque l'ambassade y fut reçue, mais aussi
les tribuns et le Sénat lui-même.
11 resterait à savoir comment s'appelait le consul nommé à
la 1. \ . Je dois dire qu'on ne peut ici aboutir à rien de cer-
tain ; du moins est-il possible de circonscrire le problème.
Du printemps de 189 jusque vers décembre de la même
année-, c'est-à-dire jusqu'à l'entrée en fonctions des consuls
de 188, il n'y eut pas de consul à Rome. En effet, Gn. Man-
lius et M. Fulvius partirent, l'un pour l'Asie, l'autre pour
l'Aitolie, avant l'été de 189 3, et ne s'en revinrent de leurs
« provinces » que longtemps après l'expiration de leur charge^.
En conséquence, il faut rapporter la démarche faite à Rome
par les Hérakléotes ou, tout au moins, la réponse qu'ils
reçurent du gouvernement romain, soit aux premiers mois de
189, avant le départ de Cn. Manlius et de M. Fulvius, soit à
l'hiver de 189-188, après l'entrée en fonctions de M. Valerius
1. Gomme je l'ai montré [Rev. Et. anc. 1917, ibid.), le praescriptum de
la lettre de Licinius doit être restitué dans une forme analogue.
2. Pour cette date, cf. Matzat, Rom. Zeitrechn. 210.
3. Pour Tarrivée de Cn. Manlius en Asie, cf. ci-dessus p. 138, note 4. M. Ful-
vius semble avoir débarqué en lllyrie vers la fin du printemps; cf. Pol. XXI. 26.
4 : axE OÉpouç ovto;.
4. D'api'ès la tradition annalistique (Liv. 38. 35. 1), M. Fuh ius serait ren-
tré à Rome avant la fin de l'année 189 pour présider au.x élections consulaires.
Mais cette tradition ne semble pas conciliable avec celle de Polybe, comme l'a
montré Nissen, Krit. Unters. 206; cf. Niese, II, 770, 3. M. Fulvius passa en
Grèce l'hiver de 189-188 ; c'est alors qu'il réduisit la ville de Samé dans l'île de
Képhallénia (Liv. (P.) 38. 28. 7 — 29. 11). Cf. ci-après p. 161.
LA LETTRE À HÉRAKLÉE-DL-LATMOS l4o
Messalla et de C. Livius Salinator (coss. 188). De ces deux
dates, c'est manifestement la seconde qu'il convient de préfé-
rer.
Gela résulte de la phrase auYy/opouîxsv ce Ù'/îv -r,v -z ïkzuOz-
pioL-^ xtX. La décision du Sénat concernant les cités grecques
d'Asie ne fut prise, nous l'avons vu, que dans l'été de 189.
Ce n'est donc point avant ce temps-là qu'Héraklée put obte-
nir des Patres la garantie de son autonomie ; d'où il suit que
la réception de ses ambassadeurs par le Sénat fut certainement
postérieure au départ de Cn. Manlius et de M. Fulvius.
Il semble nécessaire d'admettre que les Hérakléotes ne dépu-
tèrent à Rome qu'après la plupart des autres villes d'Asie, à
une date avancée de Tannée 189, probablement vers la fin de
l'été ou au commencement de l'automne, et que le Sénat ne
donna audience à leurs représentants qu'au début de la nou-
velle année consulaire '(188). C'est alors que leur fut adressée
sur son ordre la réponse écrite que nous possédons, en sorte que
c'était le nom de M. Valerius ou de C. Livius qui avait place
dans \e praescripium, avant le titre ff-paTTJYsç uTraToç Pm-j.xiojv.
Les dernières lignes du texte renferment une indication qui
paraît bien s'accorder avec ces conclusions chronologiques.
On y voit (1. 16-17) que les Hérakléotes étaient ou risquaient
d'être vexés par quelque cité voisine -, et qu'ils avaient
1. Les ambassadeurs auraient été, comme il arrivait souvent, ad novos con-
soles reiecli (cf. Mommsen, Slaa.tsrecht, III, 1155 et note 4 ; BiJttner-Wobst,
De legationibus... Hotnam missis, 26).
2. C'est la seule explication raisonnable des mots (1. 17) ô-oj; [i.r)0£Î; jji.àç
TiapsvoyXTJi. On sait de reste qu'à l'époque dont il s'agit, presque toutes les
villes grecques d'Asie étaient en querelles (cf. Pol. XXI. 46. 1). Sur la guerre
que firent en commun les Milésiens et les Hérakléotes aux Magnètes et aux
Priéniens (vers 196 ?i, voir Rilim, Delpk'nioriy n. 148, p. 347-348, 361 ; sur celle
qui éclata plus tard (vers 180?) entre Hérakiée et Milet, ibid. n. 150, p. 361,
354. — On a exprimé {Reo. PfiiLol. IS99, 281) l'hypothèse (acceptée par
G. Colin, Rome et la Grèce, 203) qu'H-'-raklée « pouvait être menacée par
les Rhodiens, qui avaient obtenu la Lycie et la Carie jusqu'au Méandre ». C'est
oublier qu'en ce temps-là, bien loin de rien entieprendie contre elles, les
Rhodiens demandaient que les anciennes villes <■ autonomes » fussent grati-
fiées d'une entière indépendance (cf. Pol. XXI. 22. 7 sqq.;23. 10). Comment,
d'ailleurs, les Kliodiens. alors si étroitement unis aux Romains et qui en obte-
naient de si grands avantages, eussent-ils « menacé » une ville qui leur avait
HoLLEAUX. — i^TpaTriyôç jTiaTo;. 10
!
146 APPENDICE
demandé au Sénat de les protéger. Il peut, au premier moment,
paraître surprenant qu'ils n'aient pas plutôt sollicité l'assis- I
tance du consul Manlius, alors présent en Asie. Mais, préci-
sément, dans l'été de 189, Manlius n'était point là pour les
entendre : il guerroyait au loin contre les Gallogrecs. On s'ex-
plique dès lors que, sans attendre son retour qui n'eut lieu
que vers la mi-automne ^, le peuple d'Héraklée, dans le dan-
ger qui le pressait, ait recouru, pour s'en mettre à couvert,
aux bons offices du Sénat
fait deditiol Ajoutons qu'un peu plus tard on constate justement l'existence
d'une aufj.ij.a-/ l'a formée entre les Rhodiens et les Hérakléotes (Rehm, ibid.
n. 150, 1. 35; cf. p. 361).
1. Liv. (P.) 38. 27.9.
ADDITIONS ET CORRECTIONS
I. Les lettres de Sp. Postumius
ET LE SÉNATUS-CONSULTE DE 189.
J'ai mentionné ci-dessus (p. 3, note 1) la lettre du préteur
Sp. Postumius (Albinus), relative au sanctuaire pythique et à
la ville de Delphes, dont H, N. TJlrichs découvrit et fît con-
naître un premier fragmenta A ce fragment s'en ajoutent
aujourd'hui deux nouveaux, trouvés à Delphes, l'un [J) en
1894 ''-, l'autre [B] à la fin de septembre 19143. J'en dois con-
naissance à l'oblig-eante amitié de M. Emile Bourguet.
Le rapprochement des trois fragments permet de restituer
avec certitude la lettre précédemment connue par la publica-
tion d'Ulrichs. On trouvera ci-après (page hors texte, n. 2)
cette restitution *. A l'encontre de ce qu'on avait cru jusqu'ici,
1. H. N. TJlrichs, Reisen und Forschnngen in Griechenland, I, 115, n. 36
(^= Le Bas, II, 852). Comme l'a montré Pomtow (Jahrh. fur cl. Philol. 1894,
683, § 2; cf. ibid. 1889, 565, note 68), Le Bas n'a pas vu cette inscription; il
s'est borné à transcrire en majuscules la copie publiée par Ulrichs. — La
publication de Viereck {Sermo graecns, X) est faite d'après Le Bas.
2. Cf. ci-dessus, p. 3, note 1, et, pour les circonstances de la découverte,
Rev. archéol. 1917, II, 342. C'est au moyen de ce fragment (A), que j'ai pu propo-
ser, en décembre 1917 {Rev. archéol. ibid. 342-347), une restitution conjectu-
rale de la lettre de Sp. Postumius, restitution qu'il faut aujourd'hui modifier à
la suite de la découverte du second fragment (B). M. Bourguet n'a eu commu-
nication de celui-ci qu'au mois de juillet 1918.
3. Inv. de l'éphorie, n° 4930. Le fragment a été trouvé près du cimetière,
au lieu dit aXwvta, sur l'emplacement du Synédrion amphiktionique; mais il
peut provenir d'ailleurs. Haut. O"" 245; jarg. max. 0" 16 ; ép. 0"' 075 ; lettres de
0™ 006-007,
4. A la 2, peut-être simplement otsXÊy/jaav, au lieu de ôteXéyiqaav rpôç y)[jLàç ;
à la 1. 3, peut-être ::a[pà r?j; l'jy.lrtWj]. La restitution (1. 5-6) [oîy.ouvjtaç —
aùtoù; za6 'auiou; a son explication dans les 1. 17-20 de la lettre écrite par le Sé-
nat aux Delphiens en 188, dont le texte est donné plus loin (p. 159 et suiv.).L.
6-7 : je me permets de rappeler que j'avais déjà proposé la restitution Xi[jl£voç
{Rev. archéol. ibid. 347), mais j'avais supposé à tort qu'il était fait mention
expresse de Kirrha et du Ktppatov TisStov.
148 ADDITIONS ET CORRECTIONS
ce n'est point aux Delphiens, mais à la communauté des
Amphiktions, que s'adressait Sp. Postumius.
Quelques mots, conservés à la partie supérieure des frag-
ments A et 5, doivent provenir d'une première lettre de Sp.
Postumius (ci-contre, n. 1). La rédaction en était, semble-t-il,
identique à celle de la seconde : en effet^ on relève des con-
cordances littérales entre les 1. 3-6 de lune et les 1. 3-7, de
l'autre (parties soulignées dans les deux textes). Cette seconde
lettre était, selon toute apparence, écrite par le préteur aux
Delphiens.
Enfin, le fragment B contient, à son extrémité inférieure,
une partie considérable du sénatus-consulte de 189, dont la
copie, comme le montrait déjà la publication d'Ulrichs, fai-
sait suite à la seconde lettre de Sp. Postumius. Il est
maintenant possible de rétablir tout l'essentiel de ce séna-
tus-consulte (ci-contre, n. 3). — Par une anomalie surprenante,
et contrairement à la règle qui voulait qu'à défaut des con-
suls le Sénat fût convoqué par le préteur urbain i, le décret
n'a point été voté sous la présidence de Sp. Postumius. Le
gentilicium du magistrat qui présidait le Sénat se termine par
les lettres — ^a-.o; (1. 1). Je ne doute guère qu'il s'agisse de
L. Baebius (Dives), qui fut préteur en 189 en même temps
que Sp. Postumius (Liv, 37. 47. 8 ; cf. 50.8 ; 57. 1) ; son nom
aura été orthographié par erreur [Bai ou BéJ^aio; '^. L. ^Baebius
reçut ^oviV provincia le gouvernement de l'Espagne ultérieure
(Liv. 37. 50. 8; 50. 11;57. l)^; mais il est clair qu'il put pré-
sider le Sénat au début de l'année consulaire, avant de quitter
Rome^. Toutefois, il ne le dut faire qu'avec la permission et
1. Cf. Mommsen, Staatsrecht, III, 910.
2. Le nom Baf^toî présente parfois, dans les manuscrits, l'une des deux
altérations que je signale ici. Par exemple, dans le Vatic. gr. 1418 qui
contient, d'après Polybe, les Exe. de légat. Roman, ad gentes, on lit
BÉpatoç {Exe. de légat, pars I, § 10, p. 37, De Boor =Pol. XV.4. 6).
3. T. Live nous apprend, d'après les Annalistes, que L. Baebius ne réussit
point à gagner l'Espagne. Assailli par les Ligures au cours de son voyage et
grièvement blessé, il mourut à Marseille où il était allé chercher asile (Liv.
37. 57. 1-2).
4. Il existe, comme on sait, des exemples de convocation du Sénat par des
préteurs provinciaux ; cf. Mommsen, Staatsrecht, IP, 129 et note 3 ; 130, note
j. '^zôpioç rioatsatoç Asuxîou utôç, (TTpaTY]Yb^ Pcoaaîcov, AtAç^wv toi; v.pyjjU'Ji xal x^t -6A£i yatoe'.v oi Tiao' ûy.0Jvl
[à-otTTaXévTE; irpso-^EUTai BoûXtov, OpaauxXYJç, 'OpÉaTaç uspi tyjç àauXîa; ToO tEpoO xai t/jç -iioXecoç xal x^ç ycôpaç]
[SiEXiyyia-av zpb; ■»^fx5cç, xal uspl tyj; èXsuOeptaç xat àvEttnpoptaç rjj^iciuv ÔTtco[ç ùjxîv èirtj^wpTjOYi tt^*?» toO o-ri[j.ou too]
^'Pioaaiwv ' ytvwaxETe oCiv SsSoyfxévov tï^i o-uyxX-rjTcoi t6 te Upbjv toO 'A-ir6XXa)vo[ç toO IluOtou àauXov elvat xai tyiv]
5 -cXiv Tcov AîXscov xal ty-jV y^topav xal AsXooù; aÙTOVou-jou; xal|[è]X£uÔ£poui; xal àv£t[(7^op-/]Touç, olxouvTaç (xal iroXtTEuovTa;) ' aÙTCÙ;]
[xxO' aÙTOÙ; xal xupteiiovTaç T'^ç T£ itp]a.^ ï.^?^-^ ^'^'- '^'^^ t£po[o]|XtL«.£Vo;, xaOtoç iiàTpftov aÙTOïç à? <^?yj]Q '^jv ' Si^wi;]
[ouv £io^T£, Exptvov ûfAÎv ypâ'j/ai irspl toutcov.] Vv. a. Fr.B.
Fr. dUhichs. Fr. A. Fr. /.'.
2. ^TTOpio; noTTsato; Aeuxiou uiô?, (TTpaTY]|yb; Tcoui.atwv, Twt xoi|và)i twv 'Aaq;ixTi6vco[v yaipEiV ot AEXiiCov up£ap£u-]
Tal Bo'jXcov, ypao-'jxX-î^ç, 'OpÉaTa; ii£pl tï]? àjo-uXtaç ToO iipoO xall]| Tr^; ttoXeo); xal Tvjç [j^côpaç SiEXÉyyjaav irpbç^(xaç,]
xal TTEpl ty;; àXsuGîpta; xal àv£i(TOop[L]|a; r^^iouv oircoç a|ùTOtç ÈTctywp-rjOrj itafpà toû o-rjixou toû Tcufxatcov] 10
yivcûaxETE o'Jv 0£Ooyp.£vov Tï^t (TuyxXrj T |coi t6 T£ t£pov To|Ci 'AîtoXXcovoç TOÛ nuOto[u aauXov Eivat xal]
5 Tr;v TiéXiv TÔiv AeXçôjv xal rrjv yoSpav, xal A|[£X^où]ç aÙTOv6|f/.ouç xal èX£uOépou; x[al àvEtaçop-rjTou;, olxoOv-]
Ta; xal roXtT£ÛovTaç aÙTO'j; xaO' a6T|[oùç xal] xupt£uo[v]|Tai; ty^ç t£ t£pâç -/_^côp[a; xal toO UpoO Xt-]
[jLévoç, xaOwç -ûâTptov aÙTOï; è^ àp/-/^;[[rjV ottco; o^uv £to[-/^]|T£, £xpivov Ou.tv ypà['|ai îiEpl toutcuv.]
Fr. d'Ulrichs. Fr. II.
3. Ilpb r,a£pâ)V TEaaâpCDV vcovwv Mat[wv ' £V xojj.£Tta)t ? Af'jxto; Bal OU B£?][3a[0ç Fvalou aTpaT[Y]ybç auv£-] 15
PouXeuffaTO T-/ji o-uyxXrjTcot ■ ypacp[o[j.£Vto[ Tcapv^a-av " — — — ]o; HoiiXtou, Mâvt[o; 'Axt'Xto; Tatou?,]
Fàioç 'AtÎvio; Falou, T£^£pto[i; — — — — ■ uEpl wv A]£X(pol Xoyouç âuo[f/iaavTO iiEpl UpoO]
àatiXou, T.6\iu}ç èX£u6£p[ai;^ xal aOTov6ij.&u xal àv£i(7<popTjTOU '] TiEpl toutou tou •7:[pâyp.aTOÇ oûto);]
o £00^£v ■ xaOoj; rp6T£po[v TiEpl TOUTCov Màvto? 'AxlXtoç Tatou] £X£xptx£t èx£tva)[t TùJt xpt[ji.aTt è[J^fJi-£-]
V£IV £00^£V.
20
1. Les mots (/.al -oÀiTEjovtaç) ne peuvent tenir dans la ligne ; ils ont été omis par le graveur.
2. L'irichs : Maio.
3. Le texte d'Ulriclis donne IXîjÛîpt. Je ne doute pas qu'il y ait là une lecture fautive.
DÉDICACES DE .AFAGISTBATS KOMAINS À DÉLOS 149
sur l'invitation de Sp. Postumius qui, sans doute, se trouvait
accidentellement empêchée — La décision (7.pt;j.a) à laquelle
se réfère le Sénat (1. o) avait eu probablement pour auteur
le consul M'. Acilius (Glabrio), qui délimita, comme on sait,
la '.$pà '/wpa et qui paraît avoir veillé de près aux intérêts des
Delphiens-. Je crois donc qu'il convient de rétablir son nom
dans la lacune de la 1. o. H y a apparence que c'est lui aussi
qui était nommé à l'extrémité de la 1. 2, comme second
garant de l'acte. Pour C. Atinius G. f. (1. 3), on peut hésiter
entre C. Atinius (Labeo), préteur pérégrin en 193 (Liv. 33.
43. o), C. Atinius (Labeo), préteur en 190 (Liv. 37. 2. 2 ;
2. 8), et C. Atinius qui obtint la préture en 188 (Liv. 38.
33. 2).
On remarquera que^ dans ses lettres, Sp. Postumius est bien
plus explicite que le Sénat sur la condition privilégiée faite
aux Delphiens. La raison de cette différence, c'est que le pré-
teur prend soin de résumer avec quelque détail la décision
antérieurement prise par M'. Acilius, au lieu que le Sénat se
contente d'y renvoyer en bloc.
IL Remarques scr les dédicaces de magistrats romains
MENTIONNÉES DANS LES INVENTAIRES DE DÉLOS.
Il est nécessaire de revenir sur ce qui a été dit plus haut '^
des dédicaces faites à Délos, au commencement du ii*" siècle,
par quelques magistrats romains. En effet, P. Roussel a bien
6; III, 910, note 3. Dans la règle ordinaire, c'est le préteur pérégrin qui sup-
plée régulièrement le préteur urbain ; mais tel ne pouvait être ici le cas
puisque Sp. Postumius cumulait les deux prétures urbaine et pérégrine (Liv.
37. 50. 8).
1. Cf. Mommsen, Staalsrecht, III, 910.
2. C'est vraisemblablement à M'. Acilius qu'il faut attribuer un rescrit,
gravé à Delphes sur le piédestal de la statue du consul, dont le texte (inédit)
m'a été communiqué par M. Bourguet. On lit à la 1. 4 : oaai u.=v iç' fjij.wv Y^Y°"
va3'. /.ptaEt; •/.•j[pîa'] — ; et aux 1. 8-10 : 7î£tpâaou.[ai] — — çpovTÎaa'. ïva [û][xïv
•/.aTaaovx rj'. Ta â? àp7Ji? ^"apyov-a ;ïà-[pta — — r, Tê] Tfj? -ôXîoj; zaî xo3
Upou aùtovoaîa .
3. Ci-dessus, p. 20 et suiv.
130 ADDITIONS ET CORRECTIONS
voulu me communiquer un document inédit qui mérite
la plus sérieuse attention. C'est un grand inventaii^e (mainte-
nant incomplet) du temple d'Apollon, dressé sous la seconde
domination athénienne, probablement vers 152-151 '. Outre
la plupart des dédicaces mentionnées déjà dans l'inventaire de
Démarès, cet inventaire en contient deux nouvelles. D'autre
part, la rédaction des dédicaces déjà connues j diffère à plus
d'un égard de celle que nous offre Démarès. Il y a ici matière
à une comparaison critique d'où se dégagent quelques résultats
intéressants. Plusieurs erreurs commises par Démarès peuvent
être corrigées au moj^en de l'inventaire athénien ; inverse-
ment, la lecture de Démarès fait découvrir, dans ce document
nouveau, certaines fautes dont l'origine est instructive ; et,
d'une façon générale, l'inventaire inédit nous apporte des
renseignements utiles sur l'interprétation du titre consulaire
en Grèce vers le milieu du ii"^ siècle.
J'ajoute que P. Roussel m'a signalé un autre fragment d'in-
ventaire -, appartenant à la même époque (peu avant 157-
156), qui, bien que publié, m'avait échappé; ce fragment,
comme on va voir, permet aussi de contrôler et de rectifier
Démarès sur un point particulièrement important.
/. T. Quinctius[Flamininus) [cos. i9S : pro cos. 197-194).
J'ai dit à tort (ci-dessus, p. 20), sur la foi de l'inventaire de
Démarès, que T. Quinctius avait constamment supprimé son
gentilicium et son titre dans les dédicaces des offrandes qu'il
consacra à Délos. Les inventaires athéniens permettent de
rectifier les conclusions erronées que j'avais tirées des indica-
tions incomplètes fournies par Démarès.
1. Ce fragment porte, au musée de Délos, la cote F 736 (face A, col. 1) _
P. Roussel a donne un résume de son contenu dans Délos colonie athénienne,
396, n. xv; il a eu l'obligeance de mettre à ma disposition la copie originale
qu'il en avait prise à Délos. Les offrandes cataloguées dans le fragment se
retrouvent en partie dans l'inventaire (inédit) dressé sous l'archontat d'Hagno-
théos (F 520, face A; ann. 140/139; cf. Délos col. athénienne, 404, n. xxvii) •
j'ai eu à ma disposition une copie, prise par F". Diirrbach, de ce second
inventaire.
2. r 524=3 BCH, 190'., 165, n. 56 (F. Diirrbach) ; cf. P. Roussel, Délos col.
athénienne, 390, n. viii.
DÉDICACES DE MAGISTRATS ROMAINS À DÉLOS 151
Les offrandes de T, Quinctiiis étaient, comme on sait, au
nombre de trois : un bouclier d'argent qui, dès 179, était
conservé dans l'ancien « Temple des Athéniens » (vabç oj -.%
Ézxâ), et deux couronnes de laurier, en or, déposées dans le
temple d'Apollon.
1. Première offrande. On lit dans Démarès, B, 1. 178 :
àffTCiç àp^fjpy. Tr;j 'Pto-xabu [àvà8£[/a]. Mais l'inventaire athé-
nien r 324 ', où, comme la reconnu P. Roussel ~, était men-
tionnée la même offrande, contient à la 1. 16 les mots : —
Ti-ou Kc'.vy.-:'.:j a-py.-r,';o'j — , après lesquels il faut probable-
ment suppléer [ÛTua-ou 'Po}[;,a(a)v] ^. On peut donc croire que
la dédicace jointe au bouclier d'argent donnait à Titus son
nom complet ^ et son titre solennel : Ti-o; Koîvx-wç ^ a-poi-
TTjvbç 'jT.xic: 'Pa);j.aiwv.
2. La seconde offrande, une couronne de laurier, en or, est
ainsi cataloguée dans l'inventaire de Démarès, B, 1. 85-86 :
(jTî'savîç yp\>70j:, Titcu âvaOsiJ-a 'P(o;j.aiou, oA(-/.r,) h HA ^. L'inven-
taire athénien F 736 la mentionne en ces termes [A, 1. 21-
22) : aXXo; (cy:£Çiavo; oasvy;;) ou ÔAy.Y) PAAAAP'HH', àvx6-/;;xa
Tixou Kov/y.xiou ÛTratou 'Pa)[j.abu {sic). Cette fois encore, le ffen-
tilicium Quinctius accompagnait, dans la dédicace, le prae-
nomen Titus.
Quant aux mots OzaTOj 'Poj|j,a{3j donnés par l'inventaire
athénien, ils ne laissent pas d'être embarrassants et demandent
une explication. A peine ai-je besoin d'avertir que cette iunc-
tura verborum ne se trouvait point dans l'inscription dédica-
toire et que Titus n'avait pu s'y qualifier de c;Tpa-Y;Ybç ■jr.y-zz
P(.);j.af2ç : c'eût été là une façon de s'exprimer tout à fait bar-
bare'. De deux choses Tune : ou bien la dédicace était rédigée
1. BCH, 1904, 163.
2. p. Roussel, Délos col. athénienne, 390.
3. Il est, à la vérité, possible que rs-p7i-r\yôi jTîaTo; ait été abrégé en arca-
TYjyo;, mais il n'y a aucune raison de le supposer a priori.
4. Moins le cojnoznen, souvent passé sous silence à cette époque.
5. On ne doit pas s'étonner que le père de T. Quinctius ne soit pas nommé ;
il ne l'est pas dans la suscription de la lettre aux Chyrétiens.
6. Rédaction identique dans l'inventaire 'inédit) de Télésarchidès II ann.
181), fragm. a. [Communication de F. Dïirrbach.]
7. A la vérité, dans un décret de la ville thrace de Dionysopolis (Ditlen-
1S2 ADDITIONS ET COKRECTIONS
comme celle du bouclier, et ron y lisait : Tcto; Kciv/.-ctc;
azpocvqYoq u~aToç 'Pa)|j.aî(j)v ; ou bien le titre de la mag-istrature
y était passé sous silence, et T. Quinctius était ainsi dési-
gné : TÎTOç Kcbr/-'.zq 'Pw;j.3£îoç. D'où celte conséquence que,
dans Tinv.r 736, ou bien PwiJ.aisu a été par mégarde substitué
à 'Poj;xa'!wv (j-a-rc; étant l'abréviation connue de cTpatYJYbç j-a-
Toç) ; ou bien l'ethnique a été correctement transcrit au singu-
lier, tel que le donnait la dédicace, mais se trouve précédé à
tort du titre consulaire, ajouté par l'auteur de l'inventaire. La
première hypothèse a fort peu de vraisemblance. Le détermi-
natif au pluriel Pwixaiwv faisait toujours suite, dans l'inven-
taire de Démarès, aux titres des magistrats romains quand
ces titres étaient exprimés, mais, au contraire, dans l'inven-
taire athénien, on l'a constamment laissé tomber. L. Scipio,
Cn.Manlius, Q. Marcius, Cn. Octavius y sont qualifiés d'G:Ta-
T:t ',sans que jamais 'Pwjj.auov soit joint à ■Jr.x-oçAl est dès lors
malaisé de comprendre pourquoi ce déterminatif (ramené, par
une surprenante erreur, du pluriel au singulier) n'aurait été
maintenu qu'après le titre du seul T. Quinctius. La présence
de 'Pwp.abu dans l'inv. F 736 implique bien plutôt celle de
'Pw;;.aîo; dans l'inscription dédicatoire, et confirme ainsi
l'indication donnée par Démarès.
Je tiens donc pour très probable que T. Quinctius était
appelé par la dédicace Ti'-ro; Kz<.T/.-icq 'Pa)[j.aîoç, et que le titre
uza-o; est, dans les inventaires athéniens, une addition illicite
due au rédacteur de ces documents. Le souvenir de la magis-
trature exercée par Titus était demeuré en Grèce présent à
toutes les mémoires, ce qui explique assez l'addition.
3. La troisième offrande de T. Quinctius n'est connue que
par l'inventaire de Démarès [B, 1. 89) : (j-éçavc; -/puasj;, sv
àv£Oy;/.ôv Ti-o: 'Pwixxtcc, oa(-/.y;) b^oKo: II. En 179, cette couronne
ne pesait plus que 2 oboles ; elle était donc déjà réduite à
l'état de débris ; il n'est pas étonnant qu'elle ait disparu un
berger, Sylloffe, 342 = Kalinka, Anl. Denkm. in Bulgarien, 95, 1. 23), Pompée
est appelé xjTOKoxTwp 'Pwaaioç ; mais il n'y a point de conclusion à tirer
de là.
1. Voir ci-après les observations relatives aux donations de ces magistrats.
DÉDICACES DE 3IAG1STRATS ROMAINS À DÉLOS 153
peu plus tard et que les inventaires athéniens l'ignorent. Selon
toute apparence, la dédicace en avait été rédigée comme celle
de l'offrande précédente et ne contenait que les mots Titoç
Il est croyable que c'est à l'imitation des dédicaces des deux
couronnes qu on a simplifié, dans les inventaires du commen-
cement du II* siècle, la dédicace du bouclier d'argent. Si l'on a
écrit [Démarès, B, 1. 178) : x7-lq xp-^jp^ Tîtsu 'P(0[j,a(:j àvâ6£[ji.a,
au lieu de Titcj (Kotv/.xbu) ^Tpar/JY^^ ûzâTOu 'P(o;j.ai(ov x'tiHe\K!x,
la raison en peut être qu'on se rappelait avoir lu sur les
couronnes : Titcç {Kovr/.-.ioç) T(jjy.at;oç âv£6Y;y.£v.
2. I. Qiiinctius [Flamininus) {pr. 199 ; pro pr. 198-i94).
L'offrande de L. Quinctius, enregistrée dans l'inventaire de
Démarès, ne se retrouve pas dans l'inv. F 736. Démarès la
décrit en ces termes [B^ 1. 85) : Tzcp-K-?; -/puT^, Asuviou àvâ6e[;.a
'Pco[j.a{o'j, cX(y.v;) hll. D'après nos précédentes observations, il
est certain que le gentilicium Yizbr/.-izq a été omis par erreur. 11
est, d'autre part, vraisemblable que Lucius avait, comme son
frère, négligé de mentionner son titre et s'était contenté de
joindre à son nom l'ethnique 'Pw;j,aî5?.
S. A. Atilius [Serranus] [pr. 192).
Démarès, B, 1. 86 : aXXoç a-izxyz^ caç/vv;;, A'jaou àva6£[AZ
'Po);xaicj, oXf/.rj hH. — F 736, i, 1. 19-20 : aXAov (cTTÉçavcv)
oâsv/;; sj îaxy; cjv toÎ; '.[xavTxp'c.ç cpa(-/!j.ai) PAAAAPttH',
àva9-/3jj.a Auaoj 'Atiaioj *. Le gentilicium 'A.-i'kizq, qui manque
dans l'inventaire de Démarès, est donné par l'inventaire athé-
nien; il se trouvait donc dans l'inscription dédicatoire. 11 me
semble impossible de décider si la même inscription qualifiait
Atilius de ŒTpaTYjYo; 'Pcoixauov ou simplement de 'Pwjxaîoç.
Mais les remarques faites au sujet de T. Quinctius sont favo-
rables à la seconde hypothèse ~.
1. Rédaction semblable dans l'inventaire athénien d'Hagnothéos, A, 1. 66 :
aXXov oâsvï); Aù'Ào'j 'A-:<t>'.?.îou, 6À(y.Y)) PAAAAP///-
2. On peut admettre aussi, d'après Démarès, B, 1. 86, que C. Livius (Salina-
tor) (pr. 191) était simplement appelé Faio; A'.^ioi T'oij-aïo; dans la dédicace
de son offrande. L'inventaire F 736 {A, 1. 29-30) se borne à donner son nom ;
Fa'.o; A([îto;.
l-)i ADDITIONS ET CORRECTIONS
4. L. Cornélius Scipio [cos. 190).
Des trois offrandes de L. Cornélius Scipio (Démarès, B, 1.
89-90; 90-91 ; 100), Tinventaire athénien F 736 ne mentionne
qu'une seule, la couronne de chêne, en or, qu'il consacra, pro-
bablement au printemps de 189, quand il s'en revint d'Asie à
Rome après avoir résigné ses fonctions consulaires ^ :
Démarès, B, 1. 100 : a/j.o: axé'fxvoç ypjtjojç opuoç, àvdt6s[;.a
Aôuy.bu Kcpv'^Abu Hx'.-uovcç ff-pair^YcIi û-iiou 'Po)[Axto)v ~. —
r 736, A, 1. 22 : cc'ako^ opÛLVOv ob sXy.-r] aijv toi; v^.ay-ocpio'.q opx-
('/[xa',) PAAAAP'HH', àvaOY;[j.a Asjxiou Kopv/]Xiou (jizxzq'j.
C'est l'inventaire de Démarès qui reproduit le plus complè-
tement la dédicace, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y manque
rien ; peut-être le nom du père du consul (nsTcXtoç) a-t-il été
omis (cf. dans Démarès, B, 1. 102, la transcription d'une
dédicace de P. Scipio : IlÔTrAioç Us-'/Szj KopvviA'.sç a-paty;Yb;
i)-oL-oç 'P(0[j-aio)v) ■"'. Quoi qu'il en soit de ce point, il est clair
que, dans F 736, îi-aToç est l'abréviation de aipat-z^voç 'jr.a-.z:.
5. Q. Fabius [Laheo] [pr. 189 ; pro pr. ISS).
Démarès, B, 1. 102-103 : à'XXo? cj-ïi^avoç -/puaouç oi^vq:, ov
■Trapéowxsv llôXujio; MsvjXXou, è-iYpa^-Jjv s*/ovTa « Kôvnoç <î>à[îtoç
1. Sur les ofirandes de L. Scipio et sur les circonstances où elles furent
consacrées, cf. mes remarques dans /fermes, 1913,94-96. J'ai admis que le titre
de aipa-cr^yo;, donné à Scipion dans deux dédicaces : Démarès, B, 1. 89-90; 90-
91 (cf. les inventaires de Télésarchidès II, et de Xénotimos (ann. 178), Bb,\.16-
18), est la traduction de praetor et se rapporte à sa préture de Sicile (ann.
193). C'est Diypothèse qui me paraît encore la plus probable; toutefois, il se
peut que CTTpaTYiyo; soit l'abréviation de aTpaxiQYo; iJr.axoi (cf. ci-après, ce qui
concerne Cn. Manlius). L'inventaire F 736 n'apporte ici aucun renseignement.
2. Rédaction identique dans l'inventaire F 428 (antérieur à l'année 179),
1. 14, comme aussi dans ceux de Télésarchidès II, et de Xénotimos, Bb, 1. 26-
27. [Communication de F. Diirrbach.]
3. Comp. aussi le décret des Déliens en l'honneur du même personnagfe (/G,
XI. 4, 712). — Au sujet de la dédicace de P. Scipio, F. Diirrbach veut bien
me faire savoir qu'elle est ainsi transcrite dans l'inventaire inédit de Xénoti-
mos, Bb, 1. 27-28 : axiçavo; yp'jcjou; Sacpvï);, ÈTitypaarj' « HoT^Xio; IlojîXtou
Kopvr^[).io;]c7TpaTr]yo; 'P[a)|j.a(cov » xtX.]. Le titre urraxoç, à la différence de ce
qu'on lit dans Démarès, nest pas joint à a-upaTriyd;. Comme il y a, de part et
d'autre, transcription de la dédicace, c'est manifestement par erreur
qu'j^^ato: a été omis dans Xénotimos. Mais l'erreur peut avoir pour origine
l'habitude où l'on était de remplacer, dans le langage courant, a-:pa7r,YÔ; 'jjzx-o;
par CTToaTriyo; . Cf. ci-après ce qui concerne Cn. Manlius.
DÉDICACES DE MAGISTRATS ROMAINS À DÉLOS 1S5
KctvTOU u'.bç ffTpa-Tjvi; 'P(<i\j.y.ii<r/ », cXf/.'/;) HH '. — F 736, Ay
1. 19-20 : à'XXov (cTiCpavov) oasvr;; su :A7,r, !7'jv "o^ç '•.[j.y.v-xpioïc opa-
(yp.al) H, 3:va6-/j!j-x Koîvtsu <ï>a,'itoj JTrâTCj ~. Le donateur est
Q. Fabius (Labeo), qui commanda, en qualité de préteur et de
propréteur, la flotte romaine dans les eaux de Grèce et d'Asie
en 189 et 188, et qui parvint au consulat en 183 •'.
L'inventaire de Démarès l'appelle a-py.-.r^^'o: 'P(o;xaûov [prae-
tor ou propraetor)^ l'inventaire F 736, J-aTc; (consul). Il faut
essayer de rendre raison de cette divergence. On peut se
demander si l'indication donnée par l'inventaire de Démarès
n'est point incomplète et si le titre véritable de Q. Fabius,
abrégé par erreur, n'était point 7-p7.-r,'fz: ■j-y.-.zç. Après exa-
men, je crois que cette hypothèse, fort plausible en soi, doit
être écartée pour deux raisons. En premier lieu, c'est une
« citation » de l'inscription dédicatoire que nous trouvons
dans Démarès ; et les citations de cette sorte paraissent en
général exactes '*. En second lieu, il n'y a nulle appa-
rence que Q. Fabius ait consacré une offrande à Apollon
Délien en 183 pendant son consulat, tandis que cet acte de
dévotion s'explique très naturellement à l'époque où le com-
mandement naval dont il était investi l'amena dans la mer
Aigée. J'estime donc que l'indication qu'on doit tenir pour
fautive est celle de l'inventaire athénien : dans cet inventaire
u-a-cç remplace à tort (7TpaTy;YÔç, qui se lisait dans la dédicace.
L'erreur n'a rien que d explicable. Nous savons que, chez les
Grecs, le titre consulaire cTpar/jYbç •Jr.y.ioq pouvait s'abréger et
s'abrégeait très fréquemment en c7TpaTY;Y2? '-'• c'est cette abré-
viation qu'aura cru rencontrer l'auteur de l'inventaire ano-
nyme •'. Au mot (j-paTV]Y3ç il aura attribué la signification de
1. Rédaction identique dans l'inventaire de Xénotimos, Bb, 1. 28. [Commu-
nication de F. Diirrbach.]
2. Rédaction semblable dans Tinventaire atliénien d'Hagnotliéos, A, 1. 66 :
aXXov SaœvYjç àvaSrjaa Kotvxou (I»a|î''o'j UTcitou, 6?>(xrj) H-
.■?. Voir les textes dans Miinzer, P-W, VI, 1773-1774, s. v. Fabius, 91.
4. On observera que la liliation de Q. Marcius est indiquée en ces termes :
KdtvTo; <I>a|3'.o; Kol'v-oj uîd; . Le mot J'-d;, traduction du latin filius, a été
fidèlement transcrit, bien qu'aux yeux d'un Grec il fût tout à fait superflu.
5. Cf. ci-dessus, p. 39 et suiv.
6. Ou, naturellement, l'auteur d'un inventaire plus ancien, dont F 736 n'est
que la reproduction.
156 ADDITIONS ET CORRECTIONS
consul^ qu'on lui donnait souvent ; c'est pourquoi il l'aura
remplacé dans son texte par ù'-aTc;.
6. Cn. Manlius {Volso) (cos. 189 : pro cos. 488)?
Démar'ès, J5, 1.99-100: aXAo; c-isavoç '/_p\j70u: ox^vr,;, àvaO£[Aa
Tvcâzj ^lasXXisu aipar^Yso 'Po)[xaîa)v, ôX(xYj) h H ^. — F 736, Ay
1. 23-23 : à'X/,cç (^-éoy-voç) oT.Ç'rqç oO oXx-/; a-jv -roîç '.[j.av-aptoiç xal
JâtjÎAtsapûot PAAAAPttHI, œrj.Hr,\j.x rvaîo'j MasAAioj ÙTiaiou.
La divergence de rédaction est la même que dans le cas
précédent : là où Ddmarès écrit (7-pa--/;Y6ç, l'inventaire athé-
nien écrit iJ-xTsç. Mais il est permis de penser qu'au lieu
d'être l'équivalent fautif de a-rpaTYJYÔ;, j-aTcç est cette fois,
dans l'inv. V 736, l'abréviation correcte de a-pac-r,Y'^ç 'j-aizz.
On doit prendre garde, en elfet, qu'à la ditférence de la
dédicace de Q. Fabius, celle de Fvafoç MaÉXX'.îç n'est pas
"« citée » dans l'inventaire de Déniarès ; l'auteur de cet inven-
taire s'est borné à en noter le contenu, et il est fort possible
qu'il l'ait noté sous une forme abrégée 2. Il se peut que la dédi-
cace ait été ainsi conçue : Fva5:;ç MaeAAicç (Fvabu ou Fvaiou
uîiç ?) c-rpaTrffb; ii-a-îç 'P(o[;,xwv xxA., et qu'on ait substitué
ff-ïpaxYiY3ç à aipaTY^YO;; 'ùr^a-oq -, puisque c'était là, comme nous
venons de le rappeler, une abréviation fort usitée du titre con-
sulaire. A son tour, le rédacteur de l'inventaire anonyme,
usant d'un procédé inverse de simplification, aurait, comme
il fit pour L. Scipio •'', remplacé Gzpa-.r^^foz uTca-iç par j^aToç.
Il est tentant d'accepter cette explication. Si elle est valable,
elle résout, en effet, une question souvent agitée : il n'y a
plus à douter que Fvaio; MaiAAioç soit identique à Cn. Manlius
Volso, consul en 189, comme inclinait à le croire Th.
Homolle et comme, pour ma part, je l'ai toujours pensé 4.
1. Rédaction identique dans l'inventaire de Xénotimos, B7j, 1. 26-27. [Coni
munication de F. Diirrbach.]
2. Cf. ci-dessus (p. 154, note 3) le cas analogue de P. Scipio dans l'inven-
taire de Xénotimos, avec cette dilTérence toutefois que, dans cet inventaire,
il y a transcription de la dédicace.
3. Cf. ci-dessus, p. 154.
4. Th. Homolle, Arch. de Vintend. sacrée, 73 et note 4. V. von SchoefTer
était aussi d'avis que dans rvaïo; MaÉÀX'.o; il fallait reconnaître Cn. Mallius
(sic) Volso (De Deli ins. rébus, 105). Th. Homolle (ibid.) a fait remarquer,
avec raison, je crois, que Mallius, Maelius et Manlius peuvent être « les
DÉDICACES DE MAGISTRATS ROMAINS A DÉLOS lo7
N'oublions pas toutefois que ce n'est ici qu'une hypothèse.
Nous n'avons pas la preuve que, dans Démarès, le titre
de o-rpar/jYcç attribué à V^xioq MaéXXicç ne soit pas la traduction
de praetor, ni, partant, que, dans l'inv. F 736, u-axoç ne soit
pas dû à une erreur du rédacteur, qui, s'abusant sur le sens
de GTpaTr,Yo;, aurait transformé en consul le préteur Cn. Man-
lius comme le préteur Q. Fabius.
Deux offrandes de magistrats romains sont mentionnées
dans Finventaire athénien F 736, qui ne figurent pas et ne
peuvent figurer dans Démarès. L'une et l'autre sont, en effet,
postérieures à 179 : ce sont celles de Q. Marcius (Philippus)
et de Cn. Octavius.
7. Q. Marcius [Philippus) [cos. 169).
F 736, A, 1. 30-32 : «aXoç (atéfflavoç) oxçvyjç cj ôAxy) aùv toTç
l[ji,avTaptoiç lç>a{'/ym) PAAAAPttH'll, àva6-/][.>.a Koivtoj <C tou >>
Map-Âiou ÛTcâ-ou. P. Roussel * a bien vu que le donateur est Q.
Marcius L. f. Philippus, qui fut consul en 186 et 169. La con-
sécration rappelée dans l'inventaire date certainement de son
second consulat. C'est en 169, tandis qu'il faisait la guerre à
Perseus ~, que Marcius enrichit d'une offrande le sanctuaire
d'Apollon Délien. On sait que les Confédérés achéens lui éle-
vèrent, à la même époque, une statue équestre dans l'Altis
d'Olympie 3. La dédicace gravée sous cette statue lui donne le
titre de aiparr^Yoç uiraxo; 'Pw;^.auov ; c'est très certainement
celui qu'il portait aussi dans l'inscription dédicatoire résumée
par l'inventaire de Délos. Le rédacteur de cet inventaire a,
selon son habitude, abrégé (jTpax-r)Yoç îl-a-oç en uTcaxoç.
8. Cn. Octavius [cos. 165).
F 736, ^,1. 11-12 : àXAcç (a-céfavoç) Saçv/jç eu oX(xt]) oç)Cf.[yy.a\)
variantes orthographiques d'un même nom ». Toutefois, la « variante » Mael-
lius n'est point signalée par Th. Eckinger, Die Orthographie lalein. Woerter
in griech. Inschriften (diss. Ziirich, 1891).
1. P. Roussel, Délos col. athénienne, 396.
2. 'Voir les textes dans Niese, III, 145 et suiv.
3. Dittenberger, Sylloge 2, 301 ; cf. ci-dessus, p. 28.
158 ADDITIONS ET CORRECTIONS
PAAAAPtt, àvaBy;iJ.a rvabu Oy.Tauicu OraTcu. Le donateur,
comme l'a reconnu P, Roussel ^ est Cn. Octavius, consul en
165. Il est d'ailleurs extrêmement probable « qu'il ne consa-
cra point sa couronne l'année même où il fut en charge, mais
vers 164, lorsqu'il fut envoyé comme ambassadeur en Grèce
et en Orient » -. Le cas serait donc tout à fait analogue à celui
de P. Scipio, qui s'est qualifié de consul {a-pa-r,Yoç uTra-o;
'Po3[xaio)v) '^ dans la dédicace d'une olfrande consacrée en 193,
c'est-à-dire pendant l'année qui suivit son second consulat ^.
Dans l'inventaire athénien, le titre uTcaio; donné à Cn. Octa-
vius est, comme de coutume, l'abréviation de ctpaT-^'/bc îi-a-o?.
En résumé, la lecture des inventaires déliens du milieu du
u^ siècle et la comparaison de ces inventaires avec celui de
Démarès donnent lieu aux remarques suivantes :
1. Dans les dédicaces des offrandes qu'ils ont consacrées à
Délos, les magistrats romains, à l'encontre de ce que j'avais
d'abord supposé, se sont toujours désignés par leur nom com-
plet [praenomen et gentilicium). Mais il semble qu'à l'époque
la plus ancienne, certains d'entre eux aient passé sous silence
le titre de leur fonction et n'aient voulu prendre d'autre qualifi-
catif que celui de Twi^-aîoc. Tel serait le cas pour T. Quinc-
tius et L. Quinctius, peut-être aussi pour A. Atilius et G.
Livius.
1. P. Roussel, ihid.
2. P. Roussel, ihid.
3. Démarès, B, 1. 102. Cf. ci-dessus, p. 154.
4. Cf. sur ce point, Hermès, 1913, 93-94. — Cas analogue aussi pour L. Sci-
pio, appelé consul (aTpa-cïiyôç uTtaTo;) dans l'été de J89 {Démarès, B, 1. 100),
bien qu'à cette époque il fût déjà sorti de charge. — Il se présente toutefois,
au sujet de Cn. Octavius, une difficulté particulière. L'ambassade d'Octavius
en Syrie fit suite à la mort d'Antiochos Épiphanès; la date de cette mort est
controversée (cf. Holleaux, Rev. Et. anc. 1916, 92. 1 ; Lenschau, Bursian's
Jahresb. 1. 135 (190S), 227) ;mais on penche maintenant à la placer dans l'été de
163 (Lenschau, ibid.). Est-il possible, pourtant, que Cn. Octavius, consul en
165, ait encore pris, un an et demi après être sorti de charge, le titre de son
ancienne magisti-ature ? Il y a lieu de se demander si le titre de consul, que
lui donne la dédicace délienne, n'est pas précisément un motif pour reculer
d'un an la mort d'Épiphanês et pour la reporter en 164, comme le voulait
Niese (III, 218, 7).
UNE NOUVELLE LETTRE DU SÉNAT 459
2. Dans quelques-uns au moins des inventaires sacrés rédi-
gés à Délos vers le milieu du ii* siècle, uzx-oç est l'abréviation
régulière de (jTpaxYjvbç uTua-o;. Cette indication s'ajoute utile-
ment à celle que nous avait fournie le décret d'Halikarnasse
où est nommé le consul P. Licinius Crassus (cos. 131) ',
comme aussi à celles qui se tirent de la lecture de Polybe.
Nous avons de la sorte une preuve nouvelle qu'en Grèce, au
cours du u^ siècle, l'appellation consulaire solennelle était
simplifiée, dans l'usage ordinaire, par la suppression de son
premier élément.
3. Mais il ressort des mêmes inventaires que, vers le même
temps, (7TpxTr,-(b; était une autre abréviation de a'pair,Voq îj-a-
Toç. C'est ce que montre l'erreur commise dans l'inventaire
r 736 au sujet de Q. Fabius (Labeo), qu'on appelle •j-îzx-oç (bien
qu'il ne fût que préteur), parce que la dédicace de son
offrande le qualifiait de c-paTYjviç. Et c'est ce qu'indique pareil-
lement, pour une époque un peu antérieure, le titre de cTparr,-
vi; donné par l'inventaire de Démarès à Cn. Manlius, si
vraiment, comme il paraît probable, ce personnage est le
consul de 189.
111. Une NOIVELLE LETTRE DU SÉNAT.
Mon ami Em. Bourguet a bien voulu me communiquer la
copie, qu'il n'a retrouvée que tout dernièrement, du texte sui-
vant, découvert à Delphes dans l'hiver de 1893-1894 (Inv.
n° 1115; bloc de calcaire gris, à la face gauche du piédestal
qui portait la statue de M'. Acilius) :
[ , cTp]aTY;YÔç [yTCarjoç 'P[«][jl[xiwv, /.a't or,\-
[[j.]<xpyoi y.al [f, <jù^(7,]\T,i:oq AcXçwv xoiç ap\y^o]uG'. xai T'^t
X3[a£i yjxipzvr]
cl Tzcip u(;.(ov àTtcataAiV-reç Tcpsa^euTat 'Hpuç Ejoojpou, [Aa-
\xzaU-]
vr^; ' ' ApyéXa lâ t£ •^p(X[i[>.oi.-x à-éSojav xat a-j-oi oizKé'(r,<jx'^
àySKoJboiq
1. Ci-dessus, p. 44.
2. La resLituLion est due à Em. Bourguet.
160 ADDITIONS ET CORRECTIONS
l) -oiq àv aiJTOîç xaTa/.e^(i)p[icr][jL£vo'.ç jj-exà 'r:i(jr,q ctcouB^;, ©tXo-
0èv èXAeiTCovxsç, sveçâviCov oè xal STt tôv t£ ày^va Toy Yuy.vt-
•/,bv
/.ai ty;v Oufftav ûxèp r^ixwv (Juv(e)T£X£(yaTe ' ' xai -^ aù^yikr,xoq tyjv
âiavciav
T:po(î£a)jîv Te xal è'oo^ev aùxotç û'^rsp te twjjl irps-spov Tupea^euxciv
BoûXtovoç, ©pasuxXéoç, 'Ope^xa tw[ji, ~pb^ ■"Qt^i-àÇ [J-àv à^'.xcixé-
v(i)v, £v oè
10 -f,i B'.q otxov àvaxojAiS^i oiafO)VT;aavT(.)v ypail/oci Tcpbç Màapxcv
^oXcuicv
Tov iTjji.éTSpov axpaTT^YÔv, îva çppovT{i3ï;i '67COK,CTav xa6' f^fiaç ^e-
VY;Tat,
Ta xaTà TY)v I]a[AYjv -pàY;j.aTa avai^Y;Tr(Cr,i tcjç àctxrjaavxaç xai
©pov-
TÎar,i tva ~ùycùcv> tï;ç xa6Y;xo'J07)ç Ttij-wptaç xal Ta xwv -p£(7-
^SUTWV
•Jzdép^^cvTa «TcoxaTaff-aO^'. xavTa toîç clxs'lcç aÙTwv • ioo^cv Se
xai
15 ~poç A'.T(ùXcy? Ypa^iai Tuepl twv yz'JoijA'Hô'^ -Kxp' u[ji.îv àoix"/;[i.à-
Twv, ïva
vû[x [xav Ta à-XYjYlxeva 7:âvTa àvaÇY)Tr,o-(0(7iv xai à-oxaTasri^ffw-
ffiv \j\j.v/, Toû oè Xo'.xcu iJi.r,6£v ïv. yivYjTai* xaî -TZîp'l twv èv
Aeasoîç xa-
ToiX£ÔVTo)v £7£tv ij[Kàç èçouc'.av £©ï;x£v f, o-JYxXrjToç ècotxiçîtv
[o]jç ai^, ,jO'^^^("'î)'^9^ " ''^''''^ ^^'' xaTO'.x£?v xap 6[JLaç toùç £Jap£a-
ToDvTa^ Troi
20 [xjotvwi TWV AcXçwv" Taç Se ooBsiaaç à~oxptff£iç Totç è'fXTcpoaGEv
Tïpbç
[i^]jji.àç à<çixo[/.£vciç Trap' 'JiAwv TCp£a|3£UTaCç àv£S(î)xa[ji.£V ajxoiq
xaOà);
[i^];tojv ■rjiji.àç, xai e\q zh Xs'.tcôv ok -aipajifAcOa àcî Ttv:; àyaOoU
[■TîapjaiTtoi Toïç ^sKtfoXq yi^^'^^^'- ^'■'^ "^ '^^'^ ^^^'^ ^^'^ ^^' y^*-»?
xal cià T5
1. Peut-être la pierre porte-t-elle aavTêXEaaTE.
2. La pierre porte PojÀeaÔe.
UNE NOUVELLE LETTRE DU SÉNAT 161
TTiXTpiov y][ji.îv eivat toù; Oscùç aÉj^eaôai' te y.al TiiJ.av -ohç cvTaç
2o Twv aWi'ouç ToJv àYaôwv.
Comme on le voit tout de suite, nous avons ici une lettre
écrite par le Sénat aux magistrats et à la ville de Delphes.
Elle doit prendre place à côté de celles qui furent adressées
aux Téiens, aux Hérakléotes-du-Latmos et aux Amphiktions
(cf. ci-dessus, p. 98).
Je n'ai point à faire le commentaire historique de ce texte
précieux ; il suffira d'en établir la date approchée.
Les ambassadeurs de Delphes nommés à la 1. 9 sont les
mêmes dont parle Sp. Postumius dans sa lettre aux Amphik-
tions (ci-dessus, page hors texte, n. 2) ; ils étaient donc pré-
sents à Rome en 189 et, comme on peut l'induire de la date
du sénatus-consulte gravé à la suite de la lettre de Postumius,
dans les premiers mois de l'année'. Puisque la lettre du Sénat
fait allusion à leur retour en Grèce (1. 9-10), elle ne peut être
antérieure au courant de la même année 189. Effectivement, il
ressort des 1. 10-12 qu'au moment où elle fut écrite, le consul
M. Fulvius (Nobilior) était occupé à réduire la ville de Samé ;
or, il est certain que la conquête de Képhallénia ne commença
point avant l'été de 189'^; c'est donc l'été de 189 qui est
ici le terminus posf quem.
Mais, en fait, la lettre est d'une date sensiblement plus
récente. Le consul dont le nom a disparu à lai. 1 n'est pas M.
Fulvius, et ne saurait être non plus Cn. Manlius (Volso),
puisque Manlius quitta Rome vers le printemps de 189
pour se rendre en Asie 3. Ce consul est l'un de ceux de
188, lesquels prirent leurs fonctions vers décembre 189 '.
1. Le sénatus-consulte a été rendu comme on l'a vu plus haut, 7:^0
rjjjLspwv teajâpwv vwvœv Mat[oiv]. L'année romaine était alors d'environ
quatre mois en avance sur l'année naturelle (Matzat, Rom. Zeilrechn. 200;
Boll, P-W, VI, 2358, sur l'éclipsé du 14 mars 190).
2. Cf. Nissen, Krit. Unters. 205; Niese, II, 769, 4; Matzat, Rom. Zeitrechn.
209.
3. Cf. ci-dessus, p. 138, note 4.
4. Matzat, ibid. 210.
HOLLEAUX. — ^TpaTriyô; oTiaTOç. 11
162 ADDITIONS ET CORRECTIONS
Il en résulte que la lettre du Sénat remonte, au plus tôt, à
la fin de l'année 189, et fut plus probablement écrite au com-
mencement de l'année suivante. — On voit par là que T. Live,
comme l'avait très bien observé Nissen', a fortement anti-
daté la prise de Samé : il la place avant les élections consu-
laires pour 188 -, alors qu'elle n'eut lieu qu'au cours de l'hiver
de 189-188. T. Live a essayé, par un des biais dont il est cou-
tumier, de concilier le récit que faisait Polvbe des événements
de Grèce avec le récit des événements urbains donné par les
Annalistes. Le vovaye de M. Fulvius à Rome, où il vient
présider les comices, est un emprunt à la tradition annalis-
tique, et, comme l'a remarqué Nissen, ne paraît avoir aucune
réalité -^ Ajoutons que ce que dit T. Live de \q. prorogaiio de
Vimperium de Fulvius ^ est, dans son récit même, une absur-
dité, puisque la guerre aurait pris fin avant ce[ie prorogatio.
Les consuls de 188 étaient, comme on sait, \i. Valerius
Messalla et G. Livius Salinator •"'. C'est le nom de l'un ou de
l'autre qui doit être rétabli à la 1. 1, mais je ne vois aucune
raison de choisir entre eux. Aussi bien, ce qui a pour nous
beaucoup plus d'intérêt que le nom du consul, c'est la forme
donnée au praescripiuin : [N . , Gzp]a-r,yoz ['j-xt]oç 'P[co]p.[ata)v,
v.xl cr,[j.]ap7Ci /.«['• f, ffJY"/.]AY;TOç AsXiwv -oiq ap["/o]ijffi /.où -^i
7:i[A£i yxipiiv.]Ce praescriptum est. comme on voit, semblable
à celui de la lettre aux llérakléotes-du-Latmos,et nous apporte
encore une preuve que, dans les actes du Sénat, le titre offi-
ciel donné aux consuls était z-py.-.r^';'zz 'j-y-zz.
Aux 1. 8 et 14, on remarquera les formules : ëco^sv aÙTOïç
(rr= t^i ffJYy.AYiTMt) ; îoz'zv) — . Commc la lettre adressée par le
Sénat aux Amphiktions (ci-dessus, p. 98 et note 3), celle-ci
reproduit en partie le sénatus-consulte qu'elle résume.
Enfin, il importe de noter (1. 10-Hj la phrase : (loorev) —
Yoât^ai T^çilz Màxpy.ov <I>iXo!jiov xbv Yiiiitspcv ffTpaT-^yov. L'emploi
1. Nissen, ibid. 206.
2. Liv. 38. 30. 1, qu'il faut rapprocher de 35. 1.
3. Liv. (Ann.) 38. 35. 1 ; cf. 3/. 50. 6. — Nissen, ibid. 206; Niese, II, 770, 3.
4. Liv. (Ann.) 38. 35. 3; cf. Nissen, ibid. 206.
5. Liv. (Ann.) 38. 35. 1; 35. 7.
UNE NOUVELLE LETTRE DU SÉNAT 163
de ffTpczTYjYÎ;, comme titre abrégé du consul (ici proconsul),
est d'un grand intérêt. C'est un exemple qui s'ajoute fort
opportunément à ceux que nous avait fournis le traité avec
l'Aitolie (ci-dessus, p. 80 et suiv.), lequel est presque contem-
porain de la lettre du Sénat. Il n'est plus nécessaire de sup-
poser que, dans ce traité, la dénomination de i7-pxxr,-(oi, appli-
quée aux consuls de 192 et à M. Fulvius, est due à une
influence hellénique. Et, d'autre part, il n'y a plus de raison
de douter que, dans le sénatus-consulte pour les Thisbéens,
les mots -cv rrap' r,[j.uyj <j-zy-r^-p'i (1. 41) désignent le consul
A. Hostilius en même temps que les préteurs qui l'ont précédé
en Grèce (cf. ci-dessus, p. 84, note 2). J'ai dit (p. 85) qu'au
commencement du ii' siècle, il put y avoir et il y eut quelque-
fois variation dans l'usage, lorsque, dans le texte développé
d'un document public, il était fait mention de consuls ; qu'à
cette époque, <( on ne faisait nulle difficulté d'admettre la
traduction de consul par arpar^-pç, et que ce titre n'était pas
jugé moins correct ni moins acceptable que celui d'uizoïxoç ».
C'est ce que confirme très heureusement la lettre inédite du
Sénat, dont je dois la connaissance à M. Bourguet. Nous y
voyons une fois déplus le gouvernement romain, de même que
les Grecs, simplifier en zzpxxT,-.;o; l'appellation solennelle
de jxpaTYJYOç uiraTO?.
P. 13, note 3. — La liste c[ue j'ai dressée des 7-px-r,'(z\
x-i^jiKxzzi sera prochainement publiée dans la Revue archéo-
logique.
P. 13, note 4. — C'est par inadvertance que dans cette
note, Q. Minucius Rufus se trouve nommé le premier, au lieu
d'être placé à son rang chronologique, avant Q. Mucius Scae-
vola, qui lui-même devrait précéder L. Julius Caesar.
P. 20, 1. 3 (à partir du bas). Lire : L. (Quinctius Flamini-
nus) (pr. 199; pro pr. 198-194).
P. 41 et suiv. — J'ai omis de citer, parmi les inscriptions
d'origine grecque où se rencontrent les titres de ^TpaT-zj-p; et
164 additions^'et corrections
d'àvOuTTaxo;, le décret des synèdres et du peuple de Messène
en l'honneur du Ypa^-p-^Tsù; twv (juv^opojv Aristoklès (/G, V, ],
1432) ; je croyais, en effet, à la suite de Wilamowitz [ibid.,
note de la p. 285), que ce document ne datait que de l'époque
de la dernière guerre civile. J'ai appris dans ces derniers
temps qu'Ad. Wilhelm lui a consacré une importante étude
publiée dans les Wien. Jahresheffe de 1914. Il ressort de ce
travail, dont je dois un résumé à Toblig-eance de M. Georg-es
Nicole, professeur à l'Université de Genève, que le décret est
beaucoup plus ancien qu'on ne l'avait supposé jusqu'ici et
peut se placer entre 130 et 90 avant notre ère.
On y trouve mentionnés deux fonctionnaires romains, appe-
lés l'un Vibius(0j{|3ioç) et l'autre Memmius [Mé\).\uzç). Le pre-
mier porte le titre de s-:py-r,-[z; (1. 6, 10, 11, 37); le second,
d'àvÔJTraTc; (1. 36). Il est évident que, dans ce texte, ces deux
titres, attribués à deux personnes différentes et qui s'opposent
l'un à l'autre (voir notamment 1. 36-37), ne peuvent avoir la
même sig-nification.
Ad. Wilhelm est d'avis que Memmius, préteur ou propré-
teur revêtu du consulare imperium, est le gouverneur de la
province de Macédoine ; et c'est, en effet, l'opinion la plus
probable. Quant à Vibius, ce serait un préteur (ou propréteur)
qui, par mesure extraordinaire, aurait été adjoint au gouver-
neur. Ce qui paraît sûr, en tout cas, c'est que aipar^viç a bien
ici la valeur depraetor.
Si le décret appartient au ii® siècle ou au début du i^'', le fait
que Memmius y est qualifié d'àvôû-aTc; dans le corps du texte
n'empêche naturellement pas que son appellation solennelle
fût (jxpx-.Tiyo: àvOJ-a-rsç ; il ne faut voir dans ivSijTraToç qu'une
appellation simplifiée. Si l'abréviation àvOj-aToc a été préférée
à l'abréviation o-tpaTYiviç, la raison en est assez claire : il con-
venait d'éviter toute confusion entre le gouverneur ((j-patiQYb;
àv6J-aTc;) Memmius et le praetor Vibius.
P. 44, note 2. — Il m'a échappé que, dans un fragment
d'inscription trouvé à Delphes [Fouilles de Delphes^ III (2),
176, n. 142), on lit, à la 1. 6 : — ] xvOu-xtcu y.ai Tr,v — . Selon
G. Colin [ibid. 177), « l'inscription ... a peut-être trait au
ADDITIONS ET CORRECTIONS i6o
bornage (de Delphes) avec Ambryssos [cf. n. 136, p. 141]...
L'écriture convient très bien au troisième quart du ii'' siècle. »
Il est impossible de savoir si, dans ce texte, le titre de îToa-
Tvjvoij précédait ou non àvOu-xtcu. La phrase où se trouve le
mot àvO'j-xTou ne paraît point avoir fait partie dune formule
d'intitulé.
P. 69. — Il n'est pas sûr, quoi qu'ait pensé Mommsen
[Staatsrecht, III, 1007, 2), que la formule r.pl -qiJ.-pùr/ •/.->..
correspondant à ante cliern eqs., soit un latinisme. Les
exemples qu'en ont rassemblés W. Schulze (Graeca Latina,
Progr. Gôttingen, 1901, IS) et Ad. Wilhelm (Beitr. zur
griech. Inschriftenk. 182) donnent à penser qu'elle est d'ori-
gine purement grecque, mais qu'elle n'est devenue usuelle
qu'à l'époque tardive. L'hypothèse de Schulze [ihid. 15) :
(( Sie scheint sich aus der rômischen Datierungsformel ent-
wickelt zu haben — » paraît contredite par quelques-uns des
textes mêmes qu'il cite. Wilhelm relève avec raison dans
Théophraste, fUpl (juiJ-(3oAauov (Stob. Floril. XLIV, 22 =
Thalheim, Rechtsaltert.''' (1884), 128) : r.pi r,[xzp<ov y.v; thy—zv
•}, è^rjy.ovxa. On lit, d'autre part, dans le règlement des Mys-
tères d'Andania {IG, V, 1, 1390 1, 1. 70 : -rzpz â;j.sp5v céxa twv
[7.u7r^p(wv, et l'on ne croira pas facilement que la rédaction de
ce règlement soit inspirée de modèles latins.
P. 76, 1. 7 : Au lieu de Thespies, lire Thisbé.
P. 95, note 4 de la p. 94. — L'identification, proposée
par G. Colin, du préteur M. Aemilius M. f. , nommé dans
l'inscription de Magnésie [Sylloge -, 928), avec 1' [Aemilius]
Lepidus qui semble avoir été préteur urbain en 143 (Frontin.
de aquae ductihus, 7) ne doit pas être rejetée a priori, mais
elle demeure extrêmement douteuse. Nous n'avons, en effet,
aucune preuve que le préteur qui mit fin à la querelle des
Magnètes et des Priéniens fût un Aemilius Lepidus.
20 décembre 1918.
BiBLiOTHECA
Ottaviensi»
TABLE DES MATIERES
P«gei.
AVANT-PROPOS vu
CHAPITRE PREMIKR. — La traduction grecque du
TITRE CONSULAIRE '. I DANS LES DOCUMENTS PROVENANT
DES CONSULS ; II DANS LES INSCRIl'TIONS DEDICATOIRES
PROVENANT DES ITALIENS DE DÉLOS ; III DANS LES DOCU-
MENTS d'origine GRECQUE (dÉCRETS ET DÉDICACES) ;
IV DANS l'ouvrage DE PoLYBE 1-55
I. Documents provenant des consuls 1-25
§ 1. Lettres et rescrits des consuls 1-17
§ 2. Autres actes publics des consuls 17-18
§ 3. Inscriptions placées par les consuls sur
des monuments d'utilité publique 19
§ 4. Inscriptions dédicatoires composées par
les consuls 20-23
II. Inscriptions dédicatoires provenant des Italiens
deDélos 23-25
III. Documents d'orig-ine grecque 25-45
§ 1. Décrets et dédicaces en Thonneur de con-
suls 25-38
§ 2. Décrets mentionnant occasionnellement
des consuls 38-45
IV. Le titre du consul chez Polybe 45-55
V. Résumé et conclusions 56-59
CHAPITRE DEUXIÈME. — La traduction grecque
DU TITRE consulaire DANS LES ACTES DU SÉNAT 60-104
Théorie nouvelle sur le sujet 60-62
I. Objections préliminaires 62-71
II. Discussion de la théorie 71-103
§ 1. Examen critique des textes allégués 72-80
§ 2. La traduction du titre consulaire dans le
traité de L89 avec les Aitoliens 80-86
§ 3. La traduction du titre consulaire dans la
Proclamation de Corinthe (196) 86-92
168 TABLE DES MATIÈRES
§ 4, Nouvel examen des lettres des consuls
C. Fannius et L. Calpurnius Piso 92-97
§ 5. La traduction du titre consulaire dans les
lettres du Sénat 97-100
§ 6. La traduction du titre consulaire dans le
sénatus-consulte de 135 101-103
III. Conclusion 103-140
CHAPITRE TROISIÈME. — Observations critiques
SUR l'appellation SToaTTiYoç uTrato; 105-130
I. Analyse grammaticale de l'appellation 105-1 13
II. STpaTr,YC/ç uTiaToç est-il la traduction de Praetor
Hjaxtmus? Critique de la théorie de jMommsen 114-123
III. Origine de l'appellation oxparriyoç uTraroç 123-130
APPENDICE. — La PRÉTENDUE lettre de Cn. Manlius
VoLso AUX Hér.\kléotes-du-Latmos 131-146
ADDITIONS ET CORRECTIONS 147-165
I. Les lettres de Sp. Postumius et le sénatus-con-
sulte DE 189 147-149
II. Remarques sur les dédicaces de magistrats
romains mentionnées dans les inventaires de 149-159
Délos
m. Une nouvelle lettre du Sén.a.t 159-163
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